Mawda: le chauffeur condamné à quatre ans de prison ferme, le policier à un an avec sursis
Le tribunal correctionnel de Mons condamne à une peine de quatre ans de prison ferme le chauffeur de la camionnette, Jargew D. Le policier qui a tué involontairement Mawda écope d’un an de prison avec sursis et d’une amende de 400 euros.
Le tribunal correctionnel de Mons a estimé vendredi, dans son jugement rendu dans le cadre de l’affaire Mawda, que le tir mortel du policier était accidentel. Cependant, il est d’avis que le policier a commis une faute en utilisant son arme contre un véhicule en fuite et que cette faute était en lien direct avec la mort de la petite fille. Il est coupable d’un homicide involontaire par défaut de précaution ou de prévoyance.
Le tribunal retient que le policier n’a jamais varié dans ses auditions, déclarant qu’il avait tiré vers le pneu de la camionnette pour provoquer une crevaison lente. De plus, dès la fin de la course-poursuite, il a déclaré avoir tiré un coup de feu; il n’a donc pas tenté de le dissimuler.
Selon le tribunal, sa version ne manque pas de crédibilité et est confortée par plusieurs éléments du dossier, notamment par le fait que le coup est parti au moment où le véhicule de police a été heurté par la camionnette circulant à vive allure. Le collègue du policier atteste que ce dernier visait le bas de la camionnette, laquelle faisait des zigzags au moment du tir. Les policiers de Namur, qui suivaient la camionnette, ont vu un déport vers la gauche de celle-ci.
L’expert en balistique estimait que le tir a pu être effectué par crispation. « Je ne peux pas l’affirmer mais c’est plausible. Il faut une force de 28 newtons pour enclencher le tir. Ce n’est pas impossible d’avoir le coup de feu à ce moment-là; c’est une force classique pour ce genre d’arme », avait-il déclaré devant le tribunal.
Pour le tribunal, les parties civiles se trompent quand elles déclarent que le tir n’a pas pu être fait de manière accidentelle.
Elles se trompent aussi en plaidant sur l’article 38 de la loi sur la fonction de police et lorsqu’elles affirment qu’un policier ne pourrait pas faire usage de son arme en dehors de cet article, qui vise des cas particuliers d’usage d’armes à feu uniquement contre des personnes et, notamment, quand ces personnes ont commis des faits de délinquance et qu’elles sont susceptibles d’être armées ou de faire usage d’une arme, y compris un véhicule.
L’usage de l’arme n’est pas régi par l’article 38 de la loi sur la fonction de police; c’est l’article 37 qui règle les moyens de contrainte ou l’usage de la force. Il soumet tout recours à la force par les policiers à plusieurs conditions, qui ne sont pas rencontrées dans le cas d’espèce.
Cependant, le tribunal ajoute que les conséquences d’un tir étaient prévisibles et sans commune mesure avec l’objectif d’arrêter la progression d’un véhicule. Il apparaît ainsi qu’il n’existait aucune proportionnalité entre un véhicule en fuite et le risque de l’utilisation d’une arme à feu contre ce véhicule. Aucun des policiers entendus n’a souscrit à une telle méthode pour arrêter un véhicule en fuite. L’absence de formation adéquate n’est pas de nature à effacer la faute commise par le policier, d’autant que son comportement était contraire à la loi sur la fonction de police. L’absence d’une telle formation aurait dû inciter à redoubler de prudence. Son entreprise de viser le pneu était hasardeuse à telle allure, la nuit, selon le tribunal.
La faute est établie sans aucun doute raisonnable et est en lien avec la mort de Mawda, conclut le tribunal, estimant que le caractère volontaire de l’homicide, soutenu par les parties civiles, n’existe pas, même selon la théorie du dol éventuel. Il ne s’agit dès lors pas d’un meurtre, ni d’une prévention de coups et blessures volontaires. Le policier est donc coupable d’un homicide involontaire par défaut de précaution ou de prévoyance, d’après le tribunal.
Le chauffeur
Le tribunal correctionnel de Mons n’a aucun doute sur le fait que Jargew D. était bien le chauffeur de la camionnette qui a tenté, à plusieurs reprises, d’envoyer des véhicules de police, ainsi que d’autres véhicules, dans le décor lors de la course-poursuite qui s’est déroulée sur l’autoroute E42, dans la nuit du 16 au 17 mai 2018.
Dans son jugement rendu, le tribunal estime qu’il existe assez d’éléments précis et concordants pour prouver qu’il est bien l’auteur d’une entrave méchante à la circulation et d’une rébellion armée au sens du code pénal. Il a été condamné à quatre ans de prison ferme.
Le convoyeur
Le tribunal a estimé qu’il n’existait pas assez d’éléments en droit pour dire que Rasol D.A. était coauteur d’une entrave méchante à la circulation et de rébellion armée. Sa seule implication reposait sur la déclaration d’un témoin anonyme. Il sera donc acquitté comme l’avait plaidé son avocat, Me Frank Discepoli. Rasol D.A. encourait une peine de sept ans de prison. Ce jeune Irakien de 28 ans était considéré par le ministère public comme étant le convoyeur de la camionnette chargée de migrants.
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