Mauvaise payeuse, la Belgique se met en ordre dans l’urgence mais crispe les pouvoirs locaux
La Commission européenne a introduit un recours devant la Cour de justice européenne pour forcer l’État à honorer ses frais envers ses créanciers privés. Un arrêté royal a été introduit dans la foulée, au grand dam des pouvoirs locaux.
Mauvaise payeuse, la Belgique ? Oui, à en croire le recours introduit le 10 août dernier par la Commission européenne devant la Cour de justice européenne (CJUE). En cause, le fait que ni «le gouvernement fédéral en 2021», ni «la Région wallonne en 2020 et sans interruption depuis le premier semestre de l’année 2022», ni «la Région de Bruxelles Capitale dans le premier semestre de l’année 2022», ni «les Communes de la Région de Bruxelles Capitale depuis le premier semestre de l’année 2023», n’ont vraisemblablement veillé à ce que leurs créanciers puissent obtenir dans un délai de 30 jours les intérêts légaux en cas de retard de paiement.
Idem, toujours selon la Commission, pour ce qui est d’un «paiement automatique du montant forfaitaire pour l’indemnisation des frais de recouvrement en cas de retard de paiement», qu’ont manifestement snobé «le gouvernement fédéral et la Région de Bruxelles Capitale dans le premier semestre de l’année 2022», «le gouvernement fédéral et la Région flamande dans le premier semestre de l’année 2023», «le gouvernement fédéral, la Région flamande, la Région de Bruxelles Capitale et les Communes flamandes dans le second semestre de l’année 2023»…
«Selon cet arrêt, une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, pour toutes les transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, un délai de paiement d’une durée maximale de 60 jours civils, n’est pas autorisée, pas même lorsque ce délai de 60 jours civils est composé, d’une part, d’un délai de vérification de 30 jours et, d’autre part, d’un délai de paiement de 30 jours.»
Gouvernement fédéral, commentant l’arrêt de la CJUE datant de 2022.
Ce qui contrevient selon la Commission à une directive européenne concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, qui fixe les conditions et délais en vigueur. Le tout est appuyé par une jurisprudence plutôt claire, notamment apprès un arrêt rendu par la Cour en 2022 opposant l’administration espagnole et l’un de ses créanciers.
Pouvoirs locaux désoeuvrés
Ni une, ni deux, le gouvernement belge s’est donc fendu, deux jours seulement après le recours de la Commission, d’un arrêté royal modifiant les règles générales d’exécution des marchés publics. Le tout, afin de justement se mettre en conformité avec l’arrêt rendu en 2022 par la CJUE. «Selon cet arrêt, une réglementation nationale qui prévoit, de manière générale, pour toutes les transactions commerciales entre entreprises et pouvoirs publics, un délai de paiement d’une durée maximale de 60 jours civils, n’est pas autorisée, pas même lorsque ce délai de 60 jours civils est composé, d’une part, d’un délai de vérification de 30 jours et, d’autre part, d’un délai de paiement de 30 jours», observe l’État belge, qui prévoit donc dès 2025 de supprimer «le délai de vérification et le délai de paiement». «Cela signifie que la vérification et le paiement devront intervenir dans un délai de 30 jours.»
Pas de quoi ravir les pouvoirs locaux, dont l’Union des villes et communes de Wallonie (UVCW). Qui, voilà dix jours, a lourdement protesté. «Face à un tel arrêt (NDLR: de la CJUE) pour le moins surprenant et, peut-on l’espérer, isolé, on devrait s’interroger quant à l’opportunité de modifier la réglementation belge aussi vite, sans attendre que cette jurisprudence soit ou non confirmée. Avec les autres représentants des pouvoirs adjudicateurs au sein de la Commission fédérale des marchés publics, nous nous sommes opposés à une telle modification.»
Une position qui n’est pas nouvelle. L’an dernier, l’UVCW avait, avec ses associations-sœurs flamande et bruxelloise, la VVSG et Brulocalis, interpellé le Premier Ministre, en charge des marchés publics, «sur les velléités du gouvernement de réduire les actuels délais de vérification (30 jours) et de paiement (30 jours) à un unique délai de traitement de 30 jours.» À l’époque, l’arrêt de la CJUE, auquel le gouvernement entend désormais se conformer, ne plaisait déjà pas aux pouvoirs locaux. Qui, cette fois, vont devoir «tout mettre en œuvre pour appliquer ces nouvelles règles», affirment-ils. Avec quelques tracas en vue: «Dans le cas des marchés de travaux, les pouvoirs adjudicateurs qui recourent à des auteurs de projet externes vont devoir, via les clauses du marché de services, leur imposer des délais de vérification très courts. Et sans doute bien d’autres mesures encore», prévient d’emblée l’UCVW.
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