Mathilde, reine depuis 10 ans: elle fait plus qu’épauler Philippe (récit)
La Constitution belge n’a prévu aucun rôle pour l’épouse du roi. Comment Mathilde, septième reine des Belges, contribue au succès de la monarchie.
Mathilde est née pour être reine », nous confiait un intime du Palais alors que l’épouse de Philippe était encore princesse de Belgique et duchesse de Brabant. Consciencieuse, intelligente, respectueuse… : les qualificatifs n’ont jamais manqué, dans les médias et les cercles politiques, économiques et sociaux, pour souligner à quel point la logopède et psychologue de formation cochait toutes les cases, comme si elle était prédestinée à son futur rôle. Devenue reine il y a dix ans, elle a « professionnalisé son rôle », remarque l’historien Vincent Dujardin.
Trop parfaite, Mathilde ?
Trop lisse, Mathilde, comme le prétendent ses détracteurs ? Ambitieuse et perfectionniste dès sa jeunesse, elle aime tout contrôler. Certains observateurs ont surtout craint qu’une fois devenue reine, elle fasse de l’ombre à son mari. Ils se sont trompés. Par le développement d’activités propres dans les thèmes qui lui sont chers – le social, l’éducation, le statut de la femme, la santé mentale, le culturel –, Mathilde a acquis un rayonnement national et international, mais ses nombreuses visites de terrain et l’influence qu’elle a acquise n’ont pas nui à la visibilité du souverain.
Un rééquilibrage a été opéré par le Palais peu avant l’accession de Philippe au trône : Mathilde a dû faire un pas de côté en ne participant plus à toutes les missions économiques à l’étranger présidées par son époux. Deux fois plus de journalistes faisaient le déplacement quand elle était du voyage. Les télés et les magazines people s’intéressaient davantage aux rencontres de la princesse et à ses tenues vestimentaires qu’aux rendez-vous du prince. Les rôles ont été redéfinis. C’est Philippe qu’il fallait mettre en avant.
Mathilde, coach de Philippe
« La reine soutient le roi dans l’exercice de ses fonctions en tant que chef de l’Etat », indique le site du Palais, monarchie.be. La Constitution belge n’a prévu aucun rôle pour l’épouse du roi. Néanmoins, la septième reine des Belges est bien plus que l’atout charme de la monarchie. « La plus proche conseillère de Philippe, c’est sa femme, nous assurait, il y a quelques années, un ancien dignitaire de la Cour. Il lui fait entière confiance. »
Selon une autre source, « elle lui donne de l’assurance ». Moins distraite et moins vite lassée ou fatiguée que Philippe lors de longues journées de rencontres et déplacements, Mathilde coache et stimule son époux, mais avec beaucoup de tact et de discrétion, avons-nous pu constater en couvrant leurs visites d’Etat en Asie et en Afrique, dont le programme est en général très chargé.
Répartition des tâches dans le couple
La reine répète souvent qu’elle et son mari forment « une équipe solide ». Philippe parle lui-même de « travail partagé » et a remercié à plusieurs reprises sa femme pour ce qu’elle fait pour le pays. Mathilde et lui se répartissent les tâches, travaillent en duo certains dossiers et la préparation des visites officielles en Belgique et à l’étranger. Ils cultivent ensemble leurs relations avec des confidents et mentors, avec le monde des têtes couronnées et celui de l’aristocratie, avec des chefs d’entreprise et des leaders d’organisations internationales.
Pour autant, leurs rôles sont différents et, tradition oblige, restent très genrés : Philippe s’occupe, avec son cabinet, de politique, d’économie et de diplomatie. Il reçoit le Premier ministre, des ministres, les ministres-présidents, les présidents de partis. A Mathilde les matières sociales et culturelles. Elle ne s’aventure pas sur le terrain politique et n’aborde pas les sujets délicats.
Le pouvoir d’influence de la reine
En revanche, la reine sait user de son pouvoir d’influence à très haut niveau, en particulier à l’Onu. Très investie sur la scène internationale, elle est l’un des 17 « visages » du groupe chargé de faire la promotion des objectifs de développement durable des Nations unies, aux côtés, entre autres célébrités, de la chanteuse colombienne Shakira, du footballeur argentin Lionel Messi, de l’économiste américain Jeffrey Sachs et de Jack Ma, fondateur du géant chinois de l’e-commerce Alibaba. Dans ce cadre de lutte contre la pauvreté et le changement climatique, elle s’est rendue, en février dernier, au Bangladesh, où elle a visité un camp de réfugiés rohingyas et été reçue par le président Abdul Hamid.
En sa qualité de présidente d’honneur d’Unicef Belgique depuis quinze ans, elle a effectué une dizaine de voyages sur le terrain, notamment en Tanzanie, en Haïti, au Laos et, en mai dernier, au Vietnam, où elle a été reçue par le chef de l’Etat, Võ Van Thu’ò’ng. Thèmes de ses déplacements : les problématiques de la malnutrition, de l’éducation, de la santé mentale et du mariage des enfants.
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Comment elle prépare ses voyages
La reine s’immerge dans la culture des pays qu’elle visite en lisant des livres et en regardant des films. Lors de la visite royale au Japon, en octobre 2016, elle nous confiait avoir lu Eloge de l’ombre, livre culte sur la conception japonaise du beau, dans lequel l’auteur, Junichirô Tanizaki, défend une esthétique de la pénombre comme réaction à l’espace urbain occidental sur-éclairé.
En juin 2022, en route pour la RDC, premier voyage officiel du couple royal dans l’ancienne colonie belge, elle nous racontait avoir visionné le documentaire de Thierry Michel L’Empire du silence. Le film revient, témoignages à l’appui, sur les atrocités commises les armées et milices sur le territoire congolais depuis le génocide rwandais de 1994 jusqu’à l’accession au pouvoir, en janvier 2019, de l’actuel président Félix Tshisekedi.
Une reine proche de ses enfants
Philippe et Mathilde accordent tous deux une grande importance à la vie de famille. Dans l’histoire de la monarchie belge, jamais sans doute un couple royal n’a été aussi proche de ses enfants. Mathilde a toujours suivi de près la scolarité d’Elisabeth, Gabriel, Emmanuel et Eléonore et veillé à rester régulièrement en contact vidéo avec eux quand elle est en voyage.
Mathilde et Elisabeth, l’héritière
Par petites touches et sans trop l’exposer, Mathilde forme sa fille aînée à son futur travail de représentation du pays. Elisabeth, appelée à devenir la première femme cheffe d’Etat de l’histoire de Belgique, ne participe pas aux très protocolaires visites d’Etat, réservées au couple royal, mais a pu accompagner sa mère à l’étranger lors de voyages à caractère humanitaire ou culturel. Fin juin 2019, pour fêter la réussite des examens de jeune fille, alors étudiante au Pays de Galles, Mathilde l’a conviée à partir avec elle au Kenya, pour trois jours de mission humanitaire. Le Palais n’avait pas communiqué sur la présence de la duchesse de Brabant aux côtés de la reine.
Premiers voyages officiels mère-fille
En mars dernier, mère et fille ont arpenté ensemble, pendant trois jours, la terre des pharaons. Une plongée dans le passé qui avait tout pour passionner l’étudiante en histoire au très select Lincoln College d’Oxford. Cette visite de travail était consacrée à l’égyptologie, mais le déplacement entendait aussi rendre hommage à la reine Elisabeth (1876-1965), l’arrière-arrière-grand-mère de l’héritière au trône.
Cent ans plus tôt, l’épouse du roi Albert Ier, passionnée d’art et de culture, s’est rendue dans la Vallée des Rois, près de Louxor, pour visiter la chambre funéraire de Toutankhamon, dont la tombe a été découverte par Howard Carter en novembre 1922. Elle était accompagnée du prince héritier, le futur Léopold III, âgé alors de 21 ans, soit le même âge que la princesse héritière Elisabeth lors de son récent séjour en Egypte.
Mathilde cède sa place
Début mai dernier, à la veille du couronnement de Charles III, la princesse Elisabeth était présente, aux côtés de son père Philippe, à la réception au palais de Buckingham. Il n’y avait que deux invitations par famille royale. Mathilde n’était pas obligée de céder sa place à sa fille, mais elle l’a fait, consciente que cette réception était une belle occasion, pour la future reine, de tisser quelques relations personnelles avec des têtes couronnées et leurs successeurs. Mathilde et son mari manifestent publiquement leur confiance en leur fille aînée, une attitude dont Philippe, enfant princier peu gâté, n’a pas bénéficié : ses parents étaient souvent absents et son éducation et sa scolarité ont été décidées par un oncle à la personnalité écrasante, le roi Baudouin.
Mathilde et Kate, parcours sans faute
Fille de l’écuyer Patrick d’Udekem d’Acoz (1936-2008) et de la comtesse Anna Maria Komorowska, Mathilde est issue de la petite noblesse belge francophone de Flandre par son père et compte, par sa mère, de prestigieux ancêtres polonais et lituaniens. Rien de tel pour Catherine Middelton, de naissance roturière. En revanche, la reine des Belges et l’épouse de William, prince de Galles et héritier du Royaume-Uni, ont toutes deux un point commun qui fait que les observateurs les comparent volontiers, au-delà de leur différence d’âge (9 ans d’écart) : depuis leur mariage – en 1999 pour la première, en 2011 pour Kate -, elles accomplissent un parcours sans faute. Ni dérapages, ni scandales. Ce qui les distingue de certains autres membres de familles royales d’hier et d’aujourd’hui. Très populaires et influentes, imprégnées du souci de perfection, Mathilde et Kate brillent par leur élégance et leur exemplarité. Certains spécialistes des affaires royales ajoutent qu’elles sont toutes deux les forces derrière leur mari et les meilleurs atouts du système monarchique dans leurs pays respectifs.
Charles III serait toutefois lassé d’être éclipsé par sa belle-fille, chouchoute du peuple anglais. Ses relations avec Kate seraient plus distantes. Jaloux de sa popularité, il lui ferait les mêmes reproches qu’à son ex-épouse Lady Di, dans les pas de laquelle marche la nouvelle princesse de Galles.
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