Marcher comme on respire, pour créer, se réinventer, gérer ses peurs, résister…
La marche séduit comme jamais. Le quidam, les politiques, les managers, les artistes… De toutes les origines, de toutes les générations. Pour de plus en plus de monde, marcher est devenu vital. Sept marcheuses et marcheurs le racontent au Vif/L’Express. Découvrez leurs témoignages tout au long de la semaine sur notre site.
Aristote enseignait à ses disciples en marchant (école péripatéticienne). L’homo sapiens s’est répandu dans le monde en marchant. Quand il s’agit de cette chose banale, la marche, le grandiose n’est jamais loin. Pourtant, c’est dans l’intime qu’elle performe. Tous les marcheurs disent l’énergie libératrice que procure le fait de mettre un pied devant l’autre et de recommencer. Même pour le député provincial liégeois Paul-Emile Mottard, privé de l’usage de ses jambes, la » marche » en voiture électrique est une source de joie. Elle délie la langue du procureur fédéral, Frédéric Van Leeuw, pivot de la lutte antiterroriste, qui se livre comme jamais sur son espoir d’un monde en paix, la peur mauvaise conseillère et la question des réfugiés. Eric Domb s’enthousiasme pour un bout de désert de la région de Tehuacan, au Mexique, qu’il voudrait transplanter dans son éden hennuyer. La comédienne Laurence Vielle flûte les mots de sa voix si particulière pour rappeler cette vérité première d’un orfèvre en la matière, Robert Louis Stevenson : » J’ai deux docteurs, ma jambe gauche et ma jambe droite « Le Bruxellois Sébastien de Fooz se propose de vaincre les peurs et de raccommoder les identités en les traversant à la verticale. La chanteuse Melanie De Biasio sautillonne dans le bois du Noir Chien pour retrouver son esprit d’enfance. Bouli Lanners aime tellement la terre et l’eau qu’il a failli rester dans une tourbière écossaise.
C’est un marqueur d’humanité, que l’on soit bien ou mal né
Toutes ces personnalités, interrogées par Le Vif/L’Express, décrivent les effets de la marche sur leur mental avec des mots presque identiques : la sensation d’être lavés par les yeux ; la créativité boostée par l’état de transe hypnotique que l’on atteint après quelques heures d’efforts ( » Les seules idées valables viennent en marchant « , disait Nietzsche dans Le Crépuscule des idoles) ; l’accès à son monde intérieur ; la respiration qui s’accorde à l’instant présent ; une rencontre inattendue ou le tête-à-tête prolongé avec un être cher ; l’extase devant la nature ou un paysage urbain que l’on découvre sous des angles changeants.
La marche peut aussi être guerrière, civilement désobéissante ou protestataire, comme l’ont montré Gandhi, Martin Luther King ou, en Belgique, la première Marche blanche, en 1996. Elle peut être machinale et sans but, quand on n’a pas de toit ou d’emploi ; obligée et pénible, quand on est privé d’autres moyens de locomotion. C’est un marqueur d’humanité, que l’on soit bien ou mal né.
Elle n’a pas attendu les applications » podomètre » (compteur de pas) pour occuper une place de choix dans les rayons » développement personnel « . Dans l’entreprise, le co-walking, walking meetings ou walk and talk a le vent en poupe. Steve Jobs, le fondateur d’Apple, préfère marcher avec ses collaborateurs plutôt que perdre son temps en réunions. La force du mot » marche » est telle qu’Emmanuel Macron en a donné le nom à son mouvement, devenu parti présidentiel. Avant lui, le généticien Axel Kahn avait visibilisé les fractures socio-géographiques de leur beau pays, en traversant la France de haut en bas, puis de gauche à droite. Le député Jean-Luc Crucke a fait de même, quand il était dans l’opposition, en arpentant la Wallonie d’Eupen à Comines. Sans compter tous les anonymes qui, sans crier gare, saisissent leur bâton à la moindre occasion. En marche toute, donc !
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