Marc De Mesmaecker, l’homme idéal pour une police fédérale malade ?
La police fédérale reste un grand corps malade, handicapé par des réformes successives et contradictoires. Le gouvernement fédéral s’apprête à placer un nouveau toubib à son chevet.
Qui sera le prochain commissaire général de la police fédérale ? Probablement Marc De Mesmaeker. Le directeur du SAT (secrétariat administratif et technique), interface entre la police fédérale et les cabinets de l’Intérieur et de la Justice, a été classé premier par une commission de sélection, devant Eric Snoeck, directeur judiciaire de la police fédérale de Liège. Le collège des procureurs généraux et le conseil fédéral de la police ont dû remettre un avis. Rien n’indique a priori qu’il soit contraire à Marc De Mesmaeker, un ancien gendarme. Si elle avait eu son mot à dire, la magistrature aurait sans doute misé sur Eric Snoeck, un homme de terrain, plus proche de ses besoins. Ce dernier pourrait toutefois se profiler comme numéro 2, si le poste de Claude Fontaine, le boss de la police judiciaire, contesté en interne, venait à se libérer.
La parité linguistique est réalisée au niveau du comité de direction
Le conseil fédéral de police se réunissait le 15 mai pour désigner son favori, la décision finale revenant au gouvernement. Selon nos informations, le Collège des procureurs généraux a fait part de son mécontentement sur la procédure de sélection, qui a eu lieu le 9 avril dernier, et qui a retenu quatre candidats et déclaré trois autres » inaptes « . En cause : l’absence d’un représentant de la magistrature au sein de la commission de sélection dont deux membres sur cinq étaient des directeurs généraux de la police fédérale. Un antidote au renouvellement de la structure ? La bureaucratie et les économies étouffent lentement la police fédérale…
Ce grand corps malade est en salle d’opération depuis l’affaire Dutroux. Les attentats du 22 mars 2016 ont mis au jour les failles de son organisation. Son ministre de tutelle, Jan Jambon (N-VA), avait désigné un bouc émissaire qui n’en était pas un : l’officier belge de liaison à Istanbul. Le stress de la commission d’enquête parlementaire, ajouté à la campagne de la cheffe de la police, Catherine De Bolle, pour le poste de directrice exécutive à Europol, ont empêché la PolFed de se rétablir. Les efforts budgétaires exigés par le gouvernement n’ont pas laissé de marge de manoeuvre à la » curateure générale « .
Régionalisée ou refédéralisée ?
Une nouvelle évaluation de la réforme des services de police est attendue pour cette année, avant la campagne électorale de 2019, qui sera cruciale. La police fédérale sera-t-elle régionalisée ou refédéralisée pour mieux répondre aux défis du terrorisme et de la criminalité ? Le » pilier judiciaire » de la police fédérale obtiendra-t-il plus d’autonomie (le modèle de l’ancienne police judiciaire près les parquets) ou sera-t-il ramené dans le giron commun (celui de l’ancienne gendarmerie) ? Les polices locales obtiendront-elles enfin plus d’appui du niveau fédéral de la police intégrée ? Une enquête d'(in)satisfaction est en cours… Quels services seront privatisés ? Nul ne le sait.
Dans une note confidentielle intitulée » Enjeux stratégiques 2017-2021 pour la police judiciaire fédérale belge. Adaptations nécessaires du fonctionnement « , les quatorze patrons de PJF du pays avaient protesté, en novembre 2017, contre une » bureaucratie mécaniste « , incompatible avec le fonctionnement d’une police judiciaire spécialisée. Sypol, le syndicat indépendant, y a été plus franco en déplorant récemment » l’héritage en ruine » de Catherine De Bolle et en taclant Claude Fontaine, patron de la police judiciaire, pour sa » non-gestion « . De fait, les offices centraux dédiés à la lutte contre la criminalité (292 personnes au cadre) sont déficitaires en personnel (214 personnes en poste, dont 12 détachées). Exemple : l’Office central pour la répression de la corruption (Ocdefo) qui comprenait 54 enquêteurs a été ramené à 16 personnes, dont une détachée. L’Office central pour la répression de la corruption (OCRC) en est à 42 unités, alors qu’il devrait en avoir 66.
La réputation policière de la Belgique est en jeu. Le service » trafic d’oeuvres d’art » de la PolFed a été démantelé malgré les demandes pressantes d’Interpol, à l’affût des bailleurs de fonds du terrorisme. Le reste est à l’avenant : réduction drastique des laboratoires de police technique et scientifique qui vont probablement rater leur accréditation européenne ; fuite du personnel de la Federal Computer Crime Unit, alors qu’il s’agit d’un des fers de lance de la criminalité sur Internet ; lenteurs dans la mise en oeuvre des recommandations de la commission de suivi » attentats « … Le constat semble accablant.
Tropisme local
La redistribution des enquêteurs spécialisés vers les unités déconcentrées de la police fédérale, à l’échelle des arrondissements judiciaires, est interprétée comme le signe avant-coureur d’une régionalisation : » La police fédérale est calibrée pour la séparation « , décode un observateur. En 2019, la police et les prisons pourraient être mises sur le billot communautaire. Tout se passe, en effet, comme si le centre de gravité avait déjà basculé du côté du local ou du sous-régional. A Anvers, la police locale est hyperéquipée. Elle a obtenu, à titre expérimental, de procéder elle-même au recrutement de ses policiers. La Ville de Liège consacre beaucoup de moyens à sa police. Quant aux zones de police, certaines se regroupent en Flandre, alors que les Bruxellois – ô combien – et les Wallons n’en veulent pas. Divergence de modèle…
Alimentée par la probable nomination de Marc De Mesmaeker et l’évolution du paysage belge de la sécurité, l’autre hypothèse n’est pas plus réjouissante : une police fédérale resserrée mais de plus en plus flamande. A l’exception de Frédéric Van Leeuw, procureur fédéral, et de Guy Rapaille, bientôt remplacé par Serge Lipszyc à la tête du comité R (qui contrôle les services de renseignement), presque toutes les figures de la communauté belge de la sécurité (Sûreté de l’Etat, SGRS, Ocam, Centre pour la cybersécurité…), sans compter les ministres de la Défense, de l’Intérieur et de la Justice, sont flamands.
En ce qui concerne la police fédérale, une règle non écrite postule que la parité linguistique est réalisée au niveau de comité de direction. Et, donc, le futur commissaire général doit être néerlandophone, puisque les directeurs des polices administrative et judiciaire (André Desenfants et Claude Fontaine) sont francophones, le directeur de la gestion des ressources et de l’information (Paul Putteman) étant néerlandophone.
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