Christine Laurent

Mano a mano

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

ÇA CRAQUAIT DE TOUTES PARTS ET DEPUIS BELLE LURETTE. Après des semaines de rabibochages, de bien pauvres avancées aussitôt balayées par des reculades cuisantes, les négociations à sept ne pouvaient qu’aller droit dans le mur.

L’intransigeance du CD&V et de la N-VA face aux tentatives quasi désespérées du PS, du CDH et d’Ecolo pour trouver l’inaccessible accord ont eu raison d’un conciliateur au talent indéniable mais bien démuni face à des interlocuteurs qui se radicalisent chaque jour davantage. Scotchés, pacsés, inséparables. L’avenir, c’est la Flandre, et la Flandre, c’est la N-VA. Désormais, le pas de deux, c’est avec Bart De Wever que le CD&V veut le danser. Pour un parti qui se délite, 1,2 million d’électeurs qui votent N-VA, c’est irrésistible. Non, le divorce n’a pas eu lieu, le cartel s’est reconstitué. Puissant, il affiche pas moins de 45 % des voix en Flandre. Il donne le ton. Alexander De Croo, sous la pression des milieux d’affaires flamands, l’a compris, lui qui a déjà engagé les grandes manoeuvres pour s’asseoir à la table des négociations demain. Même si le bunga-bunga avec la N-VA ne sera pas rose tous les jours. Mais De Wever doit aussi jouer contre la montre. Le temps des négociations est compté et l’impasse totale.

Ils y avaient cru, pourtant, les francophones. Une chimère, une de plus, qui leur dopait le moral. L’ACW (le Mouvement ouvrier chrétien flamand) pèserait de tout son poids pour faire fléchir le CD&V, soutenant ainsi indirectement leurs positions dans le dossier de l’emploi ou de la sécurité sociale. Evaporées toutes ces rêveries ! Enterrée l’idée d’un gouvernement sans la N-VA. Du pur fantasme ! Comme l’a appris à ses dépens, en début de semaine, le président d’Ecolo, Jean-Michel Javaux, quand il a voulu mâlement, mais hâtivement, claquer la porte au nez du parti nationaliste. Raté ! Le réveil est brutal. Et ça fait mal.

Bien sûr, tout le monde veut, in fine, un accord, y compris Bart De Wever. Oui, mais lequel ? Qui va tirer le premier ? Bart De Wever, le Rambo-Calimero flamand, comme l’a surnommé l’écrivain Tom Lanoye ? Pas sûr. L’homme est trop malin. Les petits arrangements entre ennemis, ce n’est pas encore dans son agenda. Trop tôt. Il attend les libéraux. Et puis en baladant pendant tout ce temps les négociateurs francophones sur l’échiquier politique, il a réussi à les épuiser. Et à leur faire perdre définitivement leur sang-froid.

Foule sentimentale a soif… d’un gouvernement. « Shame », a scandé la foule à l’ensemble de la classe politique le week-end dernier à Bruxelles. Un cri étouffé, vite fait bien fait, par De Wever. Quelque 40 000 personnes dont 20 % à peine de Flamands ? Pffff, bernique ! Pas de quoi l’esbroufer. Le sentiment d’urgence ? Il ne connaît pas. N’a-t-il pas l’intention de pousser le curseur au-delà du culot ? C’est qu’il doit rapporter un trophée à ses troupes, une VRAIE régionalisation. De celle qui permettra à la Flandre de peser vraiment sur les décisions, tout en laissant au fédéral les dossiers plombés.

Tous unis, mano a mano, au Nord, autour du même objectif. « Patrons wallons, sortez du bois et prenez position », intime Luc De Bruyckere à l’Union wallonne des entreprises, trop frileuse à son goût, dans nos colonnes cette semaine. « Aidez-nous, nous les Flamands modérés, parce que les esprits en Flandre se durcissent. » On fait ronfler les grands mots, les menaces à peine voilées, de l’abrupt, du raide, un constat acéré. Le processus est enclenché, no return !

Christine Laurent

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