L’oeuvre de la semaine: Eloge de la suie
Tout est silence. Et noir de suie. Quelques jours auparavant, le feu s’est déclaré puis a tout ravagé.
Quand les pompiers furent partis et que l’eau disparut, la maison d’enfance de la photographe Karin Borghouts (°1959) s’emplit d’un étrange silence. Sur les différentes étagères du meuble du salon, les objets lui apparurent dématérialisés et parés d’un somptueux coloris.
Les vierges à l’enfant, les bougeoirs, les assiettes de collection, tout un univers non pas parti en fumée mais étrangement là, sous une apparence nouvelle qui les liaient tous l’un à l’autre à la manière d’une nature morte de Morandi.
Il y avait aussi l’étrangeté d »un miroir devenu opaque et cercle parfait. Ou encore, un tableau autrefois admiré et désormais ravagé.
Or, dans cet univers visuel qui aurait pu n’éveiller que tristesse, nostalgie, voire mélancolie, la photographe vit une beauté particulière, à la fois très fragile et hors du temps. Comment l’expliquer ? Une anecdote pourrait aider.
Claude Monet vient de perdre sa compagne. Il s’assoit aux côtés du lit de la morte et observe le modèle. Il y cherche, comme lorsqu’il peint les fleurs de son jardin, les reflets, touche après touche. Ici il voit des bleus pâles très nuancés, quelques roses. Plus tard, il demandera à un de ses amis : « Suis-je un monstre d’y avoir pris du plaisir? »
Non, seulement un oeil visant à tous les instants à rejoindre l’émerveillement. Il en va de même chez Karin Borghouts lorsqu’elle photographie les vitrines vides d’un musée, un fragment d’architecture, une scène de théâtre éblouie par un halo de lumière ou encore, comme récemment, un lieu aussi curieux que les serres de Laeken dont elle signe le guide paru récemment.
Gand, musée du Docteur Ghislain. 43, Guislainstraat. Jusqu’au 30 août.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici