Luc Delfosse
Lizin, la mère Janus
Luc Delfosse, auteur, journaliste politique et ancien rédacteur en chef-adjoint au Soir, écrit aujourd’hui des opinions pour le vif.be, a bien connu Anne-Marie Lizin, dont on a appris le décès ce samedi. Il garde le souvenir d’une femme à double facette. Mais véritable animal politique, dans les deux cas.
Anne-Marie Lizin était assurément une saisissante réincarnation de Janus, le troublant dieu romain aux deux visages opposés.
Torsiveuse, comme l’on dit en bord de Meuse, et affairiste jusqu’à l’aveuglement dans « son » pré carré de Huy, la « copine » d’Arafat (et d’une palanquée de leaders de ce que l’on appelait hier encore le Tiers Monde), était d’une intelligence et d’une culture hors du commun quand elle parcourait le vaste monde.
Anne-Marie Lizin était assurément une saisissante réincarnation de Janus, le troublant dieu romain aux deux visages opposés.
Je garde le souvenir épastrouillé d’une conférence à Alger, dans les années 90 – les années de plomb – donnée à l’Alliance française ceinturée de barbouzes où, sous sa casquette de secrétaire d’Etat à l’Europe 92 (sic), elle avait littéralement bluffé l’assemblée par la finesse de son analyse géopolitique. Je crois que je ne garderai que cette image forte de celle que ses innombrables ennemis avaient rebaptisée, avec une cruelle justesse, la nouvelle Madame Sans Gêne. Mais on ne prête qu’aux riches n’est-ce pas ? Comment oublier, par exemple, l’image de son hallucinante opération commando en Algérie, en 1983, où, en compagnie de Jean-Paul Procureur, la Hutoise, planifiait d’exfiltrer trois enfants enlevés à leur mère, en Belgique, par leur père, algérien.
Je me demande simplement si le président à vie du parti dont elle a été exclue/s’est exclue (biffez la mention inutile selon votre humeur et vos convictions) trouvera les mots qu’il faut pour saluer celle qui fut la rivale, jadis, du pauvre Philippe Busquin. A l’époque, le PS souffrait encore qu’il y ait plus d’un candidat désigné à sa tête. Dame! il sera difficile de gommer le fait que Lizin, née Vanderspeeten, pesait tout de même 148.927 voix aux sénatoriales de 1997 et qu’elle fût, par ailleurs, un soutien de poids à l’accession d’Elio Di Rupo au sommet du PS.
Accessoirement, cette pétroleuse à Légion d’honneur, tout à la fois affable et impitoyable, généreuse et tueuse, est l’auteure, de la loi pénalisant la violence entre conjoints. Janus, vous dis-je.
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