Luc Delfosse
L’insoutenable légèreté d’Olga Zrihen
Chère madame Zrihen, j’ai écouté avec beaucoup d’attention votre interview ce lundi matin sur la Première. J’ai particulièrement apprécié votre tranquille volonté de présidente de la commission d’enquête Publifin.
Vous êtes donc prête à « tout discuter ». J’ai aussi entendu que, en examinant « le caddie de documents » à votre disposition, vous agiriez « dans la transparence » afin de « répondre aux attentes des citoyens ». S’il vous avait entendu, mon grand-père aurait noté que c’est au pied du mur qu’on reconnaît le maçon.
La suite de vos propos, par contre, m’a sidéré. Lorsqu’on vous a interrogée sur ces 1.800 euros bruts mensuels que vous avez gentiment touchés entre 2010 et 2016 pour présider l’ASBL qui gère la (très juteuse)) caisse de retraite des sénateurs, vous avez fait soudain cette réponse hallucinante : « Ce qui est juste, c’est le montant. Même si je ne l’ai pas vérifié. Si c’est dit, c’est peut-être vrai »… MEME SI JE N’AI PAS VERIFIE! » ! Disant cela comme cela, en passant, vous avez très exactement fait preuve de cette espèce de tranquille nonchalance, de cette insupportable condescendance vis-à-vis de l’argent public dont font montre la plupart des « élites »…visées par votre futur devoir d’enquête . Depuis, je doute. Que valent encore vos envolées lorsque vous balayez d’une pichenette dédaigneuse les questions sur votre propre comportement ?
Mais à cette subite défiance personnelle, s’en ajoute une autre. D’un autre calibre. Dans la si tardive ruée vers « la grande quinzaine du blanc » qui agite les partis traditionnels, ni vous ni personne dans le sérail ne daigne noter publiquement, courageusement qu’il manque tout de même un élément assourdissant à cette introspection : l’audition des chefs qui règnent depuis tant et tant d’années sur vos organisations pyramidales. Comment imaginer que vous ne convoquerez pas votre patron, M. Di Rupo, mais aussi MM. Chastel et Lutgen (et les prédécesseurs de ces deux derniers) , « à la barre » ? Car enfin, assez de pirouettes: ce n’est pas qu’ils ne savaient pas. Ils ne voulaient manifestement pas voir ce qui se tramait à l’insu de leur plein gré.
Aujourd’hui, on dézingue les « déviants », les « parvenus », les « cumulards », soit. Mais pas un président – pas un! – pour oser se remettre en cause, admettre sa cécité volontaire. Et cette évidence: tant que cela ne sera pas acté, il est inutile d’espérer reconstruire du neuf, comme ils le promettent la bouche en coeur. Dans la sordide affaire Publifin, madame, je suis sûr que vous savez en votre for intérieur que la responsabilité des présidents traditionnels est évidemment et entièrement engagée. Oserez-vous les convoquer, vous leurs affidés ? Si, comme on peut le craindre, ce n’est pas le cas, il faudra bien conclure que cette commission « d’enquête » n’a été convoquée « d’en haut » que dans le but ultime de les tirer des flûtes.
Veuillez agréer, madame, etc…
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