© BELGA

L' »indulgence » à 1,5 million payée par Luciano D’Onofrio

David Leloup Journaliste

Poursuivi pour blanchiment d’argent dans le cadre du dossier  » Standard de Liège « , l’ex-homme fort du club Luciano D’Onofrio a payé une transaction pénale de plus de 1,5 million d’euros pour échapper à un procès en correctionnelle.

On savait que Luciano D’Onofrio, l’ex-patron du Standard de Liège poursuivi depuis 2004 pour blanchiment, faux et usage de faux, le tout dans le cadre d’une organisation criminelle, avait conclu une transaction avec le parquet général de Liège, en juin 2015, pour éteindre les poursuites pénales à son encontre. Et donc échapper à un procès en correctionnelle. Mais le montant de cette « indulgence » était top-secret.

Le Vif peut à présent le révéler : 1.587.295 euros en tout. Pas mal pour quelqu’un qui clame son innocence depuis le début de l’affaire… Luciano D’Onofrio a déboursé 1.351.376 euros à titre individuel. Le solde a été réglé par quatre sociétés écrans qu’il contrôle, poursuivies elles aussi pour blanchiment. Kick International Agency BV (Pays-Bas), suspectée d’avoir blanchi 3,6 millions en renflouant le Standard entre 1999 et 2002, a déboursé 137.813 euros. Alalunga Anstalt (Liechtenstein), International Agency for Marketing (Liechtenstein) et Mondial Service International (Panama) ont chacune payé 32.702 euros.

Commissions occultes

Luciano D’Onofrio était principalement accusé d’avoir blanchi des commissions occultes amassées en tant qu’agent de joueurs, en les injectant dans les caisses du Standard via la société écran Kick International Agency. Des transferts d’argent réalisés entre 1999 et 2002, lors du sauvetage du club par feu l’homme d’affaires français Robert-Louis Dreyfus et, minoritairement, Luciano D’Onofrio.

L’argent investi à Sclessin provenait, selon le dossier pénal, de transferts de joueurs et de coachs pilotés par D’Onofrio dans les années 1990 (Alen Boksic, Dimas Teixeira, Christophe Dugarry, Vítor Baía, Sergio Conceição, Fabrizio Ravanelli, Jean-Jacques Missé Missé, Filip De Wilde et Robert Waseige).

L’ex-homme fort du Standard était également suspecté d’avoir orchestré plusieurs transferts douteux réalisés entre 1998 et 2003 par le club liégeois, dont il était à l’époque le « patron » officieux. C’est le second volet de l’affaire. Quelque 2,2 millions d’euros auraient ainsi été détournés des caisses du Standard via des fausses factures pour rémunérer joueurs et intermédiaires au noir. Le même système que celui utilisé par Luciano D’Onofrio lorsqu’il était l’un des agents de joueurs les plus en vue de la planète foot.

Cinq transferts entrants ou sortants étaient notamment dans le collimateur des enquêteurs : ceux de Miljenko Mumlek, Sambegou Bangoura, Liviu Ciobotariu, Ivica Dragutinovic et Joseph Enakarhire. Les dirigeants du Standard qui ont signé ces conventions bidons, ne pouvaient pas ignorer ces montages, estime la justice.

Un dossier dégonflé

Renvoyé en mai 2015 devant le tribunal correctionnel, Luciano D’Onofrio risquait gros : jusqu’à cinq ans de prison et des amendes qui peuvent atteindre le montant des sommes blanchies. Pour rappel, 26 personnes physiques et 7 personnes morales étaient poursuivies dans ce dossier tentaculaire. Parmi elles, de grands noms du football belge comme Michel Preud’homme, Pierre François, Michel Verschueren, Alphonse Costantin, et le Sporting d’Anderlecht.

Comme la très grande majorité des 33 inculpés ont conclu une transaction pénale avec la justice, le dossier s’est complètement dégonflé et seuls huit « seconds couteaux » ont été jugés en juin. C’est le cas de Pierre Delahaye (ancien dirigeant du Standard de Liège entre 1995 et 2000), des joueurs Dragutinovic, Ciobotariu, Bangoura et Enakarhire et une poignée d’agents. Pierre Delahaye, par exemple, refuse de négocier une transaction pénale et rappelle qu’il bénéficie de la présomption d’innocence. Le jugement dans ce dossier doit être rendu ce jeudi 22 septembre.

Multirécidiviste

A 61 ans, Luciano D’Onofrio s’en tire une fois de plus de justesse. Au cours de ses 25 ans de carrière comme agent officiel ou officieux, lui et sa galaxie de sociétés offshore ont trempé dans la plupart des scandales qui ont éclaboussé le milieu du ballon rond. Dès 1995, le procureur général de la cour d’appel d’Aix-en-Provence le qualifie de « spécialiste de fourniture en fausses factures ». Affaires du SC Toulon, du PSG, des Girondins de Bordeaux, de l’Olympique de Marseille : à chaque fois D’Onofrio est impliqué et condamné. Mais, grâce à un sursis, des prisons surpeuplées ou une grâce présidentielle, jamais il ne passera une journée derrière les barreaux.

Sa condamnation la plus lourde date de 2007 dans l’affaire des transferts frauduleux de l’OM (1997-1999). Luciano D’Onofrio était poursuivi pour avoir artificiellement gonflé le montant des factures payées par I’OM lors des transferts de deux joueurs (Ravanelli et Dugarry), et rétrocédé quelque 150.000 euros à Rolland Courbis, alors coach de Marseille. Complicité d’abus de biens sociaux et recel : il écopera de deux ans de prison dont 6 mois fermes, 200.000 euros d’amende et deux ans d’interdiction d’activité liée au football en France.

Cette condamnation définitive de la cour d’appel d’Aix-en-Provence devait signer la fin de la carrière d’agent de D’Onofrio, selon le règlement de la FIFA. Mais, comme un double pied-de-nez adressé à la justice liégeoise et la FIFA, l’ex-homme fort du Standard a continué à jouer aux intermédiaires via des sociétés offshore pilotées par son bras droit, Maurizio Delmenico. La société britannique Robi Plus, par exemple, a obtenu gratuitement, pour services d’intermédiation rendus, 10% des droits économiques de Steven Defour et Eliaquim Mangala lors de leur transfert du Standard vers le FC Porto en août 2011.

David Leloup

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire