Joyce Azar
« Liesbeth Homans et sa pauvre Flandre »
« Je n’ai pas menti ! », s’est défendue Liesbeth Homans (N-VA), mi-juin, devant le parlement flamand. La ministre flamande de la Lutte contre la pauvreté répondait aux accusations du parti Groen, qui lui reprochait d’avoir inventé un lien de cause à effet entre le flux de réfugiés et la hausse du taux de pauvreté infantile en Flandre.
D’après le dernier rapport de l’organisation Kind&Gezin, un enfant sur sept âgé de 0 à 3 ans risque de tomber dans la pauvreté, au nord du pays, soit 2,4 % de plus qu’au début de la législature, en 2014. On est loin, donc, de l’objectif de Liesbeth Homans, qui avait promis, il y a quatre ans, de réduire de moitié la pauvreté infantile d’ici à 2020. Entre mensonge et déformation de la réalité, il est une subtile nuance que certains représentants N-VA se plaisent à exploiter. Si la ministre flamande n’a pas littéralement menti, elle a toutefois emprunté des raccourcis douteux et communiqué des conclusions qu’aucun chiffre officiel ne confirme. Bien au contraire.
Le dernier index de Kind&Gezin n’établit pas de lien entre réfugiés et pauvreté. Il révèle cependant que 65 % des enfants en situation précaire ont une mère » qui n’est pas née avec la nationalité belge « . La surexposition de cette catégorie à la pauvreté est connue de longue date et demeure problématique. Mais elle concerne un large groupe de personnes originaires de pays étrangers, européens ou non, les réfugiés n’en représentant qu’une infime partie. D’après un calcul effectué par l’expert de la KUL, Wim Van Lancker, si tous les réfugiés reconnus en Flandre – soit près de 12 000 personnes – vivaient effectivement dans la pauvreté, leur impact ne serait que de 0,2 % sur les statistiques en la matière. Les chiffres du SPF Economie révèlent, en outre, que 735 enfants sont nés en 2016 dans une famille de réfugiés, sur près de 122 000 naissances. Des chiffres trop faibles, donc, pour expliquer la hausse récente du taux de précarité.
Au fil des dernières législatures, le difficile combat contre la précarité n’a jamais porté ses fruits, d’autant qu’il nécessite des mesures peu attrayantes électoralement
Ce fut le » mensonge » de trop pour Groen, qui a décidé de déposer une motion de méfiance contre Homans au parlement flamand. Il faut dire que la ministre nationaliste n’en est pas à son premier subterfuge : en 2017, elle avait brandi un rapport révélant une évolution positive de la pauvreté en Flandre, des chiffres qui dataient en fait de 2014, soit avant son entrée en fonction. Elle avait également avancé que 47 % des réfugiés reconnus en Flandre étaient analphabètes, alors qu’en réalité, plus de 80 % d’entre eux savent lire et écrire. Malgré la motion des écologistes, Liesbeth Homans, également en charge de l’intégration et du logement, n’a pas à s’inquiéter. Ses partenaires de majorité se sont empressés de la soutenir, en toute logique : les ministres flamands de l’Emploi (N-VA), de l’Energie (Open VLD) ou de l’Enseignement (CD&V) sont, eux aussi, responsables de la lutte contre la pauvreté.
Face à la critique, Homans s’est vantée d' » oser nommer les problèmes « . En détournant les faits, elle est surtout parvenue à faire passer l’idée erronée selon laquelle la multiplication des efforts pour lutter contre la pauvreté est dorénavant sabotée par les nouveaux arrivants. A défaut de trouver des solutions, la ministre a préféré dénoncer des coupables. Au fil des dernières législatures, le difficile combat contre la précarité n’a jamais porté ses fruits, d’autant qu’il nécessite des mesures peu attrayantes électoralement. Liesbeth Homans aurait pu le concéder. Ou alors admettre que la lutte contre la pauvreté infantile n’est pas sa priorité.
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