Liège : repli sur soi, nouvel élan ou stratégie d’affranchissement ?
L’esprit principautaire est plus vif que jamais. C’est un gage de cohésion sociale mais aussi de développement. La Ville de Liège se veut métropole. La Province jouit de la légitimité d’une ascendance millénaire. Assiste-t-on à un repli sur soi, un nouvel élan ou une stratégie d’affranchissement ? La Wallonie, en tout cas, balaie les rêves supracommunaux des Liégeois.
Le meilleur vendeur de billets de tombola, c’était lui. De tout Jupille, pas un gamin n’arrivait à sa cheville. Le petit Willy appuyait sur toutes les sonnettes. Et, après le tirage au sort, sonnait encore pour redistribuer les prix aux gagnants et consoler les perdants. » Désolé, Madame, ce sera pour la prochaine fois ! » La persévérance acquise au porte-à-porte. Alors vendre une métropole ? Même pas peur ! Le grand Demeyer s’y emploie patiemment depuis des années, entouré d’une série de VRP socialistes mais pas que. Tous persuadés de décrocher le gros lot. Politique, bien sûr, mais aussi économique.
Echevin des travaux en 1991, bourgmestre depuis 1999, Willy Demeyer (PS) a connu sa ville humiliée et dépendante, croulant sous la dette. Aujourd’hui, le budget communal est bouclé, les réserves avoisinent les 15 millions d’euros. Willy Demeyer a misé sur la culture. Sa dernière inauguration, le musée de La Boverie, fait carton plein. Prochaine étape : la transformation en métropole, capable d’assurer la subsistance d’un hinterland de 700 000 âmes, son bassin d’emploi selon le géographe Jean-Marie Halleux (ULg). En 2025, les transferts institutionnels flamands vers la Wallonie commenceront à se tarir : 60 millions d’euros de moins chaque année pendant dix ans. Le bourgmestre anticipe le choc. » Pour agrandir le gâteau, pas pour en priver les autres « , précise-t-il.
A l’entendre, pas question de » larguer » la Wallonie. Elle a fait de Liège sa capitale économique, le siège de ses appareils financiers (SRIW, Sogepa, Sowalfin), soutenu son aéroport, son opéra et bien d’autres choses encore. Sur le fond, cependant, la Cité ardente supporte de moins en moins le caractère tatillon de la tutelle namuroise, son centralisme, la lenteur de ses réformes, son tropisme » 4-façades « , son sous-localisme. Le locataire de La Violette a beau se réjouir du casting du gouvernement Magnette, dont la plupart des ministres connaissent le fait urbain, il lui tarde de passer à la vitesse supérieure : la » supracommunalité « . » C’est le contraire du repli sur soi « , plaide-t-il dans son bureau tapissé de cuir de Cordoue et garni, sur un mur blanc, de planches de bandes dessinées, sa passion.
La démarche se veut positive, rassembleuse. » Le développement de la métropole liégeoise sera bénéfique pour toute la Wallonie et pour le pays, poursuit-il. Pour le moment, nous fonctionnons par projets mais nous avons besoin d’un cadre légal pour définir le statut de métropole, ainsi que les moyens et compétences que la Région wallonne, d’une part, et les communes, d’autre part, sont prêtes à nous céder. » Interrogé par Le Vif/L’Express, Paul Furlan (PS lui aussi), le ministre wallon des Pouvoirs locaux, ne lui laisse pas d’espoir : » Décentraliser des compétences, non ! On n’est pas en Amérique, ici « . Son collègue liégeois de l’Economie, Jean-Claude Marcourt (PS encore), laisse la porte entrouverte : » Un décret permettrait de fluidifier les choses. Il y a trois éléments importants dans une communauté urbaine : l’aménagement du territoire, la mobilité et la sécurité. »
En » off « , un politique liégeois se lâche : » En France, les communautés urbaines ont le pouvoir fiscal et l’aménagement du territoire. Le pouvoir fiscal, nous l’avons via la Province, mais pas l’aménagement du territoire. La Wallonie est en train de tout recentraliser. Ce n’est pas la ville qui décide de son aménagement, c’est un fonctionnaire délégué nommé par Namur. Ce n’est pas la ville qui décide de son réseau de transport, c’est la Société régionale wallonne du transport à Namur… Evidemment, quand le mec qui a tous les pouvoirs dirige la ville, il n’a pas besoin de ça… A Charleroi, c’est Magnette qui décide de tout, et ça avance. On critique le cumul de Paul Magnette, de Maxime Prévot… En attendant, c’est efficacité puissance 10 pour leur ville. » Dans son livre, Quand la gauche s’éveillera (éd. de la Province de Liège, lire Le Vif/L’Express du 14 octobre), Claude Desama (PS), ancien bourgmestre de Verviers, dénonce le » centralisme jacobin qui organise l’opacité et l’irresponsabilité « . Lui aussi réclame une » structure territoriale rationnelle et efficace « .
Liège en mode XXL
Au commencement, il y a donc l’aménagement du territoire. Liège reste une ville de moins de 200 000 habitants, sous-dimensionnée. Les communes de la » ceinture rouge » (Ans, Seraing, Herstal, Fléron, Saint-Nicolas) auraient pu lui être rattachées et former une entité logique, à l’image de Charleroi et de ses 14 communes avant fusion (1977). » A titre de comparaison, illustre Jean-Marie Halleux, le bassin d’emploi de Charleroi, c’est 400 000 personnes mais Charleroi-Ville, c’est 200 000 habitants. » Avec un décret approprié, Willy Demeyer voudrait réparer cette erreur historique et créer des synergies, soit à l’échelle de l’arrondissement de Liège (620 000 habitants, 20 % du PIB wallon) soit avec la Province (1,1 million).
» Aucune ville en Wallonie ne fait métropole au sens européen des aires de croissance, confirme le prospectiviste Philippe Destatte, directeur de l’institut Destrée. Comme l’avait déjà dit Bernadette Mérenne (ULg) en 2011, mais aussi le schéma de développement régional wallon de 1999, tous les pôles lui sont extérieurs : Luxembourg, Maastricht-Aix-la-Chapelle, Lille, Bruxelles. La supracommunalité apporte une solution à des problèmes très concrets. Aujourd’hui, plus personne ne songe à faire de la reconversion sans activer ces outils-là, avec une bonne articulation entre les niveaux de pouvoir. Les intercommunales retrouvent une pertinence comme agences de développement territorial. » A quelle taille ? » La stratégie de la région liégeoise est d’abord pensée à l’échelle provinciale, poursuit Philippe Destatte. Le Hainaut se projette de manière plus territoriale (Wallonie picarde, Coeur du Hainaut) et renforce son projet de métropole carolorégienne (Charleroi – Sud Hainaut). Mais il dispose de bien moins d’atouts que Liège en termes de positionnement (capitale économique wallonne, Meuse, TGV, noeud transfrontalier), et surtout de présence universitaire et de hautes écoles. Charleroi est la plus grande ville wallonne parce qu’elle a associé son hinterland. Liège est au moins de même niveau, mais elle n’a pas su jusqu’ici intégrer sa périphérie. Avec 600 000 Liégeois, une nouvelle dynamique pourrait naître en Wallonie. »
Oui-da, mais le » retour des Liégeois » fait peur. Et l’Elysette est décidée à renforcer l’axe Louvain-la-Neuve – Namur. Dans l’entourage CDH, on se dit impressionné par la vista principautaire. » Les Liégeois ont la capacité de se mobiliser pour leurs dossiers, majorité et opposition confondues, que ce soit pour l’Exposition universelle (Liège 2017) ou pour le tram. Cela se ressent dans leur vie économique. Le comité stratégique du service public de Wallonie s’est d’ailleurs inspiré du GRE-Liège (NDLR : groupement de redéploiement économique). » Mais il y a un bémol : » On peut se demander si cela se fait toujours dans l’intérêt de la Wallonie. Si quelque chose de bien existe quelque part, il faut le dupliquer à Liège mais la réciproque n’est pas vraie. Non seulement l’aéroport de Liège a le fret, mais il veut aussi des passagers. Charleroi prépare sa Cité des métiers depuis dix ans, Liège aura la sienne, pourtant assez éloignée du concept de base. » Malgré tout son engagement wallon, Jean-Claude Marcourt n’échappe pas à la critique. » La philosophie de son décret Paysage sur l’enseignement supérieur est basée sur les limites provinciales, note notre interlocuteur, mais il s’empresse de faire une exception pour l’ULg, qui aura un prolongement dans le Luxembourg. » Incorrigibles Liégeois.
Tout à la Ville ?
» Vu de l’extérieur, les Liégeois forment une secte, décode Jean-Michel Javaux (Ecolo), président de Meusinvest. Il faut casser ce procès d’intention selon lequel ils ne rouleraient que pour eux. Ce n’est pas vrai. Je suis le premier à soutenir Charleroi. Mais si on a cette capacité à se réunir au-delà de nos partis, c’est aussi parce que nous avons moins de relais. Le Hainaut a les postes clés politiques. » A une plus petite échelle, le » Lîdje po tot » fait aussi des jaloux. Ou des rebelles. Seraing (Alain Mathot) et Herstal (Frédéric Daerden) défendent leur pré carré. » La Foire internationale de Liège va être déplacée de Coronmeuse à Bressoux, indique François Schreuer (Vega), poil à gratter de l’opposition liégeoise. Il y avait un projet alternatif à Ougrée mais il n’a pas été retenu parce que Liège voulait une compensation que Seraing n’était pas capable de lui donner. » La campagnarde Soumagne reste l’entité qui autorise le plus de nouveaux logements par an, alors que Liège se bat contre l’étalement urbain et veut retrouver des habitants solvables. Des bourgmestres tous socialistes.
Quant à Verviers, ville en grande difficulté, elle a vu filer quantité de financements liés aux fonds structurels européens, à la politique des grandes villes, aux nouveaux quartiers wallons. Tandis que son Grand Théâtre s’écroulait, Liège inaugurait à tour de bras. » Il y a peut-être eu un manque de proactivité de notre part mais, dans l’administration ou le gouvernement wallon, les gens ne connaissent pas nos réalités et nos problèmes, expose Muriel Targnion (PS), bourgmestre de Verviers. Quand nous venons avec des projets patrimoniaux comme celui du Grand Théâtre, il n’y a plus d’argent pour ces postes-là car les critères ont évolué pour s’adapter à de nouvelles réalités comme l’emploi ou les centres-villes. » Pierre-Yves Jeholet, président du MR verviétois, dans l’opposition à la Région, avait sorti la calculette : » Verviers a reçu 19 euros par habitant et Mons plus de 1 000 euros par habitant. » Cependant, le vent a commencé à tourner lorsqu’un changement de majorité a ramené le PS au pouvoir.
Le PS liégeois craint-il le reproche de monopoliser les moyens au profit de la seule » capitale » ? Jean-Claude Marcourt a suscité une task force des forces vives de la vallée de la Vesdre. Mais c’est surtout la Province de Liège qui a volé au secours de Verviers. Avec ses appareils, ses intercommunales ou sociétés apparentées (Nethys, Ogeo Fund, SPI), la Province pèse lourd. Beaucoup tiennent son député-président, André Gilles (PS), pour l’homme le plus puissant de la région. L’incarnation, avec Stéphane Moreau, de ce capitalisme public inscrit dans l’ADN liégeois. Grand seigneur, la Province a ainsi allongé 360 millions d’euros pour l’arrivée d’une étape du prochain Tour de France à Liège et le départ de la suivante à Verviers.
La force provinciale
Les provinces, le retour ? » Je n’oppose pas les communautés urbaines aux provinces, sourit Jean-Michel Javaux. Je plaide depuis longtemps pour les communautés urbaines mais – en tant qu’écologiste, je ne devrais pas le dire – les provinces jouent aussi un rôle. Le tout est de trouver la bonne échelle. Pour les grands projets, il faut une vision régionale. » En Flandre, les provinces représentent un vrai niveau de pouvoir. » C’est moins le cas en Wallonie, relève Jean-Marie Halleux. En matière d’aménagement du territoire, il y a le schéma de développement de l’espace régional et les schémas de structure au niveau communal, alors qu’en Flandre, il y a trois niveaux, dont le provincial. » Un exemple à suivre ? » A Liège, cela se passe bien au niveau provincial, analyse un socialiste liégeois. Dans le Brabant wallon aussi, puisque ce sont les Michel avec les Michel. Mais dans le Hainaut, Elio Di Rupo déteste les députés provinciaux. C’est très dommageable car cela empêche de se mettre autour d’une table. »
En matière de supracommunalité, les cadors liégeois ont donc deux fers au feu : Liège Métropole (les décideurs de l’arrondissement de Liège) et Liège Europe Métropole (les pouvoirs locaux de toute la province, y compris les germanophones). Quel modèle l’emportera ? Les paris sont ouverts. » Pour l’instant, la supracommunalité est un micmac incroyable, soupire Gilles Foret, député fédéral et conseiller communal de Liège (MR). Il y a des initiatives positives mais elles manquent de lisibilité. La province de Liège va soutenir des projets supracommunaux mais elle doit déjà consacrer la moitié de son budget aux zones de secours… » La présidente du Sénat, Christine Defraigne (MR), cheffe de file au conseil communal, est sceptique : » Si on met le poids à plusieurs pour faire levier, ne fût-ce que pour parler de certains sujets à l’intérieur de nos partis, on peut faire évoluer les choses sans créer un bidule de plus. C’est faisable, encore faut-il le vouloir et que cela ne soit pas entre les mains d’un seul parti. » Excentrée à Aywaille et au CDH, la députée fédérale Vanessa Matz se méfie des grands emballements principautaires : » La principauté, c’est Liège-Ville ! Eventuellement, l’arrondissement… Mais ce n’est pas Verviers ni Huy-Waremme. Il y a des tensions au sein de la province : on a une grosse ville, Liège, et une seconde, Verviers, qui mérite aussi de l’attention. » De fait, soutenues par la Wallonie, les sous-régions n’ont pas encore dit leur dernier mot, relevait dernièrement La Gazette de Liège.
François Schreuer convient que la ville de Liège n’est pas gérée à l' » échelle pertinente « , le leitmotiv. » Nous prônons une nouvelle fusion des communes avec la première couronne de Liège : Fléron, Seraing, Ans, Herstal, Saint-Nicolas… On atteindrait 400 000 habitants, avec des districts, et ça, c’est une taille suffisante pour imaginer des politiques de financement communaux. On représenterait 10 % du poids politique de la Wallonie. Même si les autres n’ont pas nécessairement envie de voir naître une ville de 400 000 habitants, cela ne doit pas empêcher d’y réfléchir… » Pour le politologue Michel Hermans (ULg-HEC), c’est dans cette voie qu’il faut aller, sans rêver de tailler des croupières à la Région wallonne ni de recréer une hypothétique principauté. » Même si Liège et Charleroi ne s’aiment pas beaucoup, les villes wallonnes ont en commun la langue, la nécessité de la reconversion, des défis économiques communs. »
Au fond, si l’identité wallonne était plus forte, la liégeoise ne lui ferait pas de l’ombre. » Le sentiment national liégeois constitue toujours une donnée tangible en Wallonie. Mille ans de nation liégeoise ont laissé des traces. Liège ne se reflète que très partiellement dans les institutions namuroises qui, souvent, semblent lui être périphériques « , écrivait déjà Philippe Destatte dans La Wallonie à l’aube du XXIe siècle (institut Jules Destrée – IDD, 2005). Pas étonnant que ce qui reste de l’ancienne principauté veuille jouer la carte d’un passé millénaire encore très vivant dans les mentalités. Pour augmenter sa cohésion sociale (du » patriotisme liégeois » comme antidote au radicalisme…) et se faire un allié de la Flandre. Comme le dit Willy Demeyer, » 30 % des abonnés du Standard et de l’Opéra sont limbourgeois « . Principautaire un jour, principautaire toujours ?
Les écoliers liégeois apprennent toujours avec enthousiasme l’histoire de la principauté de Liège. Ce passé reste très présent dans la mémoire collective et nourrit un « patriotisme » démesuré. Bruno Demoulin, chargé de cours à l’ULg et auteur d’une Histoire de la principauté de Liège, en collaboration avec Jean-Louis Kupper (Toulouse, Privat, 2002), parcourt, pour Le Vif/L’Express, une histoire millénaire.
Une présence humaine est attestée depuis 9 000 ans sur les bords de la Légia, un ruisseau descendant du plateau hesbignon dont les alluvions ont formé un îlot naturel à l’emplacement de l’actuelle place Saint-Lambert. Sur les ruines d’une grande villa gallo-romaine a subsisté un petit village et un oratoire où venait prier l’évêque Lambert, régnant sur une partie de la Campine actuelle, un dignitaire du royaume des Mérovingiens. Entre 700 et 705 (année inconnue), il y est assassiné par deux sbires de Dodon, l’intendant du maire du palais, Pépin de Herstal, à qui il avait reproché d’avoir répudié sa femme pour la belle Alpaïde, soeur de Dodon. La chapelle devient un lieu de pèlerinage et l’évêque Hubert y ramène le corps de son prédécesseur.
Le fondateur de l’Europe est-il né à Herstal, Jupille ou Paris ? Aucune certitude. Le berceau de sa famille est vaste : Jupille, Herstal, Landen, le nord de la France, Nimègue. Roi des Francs (768), Charlemagne est couronné empereur à Rome (800). Il réside souvent à Aix-la-Chapelle qui, jusqu’à la fin de l’Ancien Régime, fera partie du diocèse de Liège. Il se fait représenter sous les traits de Marc-Aurèle et organise l’Eglise sur le modèle romain. Lors du partage de son empire, en 843, Liège se retrouve dans le royaume de Lothaire. Un » scandale géographique » : la Meuse est une artère vitale très chargée sur le plan symbolique, transportant le fer du pays de Franchimont et de l’Entre-Sambre-et-Meuse, les céréales de la riche Hesbaye, le cuivre de Saxe, l’étain d’Angleterre, les vins du Rhin, de la Moselle et de Champagne.
En 925, le royaume de Germanie absorbe la Basse-Lotharingie dont fait partie Liège. L’empereur choisit Notger comme évêque de Liège en 972. Celui-ci abandonne le siège de Tongres-Maestricht pour Liège. C’est le début de la principauté ecclésiastique de Liège, au départ du comté de Huy donné par l’empereur en 985. Pas d’enfants, pas de conflits dynastiques, pas d’émiettement du patrimoine. Notger est le grand bâtisseur de Liège. Les « écoles liégeoises » qui dépendent de tous ces établissements religieux valent à Liège le surnom d’Athènes du Nord, réputée pour la maîtrise des mathématiques et de la musique. C’est la deuxième ville du Saint- Empire romain, après Cologne, et une pièce maîtresse de la diplomatie impériale. Pendant le haut Moyen Age, l’armée liégeoise est supérieure à celle des rois de France.
La prospérité aidant, la bourgeoisie obtient, à Huy, une charte des libertés (1066). L’alliance du prince-évêque et des » hommes nouveaux » connaît des hauts et des bas. Une guerre privée décime la chevalerie hesbignonne (les Awans et les Waroux). La paix de Fexhe (1313) accorde certains contre-pouvoirs à la population et aux métiers des « bonnes villes ». A la fin du XVe siècle, le prince-évêque est représenté par le chapitre de Saint-Lambert. Il doit composer avec le clergé (principalement), la noblesse et le tiers état (le peuple des campagnes est hors jeu). Liège est alors aussi renommée que Florence ou Sienne.
Au début du XVe siècle, les Bourguignons matent une révolte des Liégeois pour le compte de l’élu Jean de Bavière (bataille d’Othée, 1408). La série noire commence. Pour compléter son Etat bourguignon, Philippe le Bon doit se débarrasser de l' »écharde » liégeoise. Son fils, Charles le Téméraire, prend la ville en 1468, malgré l’attaque surprise des 600 Franchimontois. Elle brûle pendant huit jours. Seuls les édifices religieux sont épargnés. Un cinquième des habitants périssent. Les rois de France et les Habsbourg se disputent la principauté. En 1492, ils s’accordent pour respecter sa neutralité.
En 1505, la population liégeoise réclame que son prince-évêque soit issu de la nation liégeoise : ce sera Erard de la Marck. Il reçoit les droits régaliens de l’empereur Maximilien Ier. Le XVIe siècle est celui de la reconstruction et de l’expansion économique. Erard prêche la prudence tant à l’égard de la Réforme que des velléités du roi d’Angleterre Henri VIII de s’affranchir de la tutelle de Rome. C’est le grand prince du XVIe siècle. Après la paix d’Augsbourg, qui fait de la religion du prince celle du peuple, les Liégeois convertis au calvinisme migrent aux Pays-Bas, en Angleterre et en Suède. Ils créent la métallurgie suédoise.
Après Erard de la Marck, la principauté de Liège est dirigée jusqu’en 1763 par les Wittelsbach, la grande maison de Bavière. Liège garde le poids politique que lui confère sa position géographique. Le parti des Grignoux (le peuple) et les Chiroux (partisan du prince) s’affrontent. En 1647, les Grignoux remportent les élections et interdisent l’entrée de Liège au prince-évêque Ferdinand de Bavière. Liège est bombardée et capitule. La plupart de ses droits politiques sont suspendus. En 1651, construction de la citadelle, qui tourne ses canons vers la population. La scission des Pays-Bas espagnols et les guerres de Louis XIV ont des répercussions sur le territoire liégeois.
Durant tout le XVIIIe siècle, les rivalités douanières, illustrées par l’affaire des jeux de Spa qui met en cause l’autorité du prince-évêque, entravent l’expansion économique. Il n’y a pas assez de travail. La révolution agricole et une proto-industrialisation bousculent les équilibres démographiques. Les armées européennes imbibées d’esprit des Lumières se croisent sur le territoire liégeois. En 1756 paraît, à Liège, Le Journal encyclopédique. Franc-maçon, le prince-évêque François-Charles de Velbrück (1772-1784) participe à ce bouillonnement d’idées mais il échoue dans sa tentative d’égalité de tous devant l’impôt, à cause de l’opposition de la noblesse et du clergé.
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