Liège: les friches industrielles, des « hectares en or »
La récente décision du gouvernement wallon de racheter les 320 hectares du site liégeois d’Arcelor-Mittal s’inscrit dans la volonté de la Cité ardente de réhabiliter ses nombreuses friches industrielles.
L’information est passée un peu inaperçue. » La crise du Covid-19 relègue l’actualité des projets au second plan « , sourit Pierre Castelain, porte-parole de la SPI, l’agence provinciale de développement économique. Qui précise que, le 30 avril dernier, le gouvernement wallon a chargé la Sogepa, son bras financier, de négocier le rachat des sites d’Arcelor-Mittal en bonne concertation avec la SPI et le fonds d’investissement Noshaq (ex-Meusinvest).
Sur la table, pas moins de 320 hectares de friches industrielles, dont quelque 200 pour le seul site de Chertal, voisin du Trilogiport, à cheval sur les communes d’Herstal et Oupeye. » Pour nous, c’est une aubaine, se réjouit Pierre Castelain. Ce sont des hectares en or, comme on les appelle, car ils répondent à un manque criant de surfaces disponibles pour les activités économiques à Liège. Nous sommes bien placés pour le savoir : les terrains de la SPI dans l’agglomération liégeoise sont remplis à 96 %. » D’autant que cette manne foncière est idéalement située, jouxtant ici et là une gare, le fleuve et des connexions routières. » C’est une opportunité majeure compte tenu des enjeux actuels en matière de mobilité « , insiste Pierre Castelain, ajoutant qu’elle doit être appréhendée avec le plus grand soin. » L’époque où l’on distribuait les hectares à tour de bras sans se préoccuper de la destination du territoire est révolue. Nous sommes dans une posture de responsabilité et un engagement ferme sur l’optimalisation de chaque hectare disponible. »
Le « sale boulot »
La décision du gouvernement wallon d’acquérir le site d’Arcelor-Mittal lance en quelque sorte la » seconde phase de réhabilitation majeure des friches héritées du riche passé industriel de Liège » après une première grosse enveloppe libérée en 2012, décrit Pierre Castelain. » Celle-ci a financé pas mal de projets de reconversion pilotés par nos soins : le Val Benoît au centre-ville (logements étudiants, activités économiques, bureaux, espace Horeca), le Charbonnage du Hasard de Cheratte (logements, bureaux, restaurant, salle de sport, espace mémoriel), le site des Acec à Herstal (agriculture urbaine, activités économiques, logements)… » Le rôle de la SPI est celui d’un levier. » On entame le travail avant de passer le relais au privé, on fait le « sale boulot ». » C’est-à-dire les démarches administratives, la recherche de partenaires, les études de faisabilité, les travaux de démolition, dépollution ou assainissement, etc. Une tâche longue et ardue. » Mais si nous ne nous attaquons pas à ces territoires-là, personne n’en fera jamais rien et ils resteront des cicatrices dans le paysage liégeois. »
Avec ceci que l’accueil réservé à ces friches a changé en dix ans. » Au début des années 2010, quand on a commencé la réhabilitation du Val Benoît, les gens nous regardaient comme des hurluberlus. Ils arguaient que cela allait coûter une fortune, se demandaient ce qu’on allait faire là-bas, rappelle Pierre Castelain. Aujourd’hui, c’est accepté par le plus grand nombre. » Même si, » ne nous leurrons pas, réhabiliter une friche coûte cher et représente des défis importants. » C’est un investissement sur l’avenir, note-t-il.
Des projets privés
Dans la lignée de l’intérêt des acteurs publics pour les friches, les privés ont, eux aussi, pris position. Avec plus de réserve, toutefois. » L’engouement pour les friches est assez neuf en Wallonie « , acquiesce Pierre Castelain. » Les privés répondent à nos appels d’offres mais seuls quelques-uns montent des projets en solo. » Ainsi, par exemple, de l’ancienne usine des cafés Chat Noir, à Droixhe. Un promoteur a déposé une demande de permis d’urbanisme pour y aménager des bureaux, une salle de sport, un espace événementiel et un bar panoramique au sommet de la tour de torréfaction. Plus loin, à Droixhe toujours, un groupe brugeois a rasé l’ancienne centrale électrique d’Electrabel et est occupé à transformer la parcelle pour l’accueil d’entreprises.
Madeleine 4.0, un projet mixte au centre-ville
Après avoir mis la main sur l’îlot Souverain-Pont Madeleine, un chancre à deux pas de la place Saint-Lambert et du site de la Grand Poste, Noshaq a déposé une demande de permis d’urbanisme pour sa reconversion fin 2019. Le projet se fonde sur un programme mixte : 700 m2 de commerces en pied d’immeuble, 2 650 m2 de bureaux, 15 appartements (1 700 m2) et un parking de 3 550 m2. Sauf retards dus à la crise sanitaire et compte tenu d’une décision favorable des autorités urbanistiques, les travaux débuteront fin 2020.
Lift-ô-Loft, la nouvelle vie de l’usine Piedboeuf
C’est le Liégeois Christophe Nihon, conseiller en immobilier professionnel et promoteur à ses heures (il est à la tête de trois projets) qui est derrière la reconversion de l’ancienne usine de la bière Piedboeuf, à Jupille. Cédés par le groupe brassicole AB Inbev fin 2018, les bâtiments qui composent le site sont en assez bon état. Ils seront réaménagés pour offrir des logements (lofts et appartements), des commerces et des espaces de bureaux. Sur les fondations de l’emblématique tour de 89 mètres de hauteur surmontée d’une horloge, détruite en 2004, une autre, plus basse, de quelque 40 mètres, sera élevée. La tour en briques de 60 mètres qui subsiste sera restaurée et coiffée de l’illustre cadran, dont des pièces ont été retrouvées. Le futur ensemble de 25 000 m2 au total est » voisin du terminus du futur tram « , indique Christophe Nihon. Qui précise que le suivi du dossier n’a pas été impacté par la crise et que les demandes de permis seront déposées dans les prochaines semaines.
Un appel d’offres pour le site verviétois HDB
Lancé mi-mars dernier, un appel d’offres émis par la SPI pour le redéveloppement d’une partie des 4,5 hectares de l’ancienne usine HDB, à Verviers, » récolte déjà beaucoup de marques d’intérêt « , souligne Pierre Castelain. » Suivant le master plan élaboré en concertation avec la Ville et la Région, le potentiel est d’environ 210 logements pour réaliser un véritable quartier de ville. L’appel d’offres porte sur un premier lot de deux hectares, le plus qualitatif du site, pour une centaine de logements. » Les propositions sont attendues pour le 30 septembre.
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