L’Exécutif des musulmans perd sa reconnaissance: « La communauté musulmane mérite mieux »
Vincent Van Quickenborne, le ministre de la Justice, veut ouvrir la voie à un nouvel exécutif musulman. Dans cette optique, il a retiré sa reconnaissance à l’ancien.
Depuis octobre 2020, l’organe de représentation du culte islamique en Belgique est dans le viseur du ministre. Un rapport de la Sûreté de l’État avait alors pointé du doigt des ingérences étrangères au sein de cette institution. Parallèlement, sa gestion était mise en cause pour son manque de transparence et sa confiscation par une poignée de membres. Face aux problèmes constatés, le ministre a mis deux fois en demeure l’Exécutif de mettre fin aux manquements constatés. Des réunions de concertation ont également eu lieu.
« Malgré de nombreuses promesses, les mesures nécessaires à cette fin n’ont toujours pas été prises à ce jour. De ce fait, la communauté musulmane de notre pays ne dispose toujours pas de la représentation à laquelle elle a droit, ce qui entrave l’intégration des musulmans dans notre pays », a expliqué le ministre.
« Je n’ai encore jamais vu un tel amateurisme »
« Je n’ai encore jamais vu un tel amateurisme. Et cela, en plus, pour un organisme qui joue un rôle crucial pour la communauté musulmane de notre pays. La communauté musulmane mérite mieux, c’est pourquoi j’ai décidé de retirer la reconnaissance de l’EMB (Exécutif des musulmans de Belgique) . Nous voulons ainsi ouvrir la voie à un exécutif musulman véritablement représentatif, transparent et professionnel. Tant qu’il n’y aura pas de nouvel EMB, aucune nouvelle subvention ne sera versée, comme c’était déjà le cas pour les moyens prévus pour 2022″, a conclu le ministre.
Un appel est lancé à la communauté musulmane à « s’organiser de manière transparente, indépendante et pluraliste, sur la base de la liberté religieuse et du caractère démocratique et libre de notre société ». En vertu de la séparation de la religion et de l’État, « seules les communautés religieuses sont en mesure de créer un organe représentatif en tant qu’interlocuteur du gouvernement ». Le ministre n’entend donc pas s’immiscer dans ce processus mais, interrogé sur ce point, son cabinet a indiqué que, depuis deux ans, beaucoup de gens s’étaient manifestés.
Selon le ministre, le retrait de la reconnaissance de l’Exécutif musulman n’a pas créé de vide, car les dossiers en cours continueront à faire l’objet d’un suivi afin d’assurer la continuité de certaines tâches administratives, telles que la reconnaissance des communautés religieuses locales par les États, la nomination de consultants en islam et d’enseignants en islam.
Clap de fin après 26 ans
Après 26 ans, l’Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), n’est donc plus l’interlocuteur officiel de la communauté religieuse islamique et du gouvernement. La lettre recommandée aux membres de l’exécutif annonçant le retrait de la reconnaissance a été envoyée mercredi.
Cette décision est en réalité l’aboutissement d’une longue bataille entre Van Quickenborne et l’exécutif musulman. Le ministre exigeait depuis longtemps des réformes profondes de l’exécutif pour qu’il devienne un organe « inclusif, pluraliste, représentatif et transparent ». En échange d’une subvention de plus de 500 000 euros par an, il voulait que l’Exécutif musulman travaille à l’établissement d’une version belge plus moderne de l’islam, sans influence de pays comme le Maroc ou l’Arabie saoudite.
L’exécutif manquait également de transparence, toujours selon M. Van Quickenborne. « Malgré un conseil d’administration composé de 17 membres élus censés représenter les différents courants de la communauté musulmane, le conseil était de facto aux mains de quelques individus. » Le conseil ne s’est pas réuni depuis octobre 2019. Son propre rapport d’évaluation 2020 faisait déjà état de plusieurs lacunes, comme le manque de représentation féminine et l’infiltration d’extrémistes.
Des réformes trop vagues et trop molles
L’exécutif avait bien présenté des propositions de réforme en février, mais elles ne sont pas allées assez loin pour M. Van Quickenborne. La procédure de retrait de la reconnaissance a donc été lancée le même mois. Depuis lors, le dossier n’aurait pas avancé. Plusieurs demandes visant à rendre l’organisme plus indépendant, plus représentatif et plus transparent n’ont pas abouti, dit encore M. Van Quickenborne.
« Le mandat des membres a expiré depuis presque deux ans et demi. Les décisions ne sont prises que par quelques membres du conseil. Malgré les promesses répétées, il n’y a toujours aucune perspective crédible d’élections démocratiques. »
Reconnu en 1999 à la suite d’élections organisées l’année précédente, l’Exécutif exerce diverses compétences liées à la reconnaissance des mosquées, l’organisation de l’enseignement religieux islamique, la désignation et la formation d’imams et l’établissement de parcelles islamiques dans les cimetières publics.
Ces dernières années, l’exécutif musulman a fait l’objet d’un examen minutieux à plusieurs reprises. Par exemple, à l’automne 2020, la Sécurité d’État a déterminé qu’il y avait une interférence étrangère.
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