Christine Laurent
L’étoffe d’un héros
Un décor qui gondole, un sol qui se dérobe… le diagnostic est sans appel, ça tangue sérieusement au MR. Voix discordantes, petites phrases assassines, soupçons, méfiance, combats de coqs.
Par Christine laurent
Après les crisettes, la crise. Officiellement, tout va bien. L’air du déni nous est chanté sur tous les tons. Normal, trop de bisbilles, trop de bruit et de fureur et voilà les maigres chances de participer au prochain gouvernement fédéral définitivement enterrées. Il faut donc la jouer fine, minimiser le malaise général. Pas simple. Car les amis-ennemis d’hier ne sont pas mieux intentionnés aujourd’hui. Pourquoi le seraient-ils d’ailleurs quand on sait que les racines du mal sont profondes et que la débandade électorale du 13 juin a définitivement écaillé le maigre vernis hâtivement badigeonné en surface.
Un parti fourre-tout inachevé, des idées qui ont tout pour plaire mais ne rassurent pas, une reconquête de Bruxelles manquée, un isolement persistant sur l’échiquier francophone, un FDF qui n’en fait qu’à sa tête… la vie du MR n’est pas un long fleuve tranquille. Trop à gauche pour certains, trop à droite pour d’autres, il flotte entre plusieurs eaux. Même la base est vacillante. Pour s’en convaincre, il suffit de remonter le cours de l’histoire. Comment, aujourd’hui, maintenir soudés trois courants aux intérêts souvent si divergents, le PRL, le FDF et le MCC et rassemblés artificiellement en 2002 ?
Une alliance contre nature, une position « schizophrénique », affirmait déjà à l’époque le socialiste Paul Magnette, alors politologue. « Refusant de se dire de droite, les libéraux défendent des opinions plus progressistes que les démocrates-chrétiens sur les questions éthiques, et oscillent sur le plan socio-économique entre rigueur libérale et libéralisme social. »
Dans ce contexte, les escarmouches répétées entre Olivier Maingain et Gérard Deprez apparaissent bien dérisoires. Tout comme la vendetta larvée du groupe « Renaissance » il y a quelques mois, quand la grogne anonyme avait enfin pris un, voire plusieurs visages. La rancoeur, les frustrations, les colères éclataient au grand jour. Des semaines calamiteuses, certes, mais qui ont permis un coming out pour certains bien salutaire. C£ur de cible, on s’en souvient, Didier Reynders et sa garde liégeoise rapprochée. Absence de démocratie interne, de programme, de stratégie électorale, de perspectives, arrogance, la charge de la fronde était lourde. Et l’affrontement, dévastateur.
Bloquées le temps des élections, les vannes du mécontentement sont aujourd’hui à nouveau ouvertes et le flot monte. A diagnostic sévère, remède de choc. Mais qui pour l’administrer ? Le président déchu ? Il est sur le départ. Louis Michel ? Il a fait son temps, dit-on. Charles Michel ? De l’expérience, certes, mais encore un peu tendre, affirment ses adversaires. Sabine Laruelle ? Pas assez diplomate, trop psychorigide, dénoncent ceux qui ne l’aiment guère. Daniel Bacquelaine, celui qui se rêve en « sauveur » ? Aucune chance, c’est un « reyndersien ». Olivier Maingain ? « Imbuvable » pour les libéraux wallons.
Parti en déshérence cherche désespérément leader charismatique, visionnaire, rassembleur. Non pas un bricoleur qui viendrait juste recoller les morceaux épars d’un mouvement dangereusement centrifuge, mais un bâtisseur, fin politique, au caractère bien trempé, capable de mener non pas une rénovation, mais une véritable révolution. Un sauveur-guérisseur. Un héros. Bref, l’oiseau rarissime.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici