L’Etat belge veut votre avis: mais pour quoi faire?
Les dizaines d’idées qui émergent lors de l’enquête citoyenne du gouvernement fédéral contiennent d’emblée une large palette des convictions politiques. De la « Flandre indépendante » à « 1 pays, 1 parlement, 1 gouvernement ». Que peut-on attendre de cette grande consultation?
Avec le lancement de cette enquête auprès des citoyens, le gouvernement fédéral cherche des idées novatrices sur la démocratie et la réforme de l’État. Tous les résidents de Belgique, âgés de plus de seize ans, peuvent donner leur avis jusqu’au 5 juin sur le site unpayspourdemain.be.
Sur quoi pourrait déboucher ce grand « brainstorming national » ? Idéalement, sur un inventaire d’idées, qui puisse servir de document préparatoire à une future réforme de l’État et à un renouveau démocratique.
Cependant, il est bon de préciser que les sujets actuellement « prioritaires » chez les citoyens – pouvoir d’achat, santé, énergie et climat – ne sont pas sondés. Les questions choisies par le gouvernement ne se retrouvent d’ailleurs presque jamais dans le top 3 des thématiques qui préoccupent le plus les citoyens.
Que faire de l’organisation et du financement de notre pays, qu’en est-il de Bruxelles, quel rôle les citoyens doivent-ils jouer dans les décisions politiques importantes, comment organise-t-on les élections ? Voici les questions principales à propos desquelles le gouvernement cherche des réponses. Les réponses soumises par les citoyens seront consultables par tous.
L’enquête ne propose pas des questions à choix multiples, avec des réponses déjà écrites. Elle se présente sous forme de questions ouvertes. Les participants sont donc invités à réfléchir et à développer leur raisonnement: comment feriez-vous cela et pourquoi ? Les questionnaires sur le site sont accompagnés de textes introductifs qui s’apparentent parfois à un cours intensif de droit constitutionnel.
Les premières réponses formulées hier laissent craindre que les espoirs d’apports fournis soient un peu vains. Les réponses ne sont en effet pas allées beaucoup plus loin que des slogans politiques souvent bien connus.
« Un brainstorming, pas un sondage »
Le résultat de l’enquête n’a pas à être une représentation fidèle de ce que pensent les citoyens belges. « Il s’agit d’une séance de brainstorming, pas d’un sondage« , explique la professeure anversoise Patricia Popelier, qui supervise le processus. « L’objectif n’est pas de mesurer la popularité d’une opinion, nous recherchons simplement la diversité des réponses. »
« Ce n’est pas une élection, un referendum ou un sondage d’opinion mais une opportunité donnée à tout un chacun de s’exprimer », abondait David Clarinval (MR) lors de la conférence de presse de présentation qui a eu lieu lundi à Bruxelles.
« Les réponses ne seront pas pondérées. Ce qui compte, c’est le contenu de la réponse et non le nombre de fois qu’elle a été exprimée », a ajouté Annelies Verlinden (CD&V). « On ne cherchera pas à tirer des conclusions sur le poids respectif des propositions émises dans la population. Ce n’est pas un échantillonnage, l’idée n’est pas de faire un comptage mais de créer un débat au sein de la société belge », a détaillé l’un des experts, Jean-Benoît Pilet (ULB).
Par ailleurs, sur la plateforme, les citoyens peuvent soumettre une opinion non seulement en tant qu’individus, mais aussi en tant que membres d’un groupe. Les résultats, eux, ne remplacent pas le travail politique ordinaire, mais l’enquête a plutôt pour but de fournir des informations difficiles à assimiler avec la politique classique.
L’expérience a également pour ambition de combler le soi-disant fossé avec les nouvelles méthodes démocratiques. « On a une grande expérience en Belgique des réformes de l’Etat mais souvent la question qui est posée n’a pas de lien avec les élections qui ont précédé. Et ce qui est frustrant, c’est que les discussions se déroulent dans une salle au fond d’un château, et quand on sort avec une solution des mois plus tard, on se demande: c’était quoi le but finalement? Aujourd’hui, nous voulons associer les citoyens, nous les appelons à porter leurs voix. On connaît l’expression: si vous ne vous occupez pas de politique, la politique s’occupera de vous », a expliqué le Premier ministre, Alexander De Croo.
La consultation est relativement limitée dans le temps : elle se terminera le 5 juin, ce qui pourrait contrecarrer l’objectif de voir émerger des opinions différentes et de combler l’écart avec les citoyens. Les experts Patricia Popelier, Dave Sinardet (VUB) et Jean-Benoît Pilet (ULB) rédigeront alors un rapport qui sera rendu public, remis au gouvernement fédéral et au parlement. Le Parlement pourra s’en inspirer pour approfondir certaines thématiques.
La N-VA dénonce un consultation « coûteuse », le PTB un processus peu ambitieux
Le PTB et la N-VA se sont montrés critiques à propos de la consultation citoyenne lancée par le gouvernement sur la réforme de l’Etat.
Aux yeux des communistes, le processus, qui s’étendra sur six semaines et se prolongera par des panels rassemblant élus et citoyens à la Chambre, manque d’ambition et n’offre pas la garantie que les conclusions seront réellement prises en compte.
« La Vivaldi a-t-elle peur d’une consultation citoyenne plus ambitieuse et plus contraignante? » a demandé sur Twitter le vice-président du PTB, Davis Pestieau. « Écouter les citoyens, organiser un large débat, c’est s’y prendre tout autrement. Organiser un processus transparent, avec des rencontres et débats, avec une enquête représentative et avec la garantie qu’on tienne compte des propositions retenues », a-t-il ajouté.
« Pour secouer la Rue de la Loi, un mouvement d’en bas sera nécessaire pour prévenir le scénario séparatiste en 2024. Pour que le débat ne soit plus confisqué par un petit groupe de politiciens traditionnels. Et pour que le peuple s’en empare réellement« , a poursuivi M. Pestieau.
La consultation « un pays pour demain » coûtera 2,1 millions d’euros. La N-VA a dénoncé de « l’argent jeté par les fenêtres ». Telle qu’elle est organisée, cette consultation aura surtout pour conséquence qu’elle « sapera le soutien » dans la population à de telles opérations, regrettent les nationalistes flamands.
La N-VA a déploré elle aussi le caractère non contraignant des résultats et sur le fait que, d’emblée, l’on considère qu’ils seront pas représentatifs. « Pourquoi devrait-on prendre la peine d’y participer? Ce n’est pas très motivant », a souligné le député nationaliste Sander Loones.
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