Guy Martin
« Les traités de l’UE et de l’OMC ne conduisent-ils pas à une privatisation de l’école publique? »
Deux textes doivent être connus si nous cherchons à comprendre pourquoi l’enseignement va, si rien ne change, se privatiser et se marchandiser.
Oui ! Pourquoi ?
Deux textes doivent être connus si nous cherchons à comprendre pourquoi l’enseignement va, si rien ne change, se privatiser et se marchandiser.
Car l’enseignement fait partie de ce que ces textes légaux appellent « les services ».
Il s’agit du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (version consolidée) (1) et de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS ou en anglais GATS pour General Agreement on Trade in Services) (2) qui a été lancé par l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) en 1994 et qui fait partie des négociations entre Etats (148 membres) au sein de l’OMC. Il est entré en vigueur en janvier 1995.
1. Le TFUE LIBÉRALISE LES ACTIVITÉS DE SERVICES
Le premier texte, en son Article 60 (ex-article 53 TCE) précise que « les États membres s’efforcent de procéder à la libéralisation des services au-delà de la mesure qui est obligatoire en vertu des directives arrêtées en application de l’article 59, paragraphe 1, si leur situation économique générale et la situation du secteur intéressé le leur permettent. La Commission adresse aux États membres intéressés des recommandations à cet effet. » Cet article consacre en Europe la libéralisation de tous les services.
2. L’AGCS PRIVATISE LES SERVICES PUBLICS LORSQU’IL COEXISTENT AVEC DES SERVICES PRIVÉS
Le second texte Intitulé l’Accord général sur le commerce des services est présenté par l’OMC comme « l’un des accords les plus importants de l’Organisation mondiale du Commerce… Il est le premier et seul ensemble de règles multilatérales régissant le commerce international des services. Il constitue le cadre dans lequel les entreprises et les particuliers peuvent exercer leurs activités ».
Il incite à l’échange mondial des services, ceux-ci étant vus comme un pan de l’économie.
Le point de vue de l’OMC est le suivant: « étant donné que le secteur des services est le plus grand et le plus dynamique de l’économie mondiale, avec plus de 60 % de la production mondiale et, dans beaucoup de pays, une part encore plus élevée de l’emploi, l’absence d’un cadre juridique pour le commerce international des services était une anomalie et un danger: une anomalie car les avantages potentiels de la libéralisation sont au moins aussi importants pour les services que dans le secteur des marchandises, et un danger car il n’y avait aucune base juridique permettant de résoudre les conflits entre les intérêts nationaux ».
L’AGCS couvre tous les services à deux exceptions près: les services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental et, dans le secteur du transport aérien, les droits de trafic (…) ».
Toutefois, les services fournis dans l’exercice du pouvoir gouvernemental sont définis (partie I article premier paragraphe 3) comme étant des services « qui ne sont fournis ni sur une base commerciale ni en concurrence avec d’autres fournisseurs« .
Il s’agit d’une définition restrictive puisque, tel que libellé, cela concerne les domaines régaliens de l’Etat (armée, police, justice, …) et encore ! Effectivement, rares sont les secteurs entièrement intégrés et où aucune forme de coexistence n’existe déjà entre services gouvernementaux et privés (par exemple soins de santé, éducation, …).
Il faut donc constater que l’AGCS a un objectif, dans le cas particulier des services, qui se concentre sur la marchandisation et la valorisation commerciale de la notion de services publics essentiels (tels l’éducation ou le système de santé), prenant ainsi le pas sur le bien-être réel des populations concernées.
En d’autres termes, avec ce texte, l’intérêt général s’efface devant les intérêts particuliers.
Le but de l’AGCS est de
– Supprimer toutes les restrictions et les réglementations gouvernementales intérieures dans le domaine de la fourniture de services qui sont considérés comme des obstacles au commerce;
– Entraîner de fait l’abolition du financement public d’institutions nationales (voire même le chèque formation) au motif que cela porterait atteinte à la liberté de commerce;
– Favoriser la libéralisation progressive des services dans le cadre de l’AGCS ce qui signifie que l’on va vers la privatisation de tous les services, y compris les services publics.
Cela entraînera la déréglementation des services au niveau des collectivités locales, des Etats, et leur assujettissement aux règles de l’OMC au profit de sociétés multinationales.
Et l’article 60 du Traite de fonctionnement de l’Union européenne légitime celle-ci pour avancer dans ce domaine.
Voilà pourquoi les autorités politiques de presque tous les partis (sauf ceux qui remettent en question les traités) notamment des différents pays d’Europe pressent le pas pour privatiser les services publics dont l’enseignement. Ils souhaitent se conformer aux règles de l’AGCS qui s’inscrit dans la suite de l’article 60 du TFUE.
EN CONCLUSION : QUE FAIRE ?
Il faut changer les traités. En Wallonie un seul parti, le PTB, demande explicitement ce changement.
Mais, en Région wallonne et en Communauté française la seule option réaliste, à court terme, n’est-elle pas de ne plus avoir d’autre enseignement que l’enseignement public UNIQUE et PLURALISTE, si l’objectif est de préserver l’intérêt général ?
Ceci permettra d’éviter l’application de l’article premier paragraphe 3 de l’AGCS portant sur la concurrence d’autres fournisseurs conduisant à une privatisation totale. N’est- ce pas en cette matière la seule façon de préserver la primauté de l’intérêt général sur les intérêts particuliers ?
En d’autres termes, pour éviter que des intérêts privés ne dirigent l’enseignement, ne convient-il pas que tout l’enseignement (en ce compris l’enseignement privé) soit repris au sein de l’Organisme d’Intérêt Public qui vient d’être créé par décret de la Communauté française et placé sous l’autorité exclusive de l’autorité publique dans le cadre d’une école pluraliste respectant ainsi le prescrit Constitutionnel de l’article 24 et celui de l’article 14 des droits de l’enfant portant sur la liberté de choix et la liberté de conscience.
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