Non, Monsieur Magnette, les ouvriers ne sont pas des » petites gens « . Votre vocabulaire ne vient pas des galeries souterraines des ouvriers mineurs, mais des strates successives de la bourgeoisie dominante.
Vous interrogeant dans le journal L’Echo, spécialiste du monde des affaires et des finances, sur la situation actuelle du socialisme et sur les voies improbables de son redressement, vous n’avez pas pu éviter de faire usage d’un vocabulaire qui vous est inné, non pas venu des galeries souterraines des ouvriers mineurs, mais des strates successives de la bourgeoisie dominante.
En vous lisant, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à une chanson de Jacques Brel, Pourquoi ont-ils tué Jaurès ?, lorsqu’il répète la réponse qu’attendaient ceux qui, comme vous, parlaient de « petites gens ». Cette réponse étant : « Oui, votre bon maître ».
Etre à gauche, c’est d’abord et avant tout voir en l’autre un semblable, digne, porteur des droits et libertés communs à tout individu. Les ouvriers, les travailleurs ne sont pas des « petites gens ». Ils savent l’âpreté de la vie, mais ne la craignent pas : leur fierté est la conscience, ancrée en eux, que la réponse à l’âpreté, c’est le travail. Et la solidarité. Pas une solidarité entre « petits », mais la volonté commune de vivre, de faire vivre leur famille, de voir leurs enfants vivre mieux qu’eux, de voir leur « fils d’ouvrier » entreprendre des études en parvenant à réussir malgré ceux qui les traitent de « petites gens » et pour qui les études universitaires sont un acquis naturel.
Dans le spectacle que lui a consacré son fils Riton, on peut entendre de la bouche de Marcel Liebman une excellente définition de ce que signifie être à gauche : vouloir réduire les inégalités. Le fils d’ouvrier que je suis, choqué par vos propos, sait que la seule réponse contre les inégalités, c’est le travail. Ce combat-là est présent dans le libéralisme auquel j’adhère. Je ne dirai pas qu’il ne l’est plus dans le socialisme, mais si le nouveau discours socialiste s’assimile à la condescendance retrouvée, je suis certain d’une chose, il n’y aura pas d’éclosion possible ni pour les idées neuves ni pour l’identité nouvelle que le PS recherche en vain depuis bientôt deux décennies.
Que cela vous plaise ou pas, en plaçant le curseur de son action sociale au niveau de la création d’emplois, l’actuel gouvernement Michel, à participation libérale, est en voie de réussir là où le socialisme se découvre désormais inapte.
Non, Monsieur Magnette, les ouvriers ne sont pas des petites gens ! Oserais-je ajouter que les Wallons non plus. Oserais-je ajouter que les Wallons n’ont pas besoin d’un parti soi-disant protecteur, paternaliste. Dès lors, je vous pose cette question : lorsqu’en 2014 vous avez déclaré que la Wallonie avait besoin d’un gouvernement de gauche, pensiez-vous à un gouvernement visant à réduire les inégalités ? Ou aviez-vous en tête une forme de gouvernementalité pour laquelle les « petites gens » que seraient les citoyens auraient à vous dire « Merci, votre bon maître » ?
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