Vincent Laborderie
Les partis politiques tiennent-ils compte des désirs des électeurs ?
Dans son opinion de la semaine dernière, Caroline Van Wynsberghe entend démontrer l’impossibilité pour les politiques de connaitre les raisons du vote de leurs électeurs et, partant, la non-prise en compte de ces préférences dans les choix politiques. Cette position nous apparaît contestable.
Commençons par l’impossibilité de connaitre les causes du vote. Caroline Van Wynsberghe énonce que « Le seul moyen de connaître [les motivations des électeurs pour choisir un parti] est de réaliser des enquêtes postélectorales rigoureuses dont les résultats ne sont pas disponibles au moment de finaliser l’accord de gouvernement », citant ainsi les enquêtes du PIOP (1) . Ce type d’enquête électorale universitaire est effectivement le mode d’analyse le plus complet. Mais les partis ont à leur disposition bien d’autres outils pour connaitre les sentiments de leurs électeurs. Ils peuvent ainsi utiliser des sondages publics (commandés et diffusés par les médias) ou, plus souvent, des sondages internes au parti qui restent confidentiels. Au-delà de ces outils, un parti a toujours des informations provenant de ses militants et sympathisants pour avoir une idée des raisons de son succès (ou de son échec). La fiabilité de ces informations est imparfaite et celles-ci peuvent être considérées comme non scientifiques par les universitaires. Il n’en demeure pas moins qu’elles sont prises en compte (à des degrés divers) par les formations politiques.
Enfin, même les études universitaires postélectorales fouillées peuvent, malgré le temps nécessaire à leur réalisation, être utilisées pour forger un accord de gouvernement. L’étude concernant les motivations du vote N-VA en 2010 (2) a ainsi été publiée en juin 2011, soit avant la relance des négociations qui ont conduit à la sixième réforme de l’État.
Si les partis disposent de plusieurs moyens pour connaitre les motivations de leurs électeurs, ils ont également intérêt à les prendre en compte sous peine de perdre leurs soutiens à la prochaine élection. Pour reprendre l’exemple du non-séparatisme des électeurs de la N-VA, il faut remarquer que les autres partis politiques flamands l’attaquent régulièrement sur ce point. Et Bart De Wever de jurer ses grands dieux que son parti ne veut pas la fin de la Belgique maintenant. On le voit mal répéter cela jusqu’à l’élection de juin 2014 pour, sitôt celles-ci passées, décider de déclarer l’indépendance de la Flandre. Les partis politiques tiennent donc bien compte des préférences de leurs électeurs. L’inverse serait d’ailleurs inquiétant : serions-nous alors toujours en démocratie ?
Reste le cas du confédéralisme et ce chiffre terrifiant de 78 % de députés flamands à la chambre qui adhèreraient à cette idée. Mais pour arriver à un tel chiffre, il faut en réalité additionner des choses bien différentes en se fiant uniquement à l’utilisation du terme « confédéralisme ». Si l’on examine les programmes de ces partis et ce qu’ils entendent par « confédéralisme », on réalise alors qu’il s’agit de choses bien différentes. Ainsi pour le VLD et le CD&V, le confédéralisme s’entend plutôt comme une fédéralisation plus poussée de l’État belge où davantage de compétences iraient vers les entités fédérées (3) . Il ne s’agit donc pas de confédéralisme mais de fédéralisme. Ce que veut la N-VA est en revanche plus flou, ce qui alimente les soupçons de séparatisme caché ou d’amateurisme. Jan Jambon avait néanmoins donné au Vif/L’express sa conception du confédéralisme, qui consistait à donner quasiment toutes les compétences aux régions (4) . Enfin, signalons cette déclaration du Michel Delbaere, président de la VOKA (que Bart De Wever présente comme son patron) : « Ma définition du confédéralisme consiste à allouer les compétences au niveau de pouvoir le plus efficace. (…) S’il y a des choses qui doivent rester au niveau fédéral, c’est parfait pour nous » (5) . Cette définition n’est en réalité pas celle du confédéralisme, mais du principe de subsidiarité.
Alors le confédéralisme correspond-il à un fédéralisme avancé, un État fédéral coquille vide ou à la simple application du principe de subsidiarité ? Face à cette confusion manifeste, il semble essentiel d’aller au-delà de l’emploi du mot et de distinguer ce que recouvre ce terme. Afin que les citoyens décident en toute connaissance de cause, il apparaît essentiel de demander aux acteurs politiques de clarifier leurs positions respectives sur ce point.
1 Pole Interuniversitaire Opinion publique et Politique (UCL). 2 Cette étude a été publiée en français : Courrier hebdomadaire du CRISP No 2125, « Les électeurs de la NVA aux élections du 13 juin 2010 » par Marc Swyngedouw et Koen Abts. 3 Voir à ce sujet le chapitre « Fédéralisme ou confédéralisme ? » de Good Morning Belgium. 4Voir interview dans le Vif du 23 août 2012. 5 De Morgen, 12/11/2012.
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