Gérald Papy

Les paradoxes du triomphe d’Angela Merkel

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Victoire incontestable aux législatives de la chancelière allemande promise à un 3e mandat. Mais la défaite de son partenaire libéral l’oblige à des concessions. Proche du pouvoir sans partage, obligée de le partager.

Si la victoire de la droite CDU/CSU et le triomphe personnel d’Angela Merkel sont incontestables, les élections législatives allemandes ne conduisent pas moins à d’étonnants paradoxes.

1. Angela Merkel frôle le pouvoir sans partage mais devra sans doute partager le pouvoir avec son plus sérieux rival, le SPD social-démocrate. Avec 41,5 % des voix, la CDU/CSU progresse de 9 points par rapport au précédent scrutin de 2009 (33,8 % des suffrages) et rate de peu (1 ou 2 sièges, selon les décomptes) la majorité absolue au Bundestag. Une coalition s’impose. La reconduction de l’ancienne (CDU – FDP) est exclue, les libéraux ne franchissant pas la barre des 5% signant leur entrée au Parlement. Une alliance étant idéologiquement impossible avec la gauche radicale et tactiquement peu prisée avec les Verts, reste le scénario d’une grande coalition avec les sociaux-démocrates, répétition du partenariat du premier mandat d’Angela Merkel (2005-2009). Mais comme celui-ci n’a pas laissé que de bons souvenirs au SPD, Peer Steinbrück, le rival social-démocrate d’Angela Merkel, s’apprête, s’il en reçoit le mandat, à engager une négociation serrée pour inscrire les revendications de son parti dans le futur programme gouvernemental, face à une chancelière en position de force mais contrainte de composer.

2. Merkel triomphe, pas sa coalition. La faute au FDP libéral, passé de 14,56 % en 2009 à 4,8 % en 2013 et privé de représentation au Bundestag, une première depuis la Seconde Guerre mondiale. Les libéraux ont été victimes de la concurrence inédite du parti anti-européen AFD, Alternative pour l’Allemagne, qui frôle dès sa première participation électorale les 5% (4,7 %). Résultat : Angela Merkel se retrouve au Bundestag face à une opposition exclusivement de gauche, SPD (25,7 % en progression de quelque 3 points), Die Grune (8,4 % en baisse de 2,5 points) et gauche radicale (8,6 % en recul de 3 points).

3. Politique européenne confortée et décriée. En plébiscitant la CDU/CSU, l’électeur allemand a conforté la politique européenne de l’Allemagne sur le principe de la solidarité avec les pays du Sud en échange de l’application de politiques de rigueur controversées en Europe. Mais jamais dans l’histoire de l’Allemagne réunifiée, une formation politique anti-européenne n’avait glané un score électoral aussi marquant. Or, l’Alternative pour l’Allemagne s’est clairement positionnée sur une ligne dure contre les largesses supposées du gouvernement à l’égard de la Grèce.

4. Merkelisme, oui, mais amendé. Le troisième mandat annoncé d’Angela Merkel consacre sans nul doute l’empreinte du « merkelisme » sur la politique allemande. Mais les négociations avec le partenaire SPD, les promesses de campagne de Merkel elle-même (notamment, la revalorisation des bas salaires) et la pression des partenaires européens dans un contexte économique un peu rasséréné laissent augurer une inflexion de la politique de la chancelière. Qui devra d’abord trancher le choix de sa coalition : reconduction de l’expérience avec le SPD (2005-2009) ou inauguration tout de même d’une nouvelle alliance CDU-Verts après l’aventure avec les libéraux (2009-2013).

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