Carte blanche
Les maisons de repos sont dans la tourmente. La conférence interministérielle doit les secourir
Les personnes âgées constituent un groupe particulièrement vulnérable dans le contexte de l’épidémie de Covid-19 en raison de leur âge et de leur comorbidité.
Dès le 17 mars, le secteur a plaidé pour que les maisons de repos des trois Régions bénéficient d’une priorité tant pour le matériel de protection que pour le testing. Il a été alors très partiellement entendu. Des livraisons de masques chirurgicaux, FFP2 ou KN95 ont eu lieu. Saluées, elles ne sont pas suffisantes dans la lutte contre le Covid-19. A cette fin, il faut davantage de masques, mais aussi des gants, surblouses, lunettes, voire des visières. A ce moment, seul le personnel soignant hospitalier était alors prioritaire pour le testing.
Nous avons appris que 20 000 kits de test ont été réservés pour les maisons de repos. La Communauté germanophone obtiendrait 106 tests, la Région wallonne 6 597, la Région Bruxelles-Capitale 2 054 et la Flandre 11 243. Les Régions fourniront un aperçu des maisons de repos à tester, en collaboration avec le prestataire de soins compétent ; dans la plupart des cas, le médecin coordinateur. Cela concerne les soignants ou résidants présentant des symptômes de possible Covid-19. Le matériel nécessaire pour ces tests, comme les vêtements de protection et le matériel d’échantillonnage, sera rassemblé par maison de repos et sera livré aux intéressés dans le courant de cette semaine .
Les maisons de repos sont maintenant dans la tourmente. La semaine passée, les chiffres suivants ont été communiqués par la VRT pour la Flandre :
- un quart des travailleurs affectés,
- un tiers de résidants affectés,
- deux tiers des maisons de repos en manque de matériel de protection.
Les chiffres détaillés pour les autres Régions ne sont pas dans le domaine public.
Nous savons que vous et vos équipes travaillez d’arrache-pied. Nous apprécions à leur juste valeur vos efforts pour faire face à cette épidémie et pour prendre les mesures appropriées.
1. Il subsiste à tout le moins des incertitudes dans la livraison de matériel de protection. A nouveau, nous savons que le contexte est compliqué. Il y a une surenchère des USA pour l’achat de ce matériel. Des lots de masques ont dû être renvoyés, car non conforme en termes de qualité.
Si nous comprenons aisément qu’il est nécessaire de garantir la capacité de tous les hôpitaux à accueillir des patients qui nécessitent des soins urgents voire intensifs, en nombre de plus en plus important, il est également vital de maintenir l’état sanitaire des maisons de repos et des maisons de repos et de soins qui, au quotidien, font le maximum pour protéger leur population hébergée, fragile, et les membres de leur personnel .
En raison des contacts fréquents dans leur activité professionnelle, tous les travailleurs des maisons de repos courent un risque très élevé d’être infectés et malades, ou d’être porteurs et vecteurs de transmission tant pour leurs proches que les citoyens qu’ils rencontrent pour leurs indispensables achats de la vie courante. C’est d’autant plus vrai que nombre de maisons sont devenues des foyers Covid-19 et que des personnes qui auraient été hospitalisées en temps normal vont rester en maison de repos vu la probable saturation des lits hospitaliers.
Ces établissements sont déjà confrontés à des pénuries de personnel. Vu le risque collectivement accru, il est essentiel de protéger au maximum les travailleurs et leur bien-être de sorte à maintenir la main-d’oeuvre et la continuité des soins.
Davantage de matériel de protection de bonne qualité est la priorité absolue.
Tant pour le matériel de protection que de testing, le personnel et les résidants de ces maisons de repos devraient être traités sur pied d’égalité à celui des hôpitaux.
2. Il y a plus de 150 000 lits de maison de repos et un taux d’occupation de l’ordre 95 %. En moyenne, pour 2 résidants, il y a un 1 ETP membre du personnel et un temps de travail moyen d’environ 0,6 ETP par travailleur. Cela implique 142 500 résidants et 118 750 travailleurs. Au total 261 500 personnes à comparer aux 20 000 tests.
Comme relevé dans la presse par un directeur de maison de repos : « Le virus se propage dans la maison, les collègues peuvent tomber malades et nous ne le savons pas ». « Il est de la plus haute importance pour nous que tout le monde dans la maison de retraite soit testé, afin que nous sachions qui isoler et que les autres puissent continuer leur vie normale, dans la mesure du possible ».
Compte tenu de la forte exposition des travailleurs d’établissements d’accueil des personnes âgées, la priorité et la rapidité des tests pour ces travailleurs sont de la plus haute importance compte tenu de la latence des tests au début de l’infection et lors de symptômes légers.
Alors que certains plaident le testing pour remettre des travailleurs en emploi en vue de relancer l’économie, il est tout sauf illégitime que le testing soit pratiqué à large échelle dans les maisons de repos afin qu’elles assurent la continuité des soins, avec le moins d’absentéisme et de dommages humains possibles.
Les appréciables efforts pour les maisons de repos en matière de testing sont à poursuivre et amplifier.
3. Par ailleurs, des membres du personnel se sont présentés à la demande de leur médecin traitant à l’hôpital et se sont vus refuser d’être testés dans certains hôpitaux. La pratique n’est pas générale, mais des plus interpellante.
Si le médecin traitant demande un test pour un membre du personnel, il doit être réalisé soit dans la maison de repos soit à l’hôpital. Un refus de l’hôpital n’est pas acceptable.
4. Il a été question d’une prime de risque pour le personnel hospitalier et les médecins. La mesure a été retirée.
Il y a effectivement une prise de risque par ce personnel. En même temps, le personnel des maisons de repos prend des risques comparables vu la multiplication de foyers Covid-19 et la limitation des hospitalisations. Par ailleurs, pourquoi une prime de risque aux soignants et pas aux caissières des supermarchés, aux éboueurs aux travailleurs sociaux de première ligne… Tout cela pose un évident problème d’équité.
Si la discussion d’une prime de risque est reprise, elle doit avoir lieu en concertation avec les Régions et traitée sur pied d’égalité avec le personnel des maisons de repos.
5. Lors de la crise H5N1, beaucoup de précautions ont été prises. Le cap a été passé sans trop de dommages. A posteriori, certains ont estimé que trop de précautions avaient été prises, que l’on en avait trop fait. Cela ne vaut pas seulement en Belgique. Ainsi, en France, la Ministre de la Santé d’alors, Roselyne Bachelot fut copieusement brocardée. Avec le Covid-19, un mouvement de balancier a joué. Clairement, les risques n’ont pas été anticipés, voire sous-estimés. La non-reconstitution du stock fédéral en est l’illustration la plus frappante.
La crise passée, la question de l’anticipation d’un possible nouveau péril sanitaire devra être débattue et les leçons tirées.
Nous vous demandons d’examiner dans les meilleurs délais ces préoccupations largement partagées. Nous comptons sur vous pour prendre ce message à coeur et vous remercions d’avance de donner suite à cette lettre.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur Ministre, l’assurance de notre considération fraternelle et très distinguée.
Lettre adressée au Ministre De Backer et aux Ministres régionaux de la Santé par
Karine LALIEUX, Présidente de la Fédération des CPAS Bruxellois Association Ville & Communes de Bruxelles
Luc VANDORMAEL, Président de la Fédération des CPAS de l’Union des Villes et Communes de Wallonie
Wim DRIES, Voorzitter van de Vereniging van Vlaamse Steden en Gemeenten
Vincent FREDERICQ, Secrétaire général de Femarbel-Ferubel
Yves SMEETS, Directeur général de Santhea
Christophe HAPPE, Directeur général d’Unessa
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