Les hivers sans neige vont-ils devenir la norme en Belgique?
Doit-on s’habituer aux hivers sans neige et dire adieu aux paysages immaculés dans nos contrées ? Les hivers doux sont une tendance observée depuis trente ans, selon Pascal Mormal, météorologue à l’Institut Royal météorologique (IRM). Et elle ne risque pas de s’inverser.
Nous sommes le 3 février et il fait 11 degrés. Depuis le début de l’hiver, nous n’avons connu que très peu de jours de gel et quasiment aucun flocon de neige sur notre pays.
En effet, décembre a été plus chaud que la normale avec une moyenne de 5,9°C à Uccle au lieu de 3.3°C. De même en janvier, il a fait assez doux, avec seulement 6 jours de gel contre 11,6 jours en moyenne et aucun jour d’hiver (lorsque les températures ne dépassent pas 0 degré). Et les prévisions pour les quinze prochains jours, qui nous amènent jusqu’à mi-février, n’annoncent toujours pas l’arrivée d’un temps hivernal.
Ces températures douces, qui s’éternisent, nous donnent l’impression que l’hiver n’a pas encore commencé. Mais est-ce seulement une impression ?
« Les températures que nous avons connues ces deux derniers mois sont très élevées, mais ne constituent pas un record », affirme Pascal Mormal, météorologue à l’IRM. « Nous pouvons toutefois affirmer qu’il y a une récurrence de plus en plus importante ces trente dernières années aux hivers doux. Depuis les premiers relevés météorologiques à Uccle en 1883, les trente dernières étaient en majorité des hivers plutôt doux ».
+1°C depuis 1980
En effet, concernant la température moyenne annuelle à Uccle, on peut parler d’une hausse de 1°C sur les trente dernières années. Ainsi, depuis 1981, les températures annuelles augmentent de 0.38°C en moyenne chaque décennie. Et ce, y compris pour les moyennes hivernales.
Selon le météorologue, les températures clémentes peuvent être expliquées par les variations naturelles du climat, mais la récurrence des hivers doux constitue un signal du réchauffement climatique. « Et tout indique que cela va continuer », affirme-t-il.
« Nous vivons actuellement dans un climat qui s’est déjà réchauffé de 1°C par rapport aux normes de 1980. Selon les projections du GIEC, il est probable que nous nous dirigions vers un climat à +2 à +3°C. Si c’est le cas, cela deviendra très compliqué d’avoir des hivers froids en Belgique ». Et donc de la neige…
Il est vrai que l’on remarque cet hiver une quasi-absence de neige, même dans les Ardennes. « Des hivers sans neige, cela arrive. Cela a déjà été le cas durant les hivers 2006-07 et 2013-14. Mais un hiver doux peut aussi précéder un printemps froid », nous dit le météorologue.
Ainsi, l’hiver 2007-08 n’avait pas vu tomber de neige, alors qu’il y a eu des chutes records fin mars (45 centimètres sur les hauteurs). « Il est fréquent qu’après un hiver doux, on vive un coup de froid d’une semaine à dix jours au printemps. »
Pour le printemps 2020, les prévisions saisonnières montrent toutefois une tendance à un printemps normal, voire plus doux que la normale.
Quelles conséquences pour la flore ?
« Le risque est que les plantes de mettent à bourgeonner et que l’on connaisse ensuite un coup de froid, selon Pascal Mormal. Si c’est le cas, certaines récoltes risquent d’être fortement impactées, comme ça a déjà été le cas avec les pommiers en Hesbaye ». Selon le météorologue, on peut en effet connaitre des gelées jusqu’aux « Saints de glace », soit vers la mi-mai. En 2013, nous avions en effet connu un record le 13 mars avec -10.1°C relevés à Uccle.
Une douceur commune à toute l’Europe
La Belgique n’est pas la seule à connaitre un hiver particulièrement doux. L’Europe entière est concernée comme l’indique Météo France. « Sur pratiquement tout le vieux continent, les températures sont supérieures à la normale et la neige se cantonne aux reliefs. (…) Et encore, les moyennes montagnes étaient très peu enneigées », relève météo France.
Les températures les plus chaudes ont été mesurées dans les pays bordant la mer Baltique : Suède, Finlande, Pologne, Lituanie, Lettonie, Estonie et Russie. Le 28 janvier dernier, la hauteur de la neige qui s’est finalement installée sur la Place rouge à Moscou (4 cm) était la plus faible depuis ces 20 dernières années.
Records de températures en France
Ce week-end, la France a relevé la température la plus haute jamais enregistrée pour un mois de février. « Jamais il n’avait fait aussi chaud (on parle du seuil de 25 °C comme celui du seuil de chaleur), aussi tôt dans l’année dans la France métropolitaine », affirme Météo France.
Ainsi, il a fait 26.5 °C à Cambo-les-Bains (14°C au-dessus des normales de saison), soit un record et 25.1 °C à Oloron (13°C au-dessus des normales de saison). Et ce n’est pas fini, car les prévisions annoncent une augmentation des températures pour le milieu de la semaine.
Ces premiers jours de février s’inscrivent dans la continuité d’un mois de janvier très doux sur la France (température moyenne de 2,2 °C au-dessus des normales à l’échelle du pays). « L’hiver en cours se positionne sur le podium des hivers les plus doux en France depuis 1900″, affirme Météo France.
-50°C et un mini-âge glaciaire pour bientôt ?
Par ailleurs, une partie de la presse rapporte aujourd’hui une étude datant de 2015 qui affirme que nous entrons dans un mini-âge glaciaire dû à l’hibernation temporaire du soleil. Ce qui pourrait nous plonger dans un froid durable et humide jusqu’en 2050.
« Je n’accorderais pas nécessairement trop de crédit aux interprétations sensationnalistes que la presse a fait de cette étude, commente Pascal Mormal. Si dans les faits, il est exact qu’un minimum solaire peut induire un tassement des températures, et que dans le passé, il a pu contribuer pour partie à des refroidissements importants des températures comme lors du petit âge glaciaire au XVIIe siècle. Il m’apparait difficile d’imaginer pour les prochaines années une situation similaire à celle par exemple du fameux minimum de Maunder de 1645 à 1715″.
Quant à l’évocation de températures de -50°C localement au Canada, elles ne présentent aucun caractère exceptionnel, dans cette partie du globe. « Faire le lien avec le minimum solaire me semble abusif », ajoute le météorologue.
« J’estime plutôt que le réchauffement climatique pourrait temporairement être quelque peu tempéré par ce minimum solaire , mais qu’il ne serait en rien arrêté », conclut-il.
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