Les Liégeois de Tecteo ont réussi un coup de maître en s’emparant du groupe L’Avenir. Leurs méthodes ne font pas dans la dentelle.
Le rachat à la hussarde des Editions de l’Avenir au groupe de presse flamand Corelio est emblématique de la manière dont Tecteo, le navire-amiral de cet empire protéiforme, est généralement piloté par Stéphane Moreau, loin des regards indiscrets : court-circuitages, entre soi, favoritisme… Devenu virtuellement patron de presse avec L’Avenir, Moreau est toujours en tractation avec le groupe IPM (La Libre Belgique, La Dernière heure) pour entrer dans le capital de celui-ci. La famille Le Hodey, patronne d’IPM, voudrait garder 51 % et Tecteo une minorité de blocage.
Son management audacieux menace les finances communales et provinciale, affectées par les pertes de Voo (300 millions depuis la reprise du câble wallon), qui n’en reste pas moins le deuxième plus gros annonceur dans les médias francophones. Autant d’argent que ne reçoivent pas les communes, y compris socialistes.
La Province de Liège possède 52 % des parts de l’intercommunale, le reste appartenant à 76 communes. La Province est gouvernée par le PS et le MR, tandis que l’alliance PS-CDH s’est perpétuée, contre toute attente, à la Ville de Liège. Entre ces trois partis traditionnels, c’est à qui tiendra l’autre. Le PS est évidemment dominant, mais il a besoin des autres et il en joue divinement.
Le député provincial André Gilles (Seraing), président du conseil d’administration de Tecteo, forme avec Stéphane Moreau, CEO de Tecteo Services SA et bourgmestre d’Ans, le vrai moteur de l’action. Gilles est capable d’obtenir l’adhésion des libéraux locaux aux projets de Tecteo en agitant la menace de les éjecter du futur nouveau gouvernement provincial (en 2014). Il utilise aussi, à l’égard du MR, les proximités maçonniques.
Tecteo s’attache enfin des soutiens ou des silences en distribuant des postes aux conjoints, fils, cousins, neveux, soeurs et belles-soeurs, etc., ou en les aiguillant vers la Province, où les postes à pourvoir ne manquent pas, notamment dans l’enseignement. La liste est longue et connue de tous. Tecteo est une véritable entreprise « familiale ». Ce système bafoue parfois le principe de compétence ou d’égalité des chances, mais c’est un moindre mal en vue de la réalisation des objectifs de l’intercommunale. Laquelle sait aussi se créer des obligés au niveau régional.
Peut-on décemment attendre du gouvernement wallon qu’il s’énerve contre Tecteo, pourtant réfractaire à ses normes, quand l’intercommunale Ecetia (bras financier des intercommunales liégeoises) vient de lui prêter les 200 millions d’euros qui serviront à différer la facture (mais avec de forts intérêts) de la « bulle photovoltaïque » ?
Par Marie-Cécile Royen
Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine
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