Les experts de l’UCLouvain vous répondent: « Trois pistes pour revivifier la démocratie »
Le chercheur Jehan Bottin propose le panachage lors du vote, le référendum révocatoire ou le tirage au sort au proprata des votes blancs et nuls pour augmenter l’impact des citoyens sur la politique.
Question d’un lecteur : « Si on pouvait modifier le monde d’après, comment exercer vraiment notre impact de citoyen (groupes de réflexion, refus de vote si candidats inadéquats…)? »
Réponse de Jehan Bottin, chercheur en sciences politiques à l’UCLouvain.
Dans une démocratie libérale comme la Belgique, le vote est perçu comme l’un des moyens les plus évidents pour les citoyens d’impacter les décisions publiques. Aujourd’hui pourtant, la démocratie représentative est sous tension et les citoyens se montrent de plus en plus critiques à l’égard de son fonctionnement, en attestent le vote croissant pour des partis protestataires ou le taux d’abstention dans un pays où le vote est pourtant obligatoire.
La science politique relève au moins trois pistes permettant de revivifier la démocratie représentative en octroyant aux citoyens un rôle accru dans son fonctionnement. Chacune de ces propositions contribue à impliquer d’avantage les citoyens dans le fonctionnement de la démocratie, à des degrés divers.
La première proposition est celle du panachage ; il s’agit d’une méthode de vote permettant aux électeurs de voter pour des candidats issus de listes différentes. Un tel vote serait aujourd’hui considéré comme invalide en Belgique. Ce mécanisme est utilisé dans d’autres pays européens comme le Luxembourg ou la Suisse. Selon les défenseurs d’un tel système, celui-ci permettrait d’accroitre le poids des électeurs dans le choix de leurs représentants.
La deuxième proposition est celle du référendum révocatoire, qui est un mécanisme permettant aux électeurs d’inviter les citoyens à se prononcer sur la révocation d’un élu. Un tel système existe dans certains États des États-Unis ou encore en Venezuela où il fut utilisé à l’encontre d’Hugo Chavez en 2004. En pratique, ces référendums sont plus fréquents au niveau local qu’à des niveaux de pouvoir supérieurs. Si un tel mécanisme ne permet toujours pas aux citoyens de participer directement au processus décisionnel, il leur permet de mieux contrôler l’activité de leurs élus et de les sanctionner lorsqu’ils en sont insatisfaits.
La troisième proposition est celle de prendre en compte les votes blancs et nuls lors des élections en tirant au sort des citoyens qui seraient directement amenés à exercer des responsabilités politiques au prorata du pourcentage que ces votes représentent parmi toutes les personnes qui ont pris part à l’élection. Cette troisième formule fait écho au développement de nombreux processus de démocratie délibérative et participative dont l’objectif est de partager le pouvoir en associant des citoyens lambda aux prises de décisions politiques. Ces processus permettent de répondre à plusieurs critiques effectuées aux représentants politiques et notamment celle de leur non-représentativité de la population ainsi que celle pointant la difficulté rencontrée par les élus à adopter une vision à long terme en conséquence des multiples scrutins successifs. Des expériences d’institutionnalisation de processus participatifs existent aujourd’hui en communauté germanophone et en région bruxelloise.
Bref, ces trois pistes concourent à revivifier les institutions représentatives en repensant le rôle des citoyens en démocratie. Elles suggèrent ainsi de les impliquer davantage soit en contrôlant mieux le choix de leurs élus, soit en se portant garant du bon travail mené par leurs représentants, ou encore en participant directement aux processus décisionnels.
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