« Les études de notaire sont les centres de photocopies les plus chers du pays »
Tout comme les prix de l’immobilier, les revenus des notaires grimpent en flèche. Les revenus mensuels de 50 000 à 100 000 euros ne sont pas exceptionnels. C’est bien plus que ce que gagne le Premier ministre.
« Cherchez la plus belle maison du village et vous saurez où habite le notaire. » C’est un vieil adage, mais ces dernières années, les revenus des notaires ont explosé. Pour certains, ils ont augmenté de dizaines de pour cent en cinq ans à peine. Nos confrères de Knack ont étudié les comptes annuels d’une quarantaine de notaires en Flandre, et ont regardé leurs bénéfices par an, après déduction de coûts de personnel pour leurs collaborateurs et après les amortissements, mais avant le paiement d’impôts. Il s’agit donc de montants bruts.
Les résultats sont sidérants. En 2016, un notaire gantois percevait un revenu de près de 1,5 million d’euros, soit 50% de plus que cinq ans auparavant. Un confrère de Knokke-Heist encaissait 1,9 million, ce qui lui fait un joli revenu mensuel de 160 000 euros.
Et il faut préciser que Knack n’a pas cherché les notaires aux revenus les plus élevés du pays. Le choix de quarante notaires a eu lieu de manière arbitraire. Il s’agit de notaires de différentes provinces flamandes qui sont actifs depuis au moins dix ans et qui ne sont généralement pas associés à un autre notaire. Il est donc fort possible qu’il y ait des notaires qui gagnent encore davantage.
Les notaires aux revenus les moins élevés de l’échantillon de Knack gagnent 60 000 à 70 000 euros brut par mois. Pour la plupart des Belges, c’est moins que leur salaire annuel. En notariat, les revenus de plus de 100 000 euros par mois ne sont pas exceptionnels.
En outre, les notaires, tout comme d’autres indépendants, bénéficient de l’avantage fiscal de pouvoir mettre les bénéfices de leur étude pendant trois ans dans la SPRL ou l’association de notaires avant de les distribuer comme dividendes sur lesquels il ne faut payer que 15% de précompte mobilier.
Knack a contacté dix notaires d’une sélection de quarante, mais aucun d’eux n’est prêt à commenter son compte annuel. Ils renvoient tous vers Erik Van Tricht, président de la Fédération Royale du Notariat belge. Ce dernier admet que les notaires gagnent bien leur vie. « J’ai rencontré peu de notaires pauvres. Pourtant, je pense que les revenus que vous mentionnez sont plutôt exceptionnels. Il y a quelques années, une étude de la Fédération des Professions Libérales et Intellectuelles révélait qu’en Belgique un notaire gagne 16 000 euros bruts par mois en moyenne, et il doit travailler dur pour gagner ça. Je compare les notaires aux CEO d’une petite PME, et je ne compte pas les CEO qui gagnent beaucoup plus que les notaires. Je sais que certaines personnes se plaignent de notaires coûteux, mais la plupart ne savent pas que la plus grande partie desdits frais de notaires sont les droits d’enregistrement que le notaire doit transférer à l’État. »
Le notaire belge n’est pas si cher, estime Van Tricht. « Aux Pays-Bas, les honoraires sont généralement un peu moins chers, mais là-bas le système est différent. Quand il était ministre, Emmanuel Macron a adopté une nouvelle loi sur les professions réglementées en France. La conséquence, c’est que les honoraires pour les maisons bon marché ont baissé, mais qu’ils ont augmenté pour la plus grande partie de l’immobilier. »
Seuils communautaires
Inutile de dire que les notaires ne sont guère enthousiastes à l’idée de revoir les barèmes tarifaires. D’après Erik Van Tricht, ils sont difficiles à corriger. « Nous les avons déjà étudiés, et nous nous sommes heurtés aux seuils communautaires. Les coûts de l’immobilier diffèrent fort d’une région à l’autre, et donc aussi les revenus de notaires. Si nous baissons les tarifs pour l’immobilier, nos collègues wallons gagneront encore moins. En outre, les indemnités relativement élevées pour les transactions immobilières permettent aux notaires d’utiliser des tarifs sociaux pour les testaments par exemple. »
Il n’est pas simple, encore moins objectif, de comparer les revenus de différentes catégories professionnelles entre elles. Pourtant, il est frappant qu’un notaire moyen gagne nettement plus que le Premier ministre Charles Michel par exemple (229 000 euros brut par an). En Belgique, un haut fonctionnaire qui dirige un grand ministère gagne jusqu’à 190 000 euros brut par an. Ces personnes dirigent des milliers de fonctionnaires, alors qu’une étude de notaire moyenne compte cinq ou six collaborateurs. Sophie Dutordoir, CEO de la SNCB, et patronne d’environ 40 000 membres de personnel, se contente de 290 000 euros. Résumé brutalement, cela signifie que « notre » notaire de la côte gagne en deux mois le salaire annuel de la patronne de ce qu’on appelle l’entreprise la plus complexe de Belgique.
Freya Van den Bossche (sp.a) trouve ces revenus absurdes. « Que fait un notaire ? Il demande des documents à l’état pour dresser un acte notarié, y un appose un cachet d’authenticité, et renvoie le document à l’état. Ce n’est pas du tout un travail compliqué. Les études de notaire sont devenues les relais ou les centres de photocopies les plus chers du pays. »
Le ministre de la Justice Koen Geens a demandé à une série d’experts de moderniser la profession de notaire. Il s’attend à une proposition concrète en avril.
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