Anne-Sophie Bailly

Les étoiles syndicales (édito)

Anne-Sophie Bailly Rédactrice en chef

Les syndicats annoncent une journée d’actions et de grève nationale pour le lundi 29 mars. Parier sur un maintien des gains engrangés, c’est prendre le risque de préparer les plans de restructuration futurs. L’édito d’Anne-Sophie Bailly, rédactrice en chef du Vif.

Depuis l’installation de la Vivaldi à la tête de la Belgique, on ne les avait pas entendus. Ou si peu. On se disait que soutenir leurs affiliés confrontés au chômage corona ou à une perte d’emploi monopolisait toute leur énergie. Ou qu’une sorte de paix des braves s’était installée devant l’urgence qu’il y a à gérer une crise sanitaire, sociale et économique sans précédent.

Si paix il y avait, elle aura été de courte durée. Moins de six mois après la prestation de serment de l’équipe gouvernementale d’ Alexander De Croo, les syndicats annoncent une journée d’actions et de grève nationale pour le lundi 29 mars. L’ objet de leur courroux? La marge salariale qui limite à 0,4% la possibilité d’augmentation des salaires (en dehors, il faut le préciser, de l’indexation automatique).

Beaucoup trop peu pour les représentants des travailleurs, alors que, déclarent-ils, « certains secteurs ont bien profité » de la crise. En effet, c’est le cas notamment de la grande distribution ou de l’e-commerce vers lesquels les ménages se sont tournés massivement. Et dont l’activité, le chiffre d’affaires, le bénéfice se sont envolés ces derniers mois. Seulement, qui peut aujourd’hui dire ce que sera le comportement du consommateur demain? Consacrera-t-il toujours une part aussi importante de son budget à remplir son caddie, à commander en ligne? Ou orientera-t-il ses dépenses vers davantage de loisirs ou de voyages? Aucun oracle ne peut le prédire. Et parier sur un maintien des gains engrangés, c’est prendre le risque de préparer les plans de restructuration futurs. C’est oublier un peu vite qu’en 2014, Delhaize licenciait 2 500 travailleurs, Carrefour plus de 1 000 en 2018, Match 210 en 2019, tous sur l’autel du désamour du client.

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Et là encore, on ne parle que des gagnants de la crise. C’est également vers toutes ces entreprises qui sont au bord de la faillite, celles qui ont demandé un moratoire sur leurs emprunts ou un report du paiement de cotisations sociales, celles qui survivent grâce aux aides accordées par les différents gouvernements que sont ciblées les revendications des syndicats.

Le décalage entre l’exigence syndicale et la réalité semble tellement béant que leur motivation ne peut être que d’un autre ordre. Demander la lune et espérer décrocher une étoile. Une prime sectorielle, une participation aux bénéfices, un jour de congé supplémentaire. En passant alors par la case circulaire car la fameuse loi de 1996, qui encadre les négociations salariales et qui a été confirmée dans l’accord de gouvernement, ne le permet pas. Quitte à poser une bombe au sein d’un gouvernement d’emblée tiraillé sur la question.

A moins que la motivation syndicale ne soit plus tacticienne encore. Demander la lune et espérer redorer son étoile. En réinvestissant un champ de bataille délaissé par les représentants des travailleurs et occupé par le patronat.

Pathétique.

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