Les écologistes embarrassés par les armes pour l’Arabie saoudite
Avec Ecolo au gouvernement, la Wallonie allait exercer une surveillance plus stricte sur l’exportation d’armes, mais pour l’instant, les livraisons vers l’Arabie Saoudite continuent. L’impuissance d’Ecolo déteint aussi sur Groen.
La décision wallonne de continuer à fournir des armes à l’Arabie saoudite est difficile à avaler pour les partis écologistes. Le ministre-président wallon Elio Di Rupo a annoncé avant-hier dans L’Echo que la Wallonie n’approvisionnerait plus l’armée de l’air saoudienne, mais ne voit pour l’instant aucun problème à approvisionner la Garde royale et nationale. Ces unités, selon Di Rupo, ne sont pas actives au Yémen et ne participent donc pas aux violations des droits de l’homme. Cependant, l’étude #BelgianArms de l’année dernière, réalisée par Knack, Le Soir et la VRT, révélait que la Garde nationale est bel et bien active dans le conflit yéménite.
Pour Ecolo, qui fait partie du gouvernement wallon depuis septembre 2019, cette annonce est particulièrement désagréable. Lors des négociations, Ecolo a fait de la politique d’armement plus stricte une priorité pour le gouvernement wallon actuel. Lorsque le nouveau gouvernement a pris ses fonctions, les trois partis se sont fermement engagés à ne pas autoriser les livraisons d’armes à des pays au bilan douteux en matière de droits de l’homme.
Dans une réponse officielle, le vice-ministre-président wallon Philippe Henry (Ecolo) indique l’importance du « respect des droits de l’homme » dans l’octroi des licences d’armes. « À très court terme, c’est-à-dire dans les mois à venir, le gouvernement promet de ne plus accorder de licences d’armes pour de nouveaux contrats s’il y a un risque que ces conditions ne soient pas remplies, comme c’est le cas en Arabie saoudite. »
Henry place ses espoirs dans la commission consultative qui octroie les licences d’exportation d’armes, dont le gouvernement examine actuellement la composition et le fonctionnement. Cette commission doit faire une analyse basée sur des critères éthiques, géostratégiques et économiques. Henry souligne également que le gouvernement wallon veut diversifier à la fois la production et les destinations et « aider à moderniser le secteur vers les produits du futur, comme la pile à combustible à hydrogène ». À la question de savoir si Ecolo a un problème de principe avec les livraisons d’armes à l’Arabie Saoudite, le parti, par le biais de son porte-parole national, ne souhaite pas faire de commentaires.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le fait que le gouvernement wallon approuve toujours les licences d’armes destinées aux belligérants dans le conflit le plus sanglant du monde contredit les objectifs nobles fixés par les partis majoritaires wallons lors de l’entrée en fonctions du gouvernement. Après l’horrible assassinat du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, le ministre-président de l’époque, Willy Borsus (MR), a décidé en octobre 2018 de ne prendre aucune décision concernant de nouvelles licences pour le moment. Entre-temps, le gouvernement wallon a abandonné cette réticence.
Groen, avec qui Ecolo forme un groupe dans l’hémicycle, est également embarrassé par cette question. Jeremie Vaneeckhout, qui suit le commerce des armes au Parlement flamand, réagit avec stupéfaction à la décision du gouvernement wallon de continuer à exporter des armes à la Garde royale et nationale. Il souligne qu’en Wallonie aussi, « les failles doivent être comblées ». Wouter De Vriendt, qui suit les relations extérieures et du commerce des armes pour Groen à la Chambre, souligne les ambitions du gouvernement wallon. « L’accord de coalition wallon est particulièrement ambitieux dans la poursuite d’une politique d’armement plus stricte, et ce grâce à Ecolo. » De Vriendt fait également référence au comité consultatif qui sera réformé dans les mois à venir. « Nous sommes actuellement dans une phase de transition », déclare De Vriendt.
Pour le Parti socialiste, cette situation n’est pas inconfortable. Si la décision de continuer à exporter vers l’Arabie Saoudite n’est pas contestée, il aura servi ses partisans syndicaux. Le syndicat socialiste FGTB est un grand partisan d’une politique d’exportation flexible, car le secteur de l’armement en Wallonie fournit beaucoup d’emplois. Si la décision est contestée politiquement, il est clair que le PS a mis Ecolo dans l’embarras. De plus, Ecolo n’est mathématiquement pas nécessaire pour une majorité. En théorie, Di Rupo peut donc parfaitement continuer à gouverner sans Ecolo.
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