Les bienfaits d’un alcolock : « Je ne suis plus un danger sur la route »
Les juges imposent de plus en plus souvent un éthylotest antidémarrage, aussi connu sous le nom d’alcolock, aux personnes prises à conduire sous influence de l’alcool. Selon une estimation de l’Institut Vias, d’ici fin 2019, il y aura environ 500 conducteurs dotés d’une telle installation en Belgique. Nous avons trouvé deux personnes qui voulaient témoigner. Elles souhaitent cependant rester anonymes, parce que le tabou reste grand.
Depuis le 1er juillet 2018, l’alcolock est imposé beaucoup plus régulièrement par les juges, explique Stef Willems de l’institut Vias. Ainsi, les conducteurs qui sont pris deux fois en trois ans avec au moins 1,2 gramme d’alcool par litre de sang n’y couperont pas. Les conducteurs qui se font prendre une fois avec 1,8 gramme devraient aussi se voir contraints d’installer une telle installation, bien que le juge puisse faire preuve de clémence si l’affaire est bien argumentée par la défense. Bien entendu, les juges peuvent aussi l’imposer dans d’autres circonstances. Néanmoins, le fait que l’ex-président du Parlement flamand Kris Van Dijck (N-VA) n’ait pas eu d’alcolock début septembre, alors qu’il avait causé un accident avec 1,42 gramme d’alcool dans le sang, a provoqué de nombreuses aigreurs, notamment parmi nos témoins.
« La frustration est d’ailleurs un sentiment qui revient souvent chez les conducteurs qui ont écopé d’un tel éthylotest », dit Willems. Ils sont également tenus de suivre un programme auprès de Vias. C’est un élément important de la peine, car cela permet de briser la résistance initiale devant ce genre d’installation. « Si nous expliquons le pourquoi et quels sont ses avantages – par exemple, le fait que l’on puisse quand même utiliser son véhicule pour se rendre au travail ainsi que la certitude qu’on ne conduira plus en état d’ébriété- cela débouche généralement sur une plus grande compréhension.
Un autre point qui fait l’objet de critiques est son prix relativement élevé. Si vous devez conduire avec un tel éthylotest de démarrage pendant un an, cela vous coûtera plus de 4000 euros. « C’est une sacrée somme, mais il faut aussi tenir compte des conséquences possibles de l’absence d’alcolock », dit Willems. « Que vaut une vie humaine ? De plus, grâce à ce système vous pouvez toujours aller travailler ce qui vous permet d’assurer vos revenus. Enfin, à partir de 2022, de nouvelles lois européennes font que chaque nouvelle voiture devra être équipée d’une sorte de prise universelle qui rendra l’alcolock beaucoup plus facile et probablement moins cher à installer ».
COLETTE (62)
J’ai toujours été une buveuse sociale, mais je connaissais mes limites. Enfin, jusqu’à ce que je me fasse poser un bypass en 2012 (une réduction de l’estomac dans laquelle le tube digestif est redirigé, NDLR). Soudain, il m’a été impossible de m’arrêter après deux verres. Je suis devenue alcoolique. En quelques années, j’ai eu trois accidents. Deux d’entre eux ont eu lieu lorsque je revenais de mon bar préféré qui est à seulement cinq kilomètres de chez moi. C’est à ce moment-là que j’ai compris que j’avais besoin d’aide. Je suis allé aux alcooliques anonymes et cela a été mon salut. Quand j’ai dû comparaître devant la cour pour la troisième fois, j’ai de ma propre initiative, et à leur stupéfaction, proposé un alcolock … ».
Au début, il m’a fallu du temps pour m’y habituer. Tout le monde pense qu’il suffit de souffler une fois pour démarrer. Et que du coup on peut tricher en demandant à quelqu’un de souffler à notre place. Mais en réalité, il faut souffler plusieurs fois, et de façon aléatoire, en cours de route. Je vais régulièrement à la mer et sur le trajet je dois souffler cinq ou six fois. Le « soufflage » en lui-même demande un peu de pratique : il faut souffler fort et cela demande de vite reprendre son souffle par la suite. Si vous vous trouvez sur le parking du supermarché et que vous voulez rentrer rapidement à la maison, il n’est pas rare que l’appareil se rebiffe et que cela prenne du temps. Mais, depuis le temps, j’ai l’habitude. Même si ma peine prend fin dans deux ans, je ne vais pas faire désinstaller l’éthylotest. Je ne veux plus jamais conduire en état d’ivresse.
Financièrement, c’est un sérieux contrecoup, mais grâce à un étalement des frais c’est tout de même possible. Je considère qu’il s’agit d’un investissement nécessaire. En cas d’accident, les coûts aussi s’accumulent, sans parler des possibles victimes. Je ne veux certainement pas tomber dans un apitoiement malvenu. En ce qui me concerne, chaque voiture devrait avoir un éthylotest. Les gens paient déjà des fortunes pour des options inutiles, alors que celle-ci n’est même pas proposée. Ce serait un puissant message à tous ceux qui ont perdu un proche à cause d’un conducteur ivre. Dans le passé, on avait l’habitude de ne pas porter de ceinture de sécurité. Alors pourquoi ne pourrait-on pas souffler avant de démarrer ? Cela donne un vrai sentiment de sécurité.
HELENA (34)
En 2017, j’ai dû comparaître devant la cour parce que j’ai été arrêté en état d’ivresse au volant pour la quatrième fois. Mon avocat m’a appelé la veille de l’audience pour me suggérer l’idée de plaider pour l’installation d’un éthylotest. Il pensait que ce ne serait que pour un an, que le coût ne serait pas trop élevé et que du coup cela me permettrait d’échapper à une interdiction de conduire. Cela a été une erreur d’appréciation puisqu’on m’a imposé une interdiction de conduire de trois mois, un éthylotest de démarrage pour trois ans, une amende et j’ai dû repasser mon permis. Aujourd’hui, je suis cependant contente de l’alcolock. Je ne suis plus un danger sur la route et je n’ai plus à avoir peur de faire de nouveaux accidents.
Au début, il m’arrivait encore de boire. Un matin, j’ai même eu quelques soucis. La veille, j’avais un peu trop fait la fête et mon taux d’alcool était encore trop élevé. J’ai dû appeler mon employeur pour lui dire que ma voiture ne démarrerait pas, ce qui n’était même pas un mensonge. Il y a cinq mois, j’ai cependant eu un déclic et, depuis, je ne bois plus une goutte.
Mes proches le savent et me soutiennent. Mais cela reste gênant. Par exemple, si vous voulez quitter un parking et qu’un autre conducteur doit attendre longtemps, car vous devez d’abord souffler avant de pouvoir démarrer. Cela reste un tabou. De plus, il y a de nombreux inconvénients purement pratiques. Par exemple lorsque ma voiture est tombée en panne, j’ai dû acheter rapidement une voiture d’occasion parce que je ne pouvais pas emprunter une autre voiture. De plus, placer l’éthylotest dans cette nouvelle voiture a coûté très cher. Le programme de suivi est obligatoire et coûteux, mais il est également décevant : en réalité, je suis à peine suivie. Heureusement, je vais voir de ma propre initiative un psychologue, mais pour beaucoup d’autres cela ne sera pas le cas. La pression financière reste cependant le point le plus douloureux. Beaucoup de gens n’ont pas les moyens de se payer une telle installation et optent du coup pour une interdiction de conduire. Mais s’y tiennent-ils ? Le seul moyen d’éviter tous ces accidents mortels est d’obliger l’alcolock dans chaque voiture.
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