Carte blanche
L’écologie politique est féministe, et fondamentalement anti-réactionnaire
Quand la liberté de gérer son corps est impossible au nom de l’intérêt supérieur de la race humaine, on sait que les femmes ou les personnes ayant un utérus n’ont toujours pas obtenu le droit d’exister juste pour elles-mêmes.
Depuis quelques jours, le débat autour de l’IVG a refait surface dans l’espace politico-médiatique, faisant ressurgir des positions réactionnaires. En plus de mettre en danger l’autonomie des personnes pouvant être enceintes, celles-ci récupèrent le concept d’écologie pour le tordre et le faire rentrer dans un cadre idéologique conservateur.
Faire appel à la vulnérabilité de « la femme » pour défendre une limitation de son droit à disposer d’elle-même n’est rien d’autre que du paternalisme teinté de misogynie. Chez écolo j, nous affirmons que l’écologie politique est un projet d’émancipation et de fin des rapports de domination, y compris patriarcaux. Ainsi, en tant que jeunes écologistes, nous considérons que nul n’est mieux placé que les personnes concernées pour décider de ce qui est bien pour elles.
Nous lisons dans une récente carte blanche une dangereuse essentialisation des femmes puisque d’aucuns estiment que certains attributs sont considérés comme étant « naturels » aux femmes : leur vulnérabilité et leur maternité obligatoire, par exemple. Cette naturalisation des femmes, qui justifie les rapports de domination du système patriarcal, maintient celles-ci dans une position de subalterne et permet le contrôle de leur corps.
Les écoféministes (dont nous partageons l’analyse) y voient un lien avec la façon dont les sociétés patriarcales se sont approprié la nature. En effet, nos sociétés de consommation capitalistes fondées, notamment, sur l’extraction fossile présupposent l’exploitation et in fine la destruction des ressources. Ces deux combats, pour le respect des écosystèmes et pour l’autonomie des femmes sur leur corps, sont dès lors interdépendants et les mener parallèlement fait de notre vision de l’écologie politique un projet cohérent.
Nous sommes d’accord sur le principe de l’argument de la défense du vivant, mais certainement pas sur les conclusions. En effet, en tant que jeunes écologistes, nous défendons bien sûr la vie : celle des femmes déjà lancées dans le monde, qui ont une vie, une histoire, des projets. Une vie qui ne mérite pas d’être écrasée pour satisfaire les croyances de quelques-un.e.s, dont de jeunes missionnaires issus d’une classe sociale privilégiée, et/ou pour asseoir leur contrôle sur cette vie.
Par ailleurs, l’écologie politique que nous voulons incarner défend la justice sociale et les conditions nécessaires matérielles et immatérielles à une vie digne et épanouissante pour tou.te.s. Or, la charge mentale et financière de la contraception repose encore massivement sur les femmes et fait ainsi partie intégrale de leur vie sexuelle. Enfin, de nombreuses personnes se retrouvent aujourd’hui dans une situation de précarité matérielle, et parfois sociale, qui rend une situation de grossesse dangereuse pour la dignité et les conditions de vie de la mère et de l’enfant qui aurait pu en découler. En effet, la législation n’est encore aujourd’hui que trop faible pour assurer aux personnes pouvant être enceintes que le choix d’avoir un enfant n’aura pas un impact sur leur vie professionnelle, mentale et domestique ; impact qui les placerait de fait dans une situation de plus grande inégalité.
De plus, le poids social que l’impératif de la maternité fait peser sur elle la présente comme une condition sine qua non pour que « la femme » se réalise pleinement. C’est une des raisons pour lesquelles l’avortement peut être tant réprouvé culturellement.
Les personnes assignées au groupe social des femmes ne sont donc pas réellement libres, ni matériellement ni immatériellement, de choisir leur parcours de vie.
Etre une mère est très belle chose, ne pas l’être aussi. Aucune de ces deux positions ne devrait être une injonction morale.
Laisser la liberté aux femmes de disposer de leur corps n’est pas une menace, elle est l’opportunité de permettre à chacune d’avoir le choix de son épanouissement. La possibilité d’avorter n’est pas et n’a jamais été l’obligation d’avorter. Elle offre uniquement le choix à chaque personne disposant d’un utérus d’être maitresse de celui-ci, c’est-à-dire de ne pas devenir parent contre son gré.
écolo j appelle donc à la dépénalisation totale de l’IVG, pour les concerné.e.s, comme pour les médecins la pratiquant. Nous plaidons également, comme Ecolo, pour l’ajout de raisons d’ordre psycho-sociales, en plus des raisons médicales, pouvant justifier une interruption dépassant de quelques jours le délai légal. Nous pensons aussi que l’augmentation du délai légal de 12 à 18 semaines va dans le bon sens, mais pourrait aller plus loin.
Nous voulons simplement que chaque enfant puisse être accueilli au sein d’une famille (quelle qu’en soit la forme) l’ayant choisi, voulu et étant prête à lui offrir une existence émancipatrice. Notre vision de l’écologie rencontre là l’exigence sociale, car nous portons dans notre projet politique : une société dépourvue de rapports de domination, ne permettant ainsi plus aux privilégié.e.s d’imposer leur agenda et leur vision de la « Vie », faisant dès lors de la révolution écologique un projet profondément progressiste.
Le Selflove gang – Groupe de travail féministe d’écolo j
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