Carl Devos
Le tax shift, crash test de la suédoise
La réussite du contrôle budgétaire, avant les vacances de Pâques, est très bien tombée pour le gouvernement Michel. L’opération, que l’on annonçait très ardue y compris dans les rangs de la majorité fédérale, s’est révélée somme toute aisée. Le contrôle budgétaire a même été du pain bénit : en termes de contenu, mais surtout sur le plan politique.
Au niveau du contenu, parce que le budget est resté sur les rails sans affecter les citoyens, en dépit de toutes les prévisions pessimistes. Il faut dire aussi que l’équipe Michel a bénéficié d’une série d’éléments qui lui ont simplifié la tâche. Mais ce qui importe surtout, c’est le résultat politique : le travail a été bouclé beaucoup plus rapidement que prévu, avec discrétion et dans la sérénité. Le fait que la mission ait été relativement facile n’y change rien : il est déjà arrivé que ce gouvernement se crée des problèmes dans des dossiers où tout le monde était d’accord.
Le contrôle budgétaire a donc renforcé les relations internes ainsi que le leadership de Charles Michel, dont chacun a loué le mode opératoire. Le Premier ministre est devenu un peu plus chef de gouvernement. Cela devrait lui servir au cours des semaines à venir, lorsque la cohésion de son équipe et son image de gouvernement réformateur seront réellement mises à l’épreuve. Une mission bien plus ambitieuse que le contrôle budgétaire. Les négociations sur le tax shift (l’allégement de la fiscalité sur le travail et le déplacement vers d’autres formes de fiscalité), qui débuteront après les vacances de Pâques, ont été préparées en coulisse depuis des mois, en toute sérénité. Elles devront déboucher sur un grand accord avant les vacances d’été.
Le gouvernement a déjà entrepris des actions dans le cadre du tax shift. Mais il ne s’agissait que d’interventions budgétaires régulières. On est loin de la grande réforme fiscale promise avant les élections de mai 2014, qui prévoyait un nouveau pacte fiscal pour réformer fondamentalement le « ramassis » actuel. De plus, les décisions déjà prises dans le cadre du tax shift ne suffisent pas à restaurer le sentiment d’équité entre les contribuables. Actuellement, les citoyens ordinaires pensent toujours qu’ils doivent supporter la plus grande partie de la charge d’assainissement et de crise.
Il était apparu que la « fairness tax » – par laquelle les multinationales qui ne paient guère d’impôts dans notre pays allaient tout de même contribuer un peu à la fiscalité belge – a rapporté moins de la moitié de ce qui était prévu. Selon l’Inspection des Finances, la taxe dite de transparence (ou taxe Caïmans) sur les capitaux cachés dans des constructions juridiques à l’étranger rapportera sensiblement moins que ne l’avait d’abord donné à entendre le ministre des Finances. Mais il ne va pas être facile non plus d’impliquer le capital intérieur dans une fiscalité plus équitable. Si les intercommunales doivent payer l’impôt des sociétés, les gestionnaires du réseau de distribution répercuteront aussitôt la charge sur le consommateur. Par ailleurs, un impôt sur la plus-value sur actions sera difficile à instaurer si les moins-values ne sont pas aussi prises en compte et si la taxe sur les opérations boursières passe à la trappe.
Le tax shift représente donc bien le test ultime pour le gouvernement Michel. L’objectif fiscal est triple : une simplification drastique, un glissement de l’impact et une réduction de la charge. Si cette équipe veut entrer dans l’Histoire comme un gouvernement réformateur, c’est maintenant qu’elle doit montrer de quel bois elle se chauffe.
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