Joyce Azar
Le « patriotisme » flamand est en marche
« Je ressens de la sympathie pour son esprit combatif. » Par ces mots, le politologue de la VUB Jonathan Holslag justifiait sa décision de signer la préface du livre du président du Vlaams Belang, intitulé Notre avenir en main. Insurrection contre les élites. Cordon sanitaire médiatique oblige, la parution de l’ouvrage de Tom Van Grieken est passée inaperçue côté francophone.
En Flandre, le jeune homme de 30 ans aux allures de dandy a suscité l’intérêt. Beaucoup se sont toutefois étonnés de voir un universitaire progressiste de renommée rédiger l’avant-propos d’un recueil d’extrême droite. Pourtant, cette contribution illustre bien l’attractivité croissante du discours antisystème. Un discours séducteur que Tom Van Grieken compte utiliser pour donner un second souffle à son parti, et faire oublier le passé dérangeant du Vlaams Belang.
Rien de tel, pour ce faire, que de s’inspirer de la retentissante Marine Le Pen. Objectif premier : supprimer l’étiquette populiste pour mieux afficher son » patriotisme « . A la tête de son parti depuis bientôt trois ans, Tom Van Grieken mise sur des sujets qui touchent : pension, chômage, pouvoir d’achat et protectionnisme. Sans surprise, l’islam et l’immigration demeurent dominants, le patron du VB ayant été jusqu’à proposer une sécurité sociale à part pour les migrants. Mais désormais, il nuance : » Nous nous battons contre le système, pas contre des gens. » Au nord du pays, où la gauche radicale est loin d’engranger le même succès qu’au sud, Tom Van Grieken a compris qu’une place était à prendre : celle du dégagisme, qui ébranle aujourd’hui les structures politiques de nos sociétés occidentales.
u0022Seul un Flamand sur trois est encore favorable au cordon politique autour du Vlaams Belangu0022
Sur ce terrain, aucun parti flamand n’est réellement en mesure de le concurrencer. Pas même celui de Bart De Wever, engagé dans une politique libérale au sein du gouvernement Michel, et récemment entaché par l’affaire Bracke. En dénonçant les » magouilles financières » des élus N-VA, le Vlaams Belang espère récupérer son électorat, siphonné ces dix dernières années par les nationalistes flamands. L’inversion de la tendance semble enclenchée, les derniers sondages annonçant une légère progression de l’ancien Blok, et un recul de la N-VA. Fort de l’exemple français, Tom Van Grieken y croit : » Sarkozy avait pour mission de résorber le succès du Front national. Mais sa victoire a été limitée dans le temps. Le Vlaams Belang espère que la N-VA vivra le même scénario. » Pour mettre toutes les chances de son côté, le parti d’extrême droite mise sur un patriotisme flamand capable de séduire les électeurs mécontents, les travailleurs négligés, les eurosceptiques et, bien sûr, les flamingants en mal d’autonomie depuis l’arrivée de la N-VA au fédéral.
Pour accéder à son tour au pouvoir, un obstacle demeure : le cordon sanitaire. Mais Tom Van Grieken se réjouit : le verrou autour des idées du Vlaams Belang a, lui, déjà sauté. A ses yeux, la normalisation de certains discours constitue une première victoire, obtenue grâce à Theo Francken (N-VA), Gwendolyn Rutten (Open VLD) ou Pieter De Crem (CD&V), » qui ont rendu les idées du Vlaams Belang mainstream « . Quant au cordon politique, il ne tient plus qu’à un fil : d’après un récent sondage, seul un Flamand sur trois y est encore favorable. Lors des élections communales de 2018, il pourrait bien se rompre. Le leader de l’extrême droite est confiant. Dans certaines petites villes, la N-VA, à court de siège, pourrait être tentée de coaliser. La boîte de Pandore serait dès lors ouverte, pour de bon.
(1) Toekomst in eigen handen. Opstand tegen de elites, par Tom Van Grieken, éd. UVP, 352 p.
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