Carte blanche

Le parcours de l’épidémie et ses dégâts ont été inscrits, dès le départ, dans les choix et les décisions politiques

Fin octobre 2019, sortait un gros rapport international, assez classique, élaboré par un imposant panel d’experts internationaux, soutenu par la réputée John Hopkins University, épaulé par The Economist et financé par la Bill and Melinda Gates foundation.

Ce rapport, reçu un bon écho dans le monde anglo-saxon et en Asie, mais peu ailleurs et aucun en Belgique. Un de plus pourrait-on dire et il est vrai que ce type de document encombre souvent les bibliothèques avant que l’on ne s’en débarrasse. Mais celui-ci a ceci de particulier qu’il traite de la qualité de la préparation aux épidémies des différents pays du monde et qu’il est rendu public deux mois avant le début de la pandémie à SRAS-CoV-2. Le « Global Health Security Index » 2019.

De quoi attiser l’intérêt, maintenant que le gros de la crise est derrière nous : y a-t-il une relation claire entre l’état de préparation des pays et leurs performances en situation réelle. ?

Et c’est là que survient la très grosse surprise : pas du tout. Des pays réputés les meilleurs pour pouvoir affronter une crise sanitaire vont témoigner d’une gestion chaotique et des mauvais résultats vont s’ensuivre; d’autres, moins bien « préparés » s’en sortiront plutôt bien avec des résultats plus satisfaisant : beaucoup moins de morts.

De quoi attiser l’intérêt, maintenant que le gros de la crise est derrière nous : y a-t-il une relation claire entre l’état de préparation des pays et leurs performances en situation réelle. ?

Et c’est là que survient la très grosse surprise : pas du tout. Des pays réputés les meilleurs pour pouvoir affronter une crise sanitaire vont témoigner d’une gestion chaotique et des mauvais résultats vont s’ensuivre; d’autres, moins bien « préparés » s’en sortiront plutôt bien avec des résultats plus satisfaisant : beaucoup moins de morts.

Le tableau ci-dessous montre au premier regard que les résultats se suivent pas régulièrement les attentes :

En bleu le degré de préparation des pays pour un maximum de 100 ; en rouge le nombre de décès pour 100.000 habitants. Les chiffres du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la France, de l'Espagne et de l'Italie comprennent la surmortalité.
En bleu le degré de préparation des pays pour un maximum de 100 ; en rouge le nombre de décès pour 100.000 habitants. Les chiffres du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la France, de l’Espagne et de l’Italie comprennent la surmortalité.© D.R.

Il n’est pas question ici de rentrer dans le détail des analyses qui ne manqueront pas d’être tirées, mais de pointer un fait pour le moins étrange : les quatre pays les mieux classés en théorie pour leur aptitude à gérer une crise sanitaire n’ont pas particulièrement bien brillé. Faut-il en chercher la raison dans un défaut technique du rapport. Je ne crois pas. La raison est sans doute beaucoup plus évidente. On peut posséder la meilleure voiture qui puisse exister, équipées des dernières innovations … et mal la conduire. Les Etats-Unis possèdent les meilleures universités en matière de santé publique et d’épidémiologie, des ressources financières et logistiques importantes, mais leur Gouvernement et surtout leur Président ont largement brouillé les possibilités d’une réponse ordonnée. Il en a été de même pour l’Angleterre, qui de plus, avait dès le départ misé sur un mauvais choix idéologique : l’immunité collective. Ce fut aussi le cas des Pays-Bas qui, heureusement, changea de cap. Et celui de la Suède qui persiste dans son idée – pour le moment – avec des résultats négatifs sans commune mesure avec ceux plus positif de sa voisine, la Norvège.

L’Allemagne, par contre, n’était pas particulièrement bien notée, comme l’Autriche, le Danemark, la Pologne, le Luxembourg et beaucoup d’autre pays, mais leur conduite force l’admiration.

On en arrive à cette conclusion : le parcours de l’épidémie et les dégâts qu’elle a pu causés ont été inscrits dès le départ dans les choix et les décisions politiques. Certains gouvernements sont parvenus à mettre de côté des intérêts politiques partisans et ont pris des décisions de bon sens dans l’intérêt du pays et d’autres n’y sont pas parvenus. Le succès ne dépendait pas entièrement d’une technologie de crise avancée mais d’une qualité de posture politique.

Et la Belgique dans tout cela ?

Dans ce rapport, la Belgique a une appréciation générale moyenne. Elle se classe 19e. Mais lorsqu’on va dans le détail, on s’aperçoit que cette moyenne masque des écarts entre des points forts (capacité hospitalière, vaccination, environnement de paix …) et des points nettement plus faible. Ainsi, sous la rubrique « Rapidité de réponse et atténuation de la diffusion d’un problème épidémique »,- qui correspond exactement à ce qui aurait du se passer avec l’arrivée de la COVID-19 – la Belgique se situe au 53e rang, ex-æquo avec la République Dominicaine et le Surinam. Cette mauvaise note elle-même est due à un 0 sur 100 pour « Préparation à l’urgence et à la planification des réponses [1] » et un 33/100 en « Exercice des plans d’intervention ». Un 0/100 aussi en « Communication des risques [2] », un outil essentiel de la lutte contre une épidémie.

En fait, tout ces éléments étaient parfaitement connu et ont fait l’objet de discussions et d’échanges de courriers entre les services de santé belges et le secrétariat du rapport – il serait instructif d’y avoir accès.

La Belgique le savait : elle n’était pas prête sur le plan opérationnel et la COVID-19 l’a démontré cruellement. Et malheureusement, il n’y eut pas l’impulsion politique adéquate quand tout était encore possible.

Philippe Laurent, ancien directeur de la Croix Rouge et de MSF.

[1] Déficiences que viennent de pointer les Académies Royales de Belgique

[2] La communication des risques en situation d’urgence est reconnue comme une composante essentielle de la préparation aux urgences de santé publique et de la réponse face à celles-ci. Voir OMS https://www.who.int/risk-communication/PIP_brochure_A4_FR_lo.pdf?ua=1

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