Claude Demelenne

Le MR en voie de disparition

Claude Demelenne essayiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la gauche

Les libéraux ne vont évidemment pas être rayés du paysage politique. Mais ils doivent revoir de fond en comble le positionnement de leur parti. Sous peine de sombrer, y compris dans leurs bastions bruxellois.

Le départ d’Alain Destexhe du MR a braqué les projecteurs sur la grave crise que traverse ce parti. Les élections communales ont été calamiteuses. La gestion de l’après-élection a été pire encore.

Stratégie du zigzag

De façon assez incompréhensible, le MR a adopté la stratégie du zigzag. Campant plutôt à droite depuis le début de la législature fédérale, il termine celle-ci sur un mode carrément de centre-gauche. Après avoir fait copain copain avec la N-VA, et son remuant secrétaire d’Etat Théo Francken, le MR a bruyamment approuvé le Pacte de l’ONU su les migrations. Un Pacte que Francken et les siens ne pouvaient approuver, sous peine d’être incohérents avec leurs choix migratoires antérieurs, longtemps applaudis par le MR.

Dans ce dossier migratoire, quoi qu’on pense du fond de l’affaire, à droite, c’est la N-VA qui a fait preuve de logique, pendant que le MR se prenait les pieds dans le tapis.

Immigration : la ligne introuvable

Le MR est faiblard sur le terrain de l’immigration. La ligne reste introuvable. Sans doute parce que ce parti est très divisé, entre ceux qui apprécient globalement l’approche de Théo Francken (Jacqueline Galant et Georges-Louis Bouchez comptent inviter le trublion dans leur fief respectif) et ceux qui, à l’instar de Christine Defraigne, sont en désaccord profond avec lui.

Entre les libéraux qui diabolisent Destexhe et ceux qui, à l’écart des micros, confient qu’il a raison de vouloir « freiner l’immigration », tout cela manque de clarté, sur la planète bleue.

Politiquement correct

Contrairement à son allié N-VA, le MR se positionne peu par rapport à l’épineuse question de la lutte contre l’idéologie islamiste dans notre pays. Le souci de ne pas surfer sur les peurs et les fantasmes est légitime. Au MR, d’aucuns s’étonnent néanmoins d’une certaine frilosité du parti en la matière. Voire d’un politiquement correct qui pousserait la direction du MR à éviter les sujets qui fâchent.

Un seul exemple : le 13 février dernier, lors de l’inauguration de la Foire du Livre de Bruxelles, le stand de l’éditeur de l’ex-journaliste de ‘Charlie Hebdo’, Zineb El Rhazoui – menacée de mort par plusieurs fatwas islamistes – a été saccagé et des pages de son dernier livre, déchirées. Le monde politique en a peu parlé et le MR pas davantage que les autres partis francophones.

Réformes impopulaires

Une autre ligne de fracture est manifeste au MR, entre ceux qui pensent que le parti gagnera les élections grâce aux réformes socio-économiques, et ceux qui estiment qu’il ne faut pas négliger les questions identitaires. Ces derniers font remarquer que les réformes, notamment celles menées par le ministre des Pensions, Daniel Bacquelaine, et le ministre de l’Emploi, Pierre-Yves Jeholet, sont plutôt impopulaires. D’où la nécessité de se positionner sur les sujets de société, trop peu prisés par la direction du MR.

La diversité au MR ? Connais pas !

Le MR compte dramatiquement peu, dans ses rangs, de personnalités issues de l’immigration. Sur ce terrain, il a au moins dix ans de retard sur les autres partis, et notamment sur celui de Bart De Wever. Chez les libéraux francophones, pas de Zuhal Demir, d’origine turque (ex-secrétaire d’Etat N-VA), pas de Darya Safai, d’origine iranienne (autre figure de la N-VA), pas de Nadia Sminate, d’origine marocaine (bourgmestre N-VA de Londerzeel et parlementaire flamande). Et plus d’Assita Kanko, originaire du Burkina Faso (elle a quitté le MR pour adhérer à la N-VA).

Le MR reste très peu ouvert aux citoyens d’origine immigrée. C’est suicidaire, vu l’évolution de la sociologie de la population belge, particulièrement à Bruxelles. C’est d’autant plus absurde que l’exemple de la NV.A montre que des personnalités d’origine immigrée peuvent s’engager dans un parti de droite. Les dirigeants du MR se comportent comme si le vote des « nouveaux Belges » était automatiquement acquis pour les partis de gauche, qui en détiendraient le quasi monopole. C’est faux, notamment en ce qui concerne les femmes d’origine immigrée, nombreuses à trouver leur place au sein de la N-VA.

Bruxelles, le talon d’Achille des libéraux

Sauf s’il sort un lapin de son chapeau, le MR risque de couler à Bruxelles. L’absence de candidats de poids reflétant la diversité de la capitale risque d’être le talon d’Achille des libéraux. S’ils sont devancés par le PS et Ecolo, les bleus paieront le prix de leur imprévoyance, d’un certain ronronnement intellectuel aussi, que bousculeront les « Listes Destexhe » jusqu’au 26 mai. Quel que soit le score de ces listes, une chose est sûre : après le scrutin, les libéraux devront refonder un nouveau parti. Et incarner une droite davantage audacieuse, plurielle, intelligente.

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