Le Grand hôpital universitaire de Bruxelles sur les rails
Au 1er janvier 2020, les hôpitaux de la Ville de Bruxelles et l’hôpital Erasme formeront un groupement hospitalier. C’est la volonté du recteur Yvon Englert que nous avons rencontré. Une étape vers la création d’un hôpital universitaire de 2.800 lits, qui rassemblerait 12.000 travailleurs et afficherait un budget global de 1,2 milliard d’euros. Le Grand hôpital universitaire de Bruxelles (GHUB) devrait voir le jour avant la fin de cette législature.
Une structure interhospitalière de plus pour Bruxelles ? « Pas du tout », répond le Pr Yvon Englert, recteur de l’ULB. « Le GHUB a la vocation d’être un hôpital universitaire multi-sites avec un seul numéro d’agrément, un seul conseil d’administration, un seul comité de gestion, un seul directeur médical, un seul conseil médical… L’objectif, à terme, est que les médecins ne se réclameront plus, par exemple, du CHU Brugmann, de l’Huderf ou d’Erasme mais du GHUB. Nous allons encourager la mobilité des médecins entre les différents sites de l’institution et la création de trajets de soins. »
C’est actuellement le Pr Johan Kips (CEO détaché d’Erasme, ndlr) qui est à la manoeuvre pour faire adhérer les différents partenaires à ce projet ambitieux. « Nous avons déjà l’accord de principe de l’Hôpital Erasme, de l’Institut Bordet, de l’Huderf, nous devons encore convaincre les Conseils médicaux du CHU Brugmann et du CHU Saint-Pierre », précise le recteur de l’ULB.
Le GHUB va rivaliser en taille avec les plus grandes institutions hospitalières du pays, telles que le Gasthuisberg ou le ZNA. Il réunira 2.800 lits hospitaliers sur trois grands sites (Anderlecht, Centre-ville et Horta) et pourra compter sur près de 12.000 travailleurs. « La phase de groupement va permettre d’avancer dans ce projet sans devoir résoudre tous les questions relatives aux statuts, au patrimoine… directement », précise le Pr Englert.
Le groupement, annoncé par Le Soir durant l’été, devrait être effectif au 1er janvier 2020. Et la fusion ? Le recteur de l’ULB estime qu’elle pourrait se concrétiser avant 2024.
Interview
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Dans les quartiers généraux des hôpitaux généraux de la ville de Bruxelles, de l’Hôpital Erasme, du CPAS de Bruxelles et de l’ULB les décideurs cogitent. Un « groupement hospitalier » devrait voir le jour dans un peu plus de trois mois. Explications du recteur de l’Université de Bruxelles, Yvon Englert.
Le groupement des hôpitaux de la Ville de Bruxelles et d’Erasme est annoncé au 1er janvier 2020. C’est demain ! Est-ce lié à la date butoir fixée par la ministre de la Santé publique pour les réseaux loco-régionaux ?
YE: Nous ne sommes pas en train de former un réseau hospitalier, dans le sens de la réforme de Maggie De Block. Nous discutons actuellement d’un rapprochement hospitalier entre des hôpitaux qui ont une longue histoire en commun. Les quatre hôpitaux de la Ville sont tous des hôpitaux de l’ULB et de manière moins importante de la VUB. La VUB est née avec son hôpital, en 1969, alors que le CHU Saint-Pierre et le CHU Brugmann sont des hôpitaux universitaires depuis la fondation de l’Université de Bruxelles, il y a 185 ans.
Le rapprochement physique d’Erasme et de l’Institut Bordet préfigurait-il la création du GHUB ?
Le rapprochement structurel entre les hôpitaux de la Ville de Bruxelles et l’ULB date du début des années 2000, au moment où a été prise la décision de reconstruire l’Institut Bordet sur le campus de l’ULB à Anderlecht. L’objectif poursuivi était de renforcer la recherche en cancérologie, en rassemblant les équipes de l’Institut et celles de la faculté de médecine, même si une partie travaille à Gosselies. Ce rapprochement répondait aussi aux conclusions d’un audit réalisé par des cancérologues internationaux qui avait montré la très grande complémentarité des équipes d’Erasme et de l’Institut Bordet en ce qui concerne les soins cancérologiques. La lettre d’intention de 2005 concerne l’oncologie mais aussi l’activité cardio-vasculaire et à la pédiatrie. L’évolution de la médecine demande de pouvoir prendre en charge au niveau universitaire de nombreux cas de plus en plus complexes. Les restrictions budgétaires font que si l’on veut garder des spécialistes pointus dans tous les domaines, il faut former de grands ensembles hospitaliers.
Pour rester attractif pour les médecins universitaires – d’autant plus que nous ne le sommes pas au niveau salarial par rapport aux hôpitaux privés -, nous devons offrir de belles perspectives intellectuelles aux médecins durant leur carrière universitaire et académique. Toutes ces raisons nous ont poussé à réunir les hôpitaux de la Ville de Bruxelles et Erasme dans ce projet.
Quelles sont les étapes de cette intégration ?
Dans un premier temps, cette intégration prendra la forme d’un groupement hospitalier. C’est la forme administrative qui est la plus facilement réalisable. Dans un deuxième temps – et c’est nettement plus complexe à réaliser – sous la forme d’une fusion.
Un hôpital multisites donc ?
Oui mais nous allons gérer d’emblée le groupement comme un hôpital. Nous sommes transparents par rapport aux équipes. Cette fusion présente un avantage pour le patient qui va bénéficier d’une prise en charge homogène et optimale dans tout le GHUB. Notre idée évidemment est de développer chacun des sites et pas de les affaiblir. Nous allons favoriser la mobilité des médecins permettant aux patients de voir les professionnels les plus qualifiés pour leur prise en charge. En outre, celle-ci sera homogène puisqu’elle s’effectuera sur différents sites mais dans un même hôpital.
Harmonisation des statuts
Comment allez-vous harmoniser les statuts des médecins et du personnel qui travaillent actuellement dans des institutions qui dépendent de pouvoirs de tutelle différents ?
Notre projet d’hôpital intégré est celui d’un hôpital universitaire qui doit comprendre de par la loi 70% de médecins salariés et 70% de chefs de service qui doivent être des chargés de cours de l’université. Cette intégration ne se fera pas du jour au lendemain mais la convergence des statuts est indispensable. Il ne faut pas perdre de vue le personnel infirmier qui est dans une situation de souffrance au travail. Il y aura une attention particulière pour ces travailleurs. L’ambition de ce projet par rapport aux projets antérieurs – le réseau Iris et le CHUB – est le fait qu’il n’y aura qu’un seul hôpital avec un seuil conseil d’administration, un comité de direction, une direction médicale et un conseil médical commun. Il n’y aura plus un médecin du CHU Saint-Pierre, du CHU Brugmann ou de l’Hôpital Erasme mais un médecin du Grand hôpital universitaire de Bruxelles. Ce médecin aura des activités à différents endroits en fonction des trajets de soins qui auront été élaborés par les équipes médicales. Il sera chez lui partout. Cette évolution culturelle ne se fera pas du jour au lendemain. Nous devrons être pédagogues. Les gens ont peur de perdre quelque chose, il faut leur montrer ce que les prestataires et les patients vont gagner.
Les autorités de tutelle – la Fédération Wallonie-Bruxelles (pour Erasme) et la Cocom (pour les hôpitaux de la Ville) – vous soutiennent-elles dans votre projet ?
Au niveau du groupement hospitalier, nous avons une très grande liberté. Il y a peu d’aspects institutionnels. Le passage du groupement à la fusion va nécessiter des interactions avec la Région bruxelloise, la Fédération Wallonie-Bruxelles et le Fédéral. Ce rapprochement a évidemment une dimension politique forte. Je n’ai aucune raison de penser qu’il pourrait y avoir une opposition politique de Maggie De Block à ce projet qui va dans le sens d’une clarification de l’offre hospitalière à Bruxelles.
Est-ce vous, en tant que recteur de l’ULB, qui êtes à la manoeuvre pour regrouper les institutions ?
Johan Kips, a été déchargé de son rôle opérationnel de CEO d’Erasme pour pouvoir diriger un groupe de travail ouvert aux directeurs généraux et médicaux des cinq hôpitaux. Ils travaillent ensemble à la fondation du GHUB sous la direction d’un comité stratégique qui regroupe les représentants de la Ville de Bruxelles (Philippe Close et Benoit Hellings), du CPAS (Karine Lalieux) de Bruxelles et de l’ULB (Eric De Keuleneer et moi-même). Je suis le recteur de l’université, je ne suis plus le médecin hospitalier que j’ai été. J’ai une connaissance particulière du dossier mais j’essaie de rester à ma place, qui n’est pas opérationnelle.
Les hôpitaux qui vont former le GHUB vont-ils devoir se spécialiser afin d’éviter de dupliquer les services et les équipements ?
Si on veut que tous les médecins s’approprient le GHUB, il faudra penser pour chaque activité l’intérêt du regroupement par rapport à l’intérêt de la proximité. L’idée n’est pas de ramener tout sur un centre, par exemple, toute la pédiatrie à l’Huderf ou la neurologie à Erasme. L’ensemble des spécialités va être traité comme un trajet de soins présentant des activités sur tous les sites hospitaliers. Nous aurons la chance d’avoir un hôpital multi-sites, il faut le maintenir. Le plan médical ne vise pas à transformer certains hôpitaux en polycliniques. Nous allons profiter des infrastructures existantes et du fait que les hôpitaux de la Ville ont été reconstruits. L’institut Bordet est en phase de reconstruction. L’hôpital Erasme a obtenu un budget de reconstruction mais nous avons levé le pied parce que la façon dont nous reconstruisons l’Hôpital Erasme doit tenir compte de notre projet d’intégration.
Comment les différents hôpitaux ont-ils réagi à votre projet ?
A ce stade du processus, tout le monde trouve que le projet du GHUB fait sens. Trois hôpitaux (Erasme, l’Institut Bordet et l’Huderf) ont déjà donné leur accord complet. Le CHU Saint-Pierre et le CHU Brugmann ont encore des questions sur les statuts et la répartition. Nous sommes plus loin que nous n’avons jamais été.
Maintenir les autres partenariats
L’ULB va-t-elle conserver les relations avec les autres hôpitaux qui font partie de son réseau depuis des années ?
Se rapprocher des hôpitaux de la Ville ne veut pas dire que nous allons nous éloigner des autres hôpitaux. Les Hôpitaux Iris-Sud (HIS) et le Chirec, même si c’est une institution privée, sont également très liés à l’université. L’hôpital universitaire n’est pas un hôpital régional mais un hôpital communautaire donc nos importants liens avec les hôpitaux du Hainaut qui encadrent les stagiaires de l’ULB vont être maintenus. Nous avons construit un réseau hennuyer. Le trépied de l’ULB se compose des hôpitaux de la Ville de Bruxelles, du Chirec et des hôpitaux du Hainaut. Il faut prendre en compte que la moitié des admissions de l’hôpital Erasme proviennent de l’extérieur de la Région bruxelloise.
A une époque, la création d’un réseau hospitalier loco-régional Erasme-HIS-Chirec avait été évoqué.
La création de ce réseau est un autre dossier auquel nous travaillons. Il est distinct de celui sur la formation du groupement hospitalier du GHUB.
Aspects financiers
Quid du patrimoine des hôpitaux ? Vont-ils les mettre en commun ?
L’Hôpital Erasme appartient à l’ULB tout en ayant une gestion autonome et sa propre comptabilité. Si nous voulons fusionner les hôpitaux, il faudra sortir Erasme du giron de l’université. Si nous réalisons une entité distincte, il faudra réfléchir aux actifs que nous y verserons. Les bâtiments des hôpitaux de la Ville appartiennent au CPAS et Erasme à l’ULB. Pour le groupement hospitalier, cette question du patrimoine ne se pose pas. Nous ferons évoluer les structures après.
Il faudra tenir compte de l’état financier et des dettes de chaque partenaire. A combien s’élève actuellement la dette de l’Hôpital Erasme ?
Cela dépend de ce qu’on met exactement dans cette dette. Suite à la crise de 2007, l’hôpital s’est redressé en trois ans. Il dégage un boni d’exploitation depuis 2010. Il rembourse progressivement sa dette qui, en dehors de celle qui correspond au retard de paiement du SPF Santé publique et de l’amortissement des investissements, ne dépasse pas 50 millions d’euros. Une société spécialisée est en train d’examiner les finances de chaque institution.
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