Le Grand hôpital universitaire de Bruxelles recalé par les médecins
Les Conseils médicaux du CHU Brugmann et du CHU Saint-Pierre ont voté contre le projet de Grand hôpital universitaire de Bruxelles (GHUB), porté depuis des mois par le recteur de l’ULB, Yvon Englert, et le bourgmestre de la Ville de Bruxelles, Philippe Close.
Hier, les membres des Conseils médicaux du CHU Saint-Pierre et du CHU Brugmann ont remis aux autorités un avis négatif sur la création du Grand hôpital universitaire de Bruxelles. Réunis le 25 juin en soirée et le 26 juin à midi, ces organes représentatifs des médecins dans les structures hospitalières ont voté à la quasi majorité (quinze voix « contre » et une abstention au CHU Brugman) et (12 voix « contre » et 3 voix « pour » au CHU Saint-Pierre) contre ce grand projet hospitalier bruxellois.
Pour rappel, depuis plus d’un an la Ville de Bruxelles et l’ULB veulent rassembler les hôpitaux de la Ville de Bruxelles – l’Institut Bordet, l’Huderf, le CHU Brugmann, le CHU Saint-Pierre – et l’hôpital académique Erasme dans un grand hôpital. Le GHUB aurait déjà dû être opérationnel au 1er janvier 2020.
Avant la crise du Covid, les médecins du CHU Saint-Pierre et du CHU Brugmann avaient déjà fait part de leurs réticences. En septembre 2019, les communautés médicales du CHU Brugmann et du CHU Saint-Pierre, réunies en assemblée générale, s’étaient déjà prononcées massivement contre ce projet.
Mise sous pression
Depuis quelques semaines, Yvon Englert, recteur de l’ULB et Philippe Close, bourgmestre de la Ville de Bruxelles, pressent les médecins de ces deux institutions de réunir leurs assemblées générales et leurs conseils médicaux pour accepter d’adhérer à ce projet. Mauvais timing. Les médecins hospitaliers, épuisés par la pandémie, ne veulent pas agir dans la précipitation.
Dans une lettre envoyée vendredi à Dirk Thielens, directeur général FF du CHU Brugmann, le Conseil médical de l’hôpital annonce qu’il rejette le projet de convention d’association-groupement hospitalier, le projet de statuts de l’asbl GHUB et le projet d’organisation du GHUB.
Les Drs Jacques Jani (président), Viviane Thill (vice-présidente) et Florence Benoît (secrétaire) motivent la décision du Conseil médical par :
- La méthode : « Comment est-il possible en 2020, après les semaines que nous venons de vivre, d’engager des réformes fondamentales sans avoir mis en place un dispositif participatif voire anticipatif qui puisse réellement prendre en compte les avis éclairés de celles et ceux qui font l’hôpital tous les jours mais également de préparer sa mise en oeuvre. Comment ne pas mettre en place un projet qui comprend une large articulation entre les fonctions sanitaire et médico-sociale dont le caractère indispensable vient d’apparaître aux yeux de tous comme indispensable ? »
- Des éléments cruciaux, dont l’absence d’un plan financier, le flou sur l’autonomisation de l’hôpital Erasme et le statut des médecins. Et de dénoncer « l’absence de construction préalable. Une mobilisation médicale au sein des différents sites nécessite une excellente communication intersite. Or celle-ci est inexistante tant sur le plan informatique, structurelle que managériale. Ces éléments ont été clairement pointés du doigt durant cette crise sanitaire. »
- La gouvernance : « La gestion du futur GHUB telle qu’actuellement conçue inquiète fort les médecins. Le recrutement de nouveaux talents médicaux est abordé de manière floue et la crainte est de voir nommés aux postes clés de chef de pôle, non pas des talents trouvés via des « search committee », mais par le biais d’un pouvoir organisateur politisé. Le rôle d’un futur Conseil médical commun pour les nominations de postes clés est fortement affaibli. La représentativité des médecins au niveau du conseil d’administration est trop faible. »
Du côté du CHU Saint Pierre, le « non » du Conseil médical est également motivé par l’absence d’un véritable plan médical, le déménagement de l’Institut Bordet (et de son Pet-Scan) sur le site Erasme qui priverait les autres hôpitaux publics d’une offre en oncologie, le statut des médecins, le risque de ne plus offrir une médecine publique abordable dans les hôpitaux de la Ville si la majorité politique changeait à l’avenir, la gestion très complexe du futur ensemble hospitalier…
Vincent Ninane, le président du Conseil médical, dénonce également la forte pression des autorités pour aboutir rapidement à un accord. « Or, nous n’avons eu que quatre ou cinq réunions à ce sujet en un an. » Il souligne néanmoins le caractère constructif d’une réunion qui s’est tenue le 25 juin entre les représentants des médecins, Philippe Close et Karine Lalieux, présidente du CPAS de la ville de Bruxelles.
Le Conseil médical du CHU Brugmann ne ferme pas complètement la porte : « notre prise de position permettra aux différents acteurs de poursuivre leurs réflexions dans la clarté et, surtout, d’être associés à la fixation des objectifs et des moyens afin d’arriver ensemble à établir une communauté hospitalière. » Une assemblée générale des médecins du CHU Brugmann est programmée pour le 4 septembre.
Quelques jours plus tard, les 7 et 8 septembre, l’ULB devrait élire son nouveau recteur. Yvon Englert, grand architecte du GHUB, n’est pas candidat à cette élection.
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