Carl Devos

‘Le gouvernement Michel a un problème fondamental qui n’est toujours pas résolu’

Carl Devos Politologue à l'Université de Gand

Le gouvernement Michel a entamé les vacances avec un accord sur le tax-shift et les différents budgets, donnant ainsi l’image d’un esprit de décision unanime. C’était le but en tout cas. Dans un premier temps, cette ambition a paru se réaliser, mais le sort en a décidé autrement.

Il est en effet apparu rapidement que ces accords étaient loin d’être accomplis et équilibrés sur le plan politique. Ils étaient libéraux à un tel point que le CD&V, la conscience sociale autoproclamée de ce gouvernement, s’est senti acculé. De nombreuses imprécisions demeuraient par ailleurs dans les textes et sur leur application. Le CD&V a donc vu dans leur mise en oeuvre un deuxième front, lui permettant de remporter malgré tout la bataille. Le vice-Premier ministre, Kris Peeters, a dès lors clamé qu’au sein de l’équipe Michel, la confiance faisait défaut. En temps normal, cela suffirait à provoquer une crise gouvernementale ouverte. Mais nous ne sommes pas en temps normal.

Après une bonne conversation et un accord classique (des militaires dans les rues pour la N-VA, la suppression d’un barème fiscal pour l’Open VLD, la hausse de la TVA sur l’électricité dans l’indice pour le CD&V), ces grandes déclarations ont été tout à coup balayées. Personne ne croit plus que cette coalition, qui, aux normes belges, apparaît cohérente sur le plan idéologique et a été qualifiée de « logique » par Bart De Wever, n’est une équipe soudée.

Même après le fait politique le plus important de la rentrée : le virage de Wouter Beke. Le président du CD&V a déclaré que son parti appuierait le tax-shift et ne discutera plus de ce qui ne s’y trouve pas. Il a aussi rappelé ses troupes à l’ordre. C’est que l’autoflagellation du CD&V n’a pas été productive : ses menaces n’ont impressionné personne. De plus, on aura surtout gardé l’image d’un parti qui se trouve au gouvernement contre son gré, et qui lui a même mis des bâtons dans les roues. Ce n’est jamais bon pour le succès électoral. Cette image devait être ajustée.

Un problème fondamental au sein du gouvernement n’est toujours pas résolu: le manque d’entrain du CDu0026V

La volte-face de Beke n’est pas liée au contenu des textes. Dès après le tax-shift, le CD&V a appuyé ce qui se trouve dans l’accord, référant à juste titre à son propre programme électoral. Mais il s’est montré déçu à l’égard de ce qui n’a pas été repris dans l’accord, surtout lorsqu’on a su quels points il avait mis sur la table. Les milieux chrétiens se sont montrés désappointés. En effet, depuis l’investiture de Charles Michel, le CD&V avait écrit un complément à son programme électoral : il rétablirait l’équité qui, selon certains, avait été mise à mal après les mesures d’économie et le saut d’index. Le tax-shift en serait le moyen tout trouvé.

Le CD&V continue de souffrir à cet égard mais il ne le montrera plus si ouvertement. Cela signifie que la tension politique ou idéologique, qui va bien au-delà des frictions personnelles, n’a pas disparu. Un problème fondamental au sein de la coalition fédérale n’est toujours pas résolu : le manque d’entrain du CD&V, qui irrite sérieusement les autres.

Ce gouvernement s’apprête à vivre un automne difficile. Il s’agira pour lui d’affiner et de mettre en oeuvre de nombreux accords repris dans le tax-shift ainsi que des accords budgétaires. Autant de matières susceptibles de diviser l’équipe. L’agenda de la concertation sociale est bien rempli également, et nombre d’éléments abordés finiront sur la table du gouvernement. Enfin, il y a l’approche délicate de la crise des réfugiés, qui fait également l’objet d’avis discordants au sein de l’exécutif.

La lutte en interne se poursuit.

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