Georgi Verbeeck
Le fédéralisme en question : les leçons de l’étranger
En Belgique, le projet fédéraliste n’a jamais été une finalité en soi.
Les défenseurs d’un fédéralisme belge très avancé aiment citer en exemple l’Allemagne, la Suisse, les Etats-Unis ou le Canada. A juste titre, car ces pays fonctionnent plus que convenablement. Reste à savoir si ces éloges s’harmonisent avec les objectifs réels de ceux qui les décernent. Bref, les modèles édifiants de l’étranger sont-ils correctement évalués ?
Le long parcours des réformes d’Etat belges fut extrêmement chaotique. Et la fin du périple n’est pas en vue. Notre pays n’y a pas gagné en stabilité. Au contraire. Un dédale de Régions et Communautés a émergé, les compétences empiètent les unes sur les autres et entrent en concurrence. Avec, en prime, le salmigondis institutionnel de Bruxelles.
Des considérations d’ordre purement démocratique sont à l’origine de quasi toutes les formes de fédéralisme au monde. Le principe qui prévaut est que le pouvoir appartient aux collectivités locales et s’exerce le moins possible au niveau central. Sans rendre de comptes ni à la langue ni à la culture. Les Etats finissent par inscrire ce principe dans leur Constitution, sans plus jamais le remettre en question. Chez nous, ce principe démocratique ne fut jamais une priorité : la structure fédérale actuelle résulte de tentatives douteuses pour aplanir les dissensions entre Flamands et francophones. Marquée par une atmosphère de crise et de chantage, chaque étape menant au démantèlement de l’Etat belge doit être vue sous ce prisme-là : il fallait toujours remédier au problème le plus aigu du moment. Le projet fédéraliste n’a jamais été une finalité en soi dans notre pays où il existe une forte tendance à la division. Rien de tel dans d’autres pays. Chez nous, deux entités linguistiques se sont transformées en sous-nations et ont acquis progressivement leurs propres institutions. La dynamique ainsi créée est centrifuge et non centripète. Elle découle d’une politique par essence identitaire. Hormis des entités territoriales, la Belgique compte aussi des communautés culturelles. Tandis qu’ailleurs dans le monde le fédéralisme repose exclusivement sur une base territoriale.
Les adeptes d’un fédéralisme tel qu’il est pratiqué à l’étranger devraient prendre parti pour des frontières tracées arbitrairement (comme aux Etats-Unis) ou délimitant les anciens duchés et comtés du Moyen Age (les provinces actuelles). Le vrai fédéralisme vise d’abord à attribuer plus de pouvoir aux collectivités régionales et non pas à promouvoir une politique identitaire. Il manque à la Belgique la loyauté fédérale qui ne perde pas de vue le niveau central, ce que les Allemands appellent Bundestreue. Celle-ci s’appuie sur la coopération et non sur la discorde. En outre, il est frappant de constater que le terme « confédéralisme » est utilisé à la légère dans notre pays. Ce système politique implique que la souveraineté est détenue par des collectivités régionales qui consentent à coopérer à un niveau supérieur (l’UE, par exemple). Pour instaurer le confédéralisme, il faudrait accorder l’indépendance à la Flandre, à la Wallonie et à Bruxelles (ou aux Communautés ?) et les inciter ensuite à travailler à nouveau ensemble. Réaliser d’abord le plus de choses possible chacun de son côté, puis se remettre à coopérer ! Souhaite-t-on vraiment en arriver là ? Pas sûr que la Belgique survive à sa structure étatique.
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