Carl Devos
Le fédéralisme de coopération, la bonne tactique de Kris Peeters
En marge de leur renouveau idéologique, SP.A et Open VLD savent qu’ils ne veulent pas d’une nouvelle réforme de l’Etat en 2014. Groen aussi voit d’autres priorités. La LDD va sans doute disparaître, le Vlaams Belang veut l’indépendance sans négociation et le CD&V donne l’impression de laisser la porte entrouverte : il ne veut d’une réforme de l’Etat que si la N-VA la rend incontournable.
Bref, la perspective d’un débat sur l’enveloppe confédérale dépend uniquement du score de la N-VA. Et il faudra que ce parti remporte bien plus que les 30 % des suffrages auxquels les sondages nous ont entre-temps habitués en Flandre.
Le CD&V et l’Open VLD ont en tout cas informé la N-VA qu’ils ne participeraient pas à son plan d’élaborer d’abord le gouvernement flamand pour ensuite entamer la formation d’un exécutif fédéral « en tant que gouvernement flamand ». Le CD&V a fait savoir à la N-VA que si elle voulait une réforme de l’Etat, elle devait commencer par former le gouvernement fédéral, sachant qu’une telle approche est sans doute vouée à l’échec. Actuellement, cette stratégie fait partie intégrante de la lutte à laquelle se livrent le CD&V et la N-VA pour décrocher le trophée du « bon Flamand ». En 2014, toutes les formations de gouvernements seront coordonnées. Dans cette compétition, le CD&V argumente qu’il obtient des résultats, contrairement à la N-VA.
On peut aussi le constater par ailleurs : Kris Peeters est le père politique du pacte conclu la semaine dernière entre les Régions et le gouvernement fédéral. Il ne s’agit pour l’heure que d’une boîte vide et si elle le reste, elle sera surtout utilisée contre l’actuel ministre-président flamand, même si tous ceux qui empêcheront que cette boîte se remplisse devront en répondre. Mais cet investissement dans le fédéralisme de coopération est une manoeuvre habile de Peeters qui pressent que, sous la pression européenne, les Etats fédérés devront de toute manière apporter une plus grande contribution. Et par sa stratégie offensive, il a défini lui-même les conditions de cette contribution : nous en faisons davantage, au bénéfice de l’économie flamande. La discussion budgétaire, le débat sur les compétences usurpées, l’accord papillon et le débat sur la répartition des efforts entre les différentes autorités de notre pays agrandissent la marmite d’où il faudra extraire un compromis. Par ailleurs, la référence à la compétitivité et aux charges salariales fait intervenir d’autres aspects, non budgétaires ceux-là. C’est Kris Peeters, et non pas le Premier ministre fédéral, qui a mis sur pied ce pacte de compétitivité belge.
Le point faible de son approche, c’est la N-VA et la question de savoir si les gouvernements wallon et bruxellois franchiront le pas en même temps. Si ces derniers ne le font pas, il sera difficile de convaincre l’ensemble du gouvernement flamand de fournir davantage d’efforts. Entre-temps, le gouvernement flamand s’est également montré prêt à contribuer aux charges de pension des fonctionnaires flamands.
Le style de Kris Peeters est très clair : il entend collaborer avec le fédéral et obtenir ainsi des résultats qui profiteront aussi à la Flandre. Une telle approche est bien plus efficace que de combattre le gouvernement fédéral et ne rien obtenir du tout. Peeters n’est pas pour rien le chef de file du CD&V, non seulement au niveau flamand, mais aussi à l’égard du gouvernement belge. Et ça, c’est un fait politique important.
Par Carl Devos, politologue à l’université de Gand
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