Le droit à l’avortement, un droit fragile
Ce 28 septembre, c’est la journée mondiale pour le droit à l’avortement. En Belgique, c’est la loi du 15 octobre 2018 qui encadre l’IVG. Il doit être réalisée avant la fin de la 12ème semaine de grossesse. Et après ?
En Belgique, les femmes disposent de trois mois pour réaliser l’avortement. L’IVG ne peut être réalisée après cette échéance que lorsque que la grossesse met en danger la santé de la femme ou quand l’enfant à naître est atteint d’une maladie reconnue comme incurable.
De plus, les femmes doivent respecter un délai de réflexion de 6 jours, entre la consultation et l’intervention. Ce délai ne peut être raccourci qu’en cas de situation médicale urgente. Cette période de réflexion obligatoire est jugée infantilisante par beaucoup de professionnels du milieu.
Les conditions sont cumulatives. Si elles ne sont pas toutes respectées, le médecin et la femme sont susceptibles d’être punis d’un mois à un an d’emprisonnement ainsi qu’à une amende pouvant s’élever jusqu’à 200 euros. Depuis 2018, l’avortement est donc retiré du code pénal, mais sans vraiment être dépénalisé. Il reste autorisé sous certaines conditions.
Sophie Rohonyi, député fédérale (DéFI) publiait ce matin une vidéo sur le compte Twitter du parti. Elle soulève les limites de cette loi. Une femme peut faire un déni de grossesse ou continuer à avoir ses règles, peut avoir des difficultés à obtenir un rendez-vous ou être victime d’un compagnon violent, explique-t-elle. Plein de raisons peuvent pousser les femmes à vouloir pratiquer une IVG après 12 semaines.
Beaucoup de femmes souhaitent également pratiquer une IVG concernant une grossesse résultant d’un viol. Le traumatisme qu’entoure cette violence sexuelle les empêche, bien souvent, de respecter le délai imparti.
Plusieurs propositions de loi déposées par les socialistes et soutenues par des députés libéraux et écologistes, ainsi que par DéFI et le PTB, prévoient de pousser le délai jusqu’à 18 semaines. Au moment de former l’équipe Vivaldi, le dossier a été mis entre parenthèses, singulièrement pour ne pas indisposer le CD&V, qui y est opposé et en faisait une affaire de majorité, lors des négociations.
Les propositions de loi devaient être examinées par un comité scientifique disciplinaire, relève Sophie Rohonyi, mais ce Comité n’existe toujours pas à ce jour.
Mme Rohonyi indique vouloir interpeller Alexander De Croo à ce sujet jeudi.
Avortera un coût
Chaque année, plus de 500 femmes se rendent au Pays-Bas pour avorter. Le pays voisin dispose d’un délai légal de 24 semaines. Cependant, effectuer ce trajet demande des moyens financiers, que les femmes les plus précaires ne possèdent pas. Elles ont donc deux options : pratiquer un avortement clandestin ou mener une grossesse non désirée à terme.
La plateforme Abortion Right publiait aujourd’hui les premiers témoignages recueillis dans le cadre d’un appel concernant les femmes ayant dépassé le délai légal. Plusieurs se disent s’être senties « comme des criminelles » d’être forcées d’aller à l’étranger pour pouvoir avorter. Cela crée chez les femmes le sentiment de faire « quelque chose de mal ».
Un droit non acquis
En Europe, 24 pays sur 27 ont dépénalisé l’avortement, certains depuis longtemps. Cependant, le maintien de ce droit est loin d’être garanti. L’Espagne adopte une loi en 2015 interdisant aux mineurs d’avorter sans l’accord des parents. La même année, le Portugal décide de mettre à charge de la femme tous les frais liés à l’avortement ; elles doivent également désormais se soumettre à un examen psychologique si elles souhaitent entamer le processus. En Slovaquie, 11 propositions de loi visant à limiter l’accès à l’avortement ont été déposées en moins de deux ans.
L’avortement reste donc un enjeu politique. Certains députés craignent que l’allongement du délai augmente le nombre de femmes ayant recours à l’IVG, alors que le taux d’IVG est stable en Belgique. « Au lieu de mener ce débat sur les chiffres autour des 18 semaines, il faut simplement se demander si on veut donner cette possibilité aux femmes, oui ou non ? C’est une question politique, pas scientifique » affirme Mario Van Essch, co-président de la commission nationale d’évaluation de la loi sur l’IVG. Diane Guardiol, membre d’Abortion Right, conclut : « Ce qui est inquiétant, c’est que le corps des femmes est toujours un enjeu de négociation politique dans notre pays ».
Lola Buscemi
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