Gérald Papy

Le drame des Philippines n’est pas qu’une fatalité

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Face à un drame comme celui qui a frappé les Philippines après le déferlement du typhon Haiyan, la réaction première – primaire ? – pourrait se réduire à constater que les éléments ont frappé ici comme à d’autres reprises dans l’Histoire, qu’à l’impondérable, on ne peut opposer que le fatalisme et que la seule réponse est de rencontrer au mieux les besoins urgents. Bref, qu’ « être né quelque part, c’est toujours un hasard » et qu’ « on (ne) choisit pas non plus les trottoirs de Manille, de Paris et d’Alger pour apprendre à marcher ».

Dans un deuxième temps de la réflexion, l’évaluation du nombre de victimes et l’observation des dégâts imposent de s’interroger sur la part de l’intervention – ou de la non-intervention – humaine dans l’ampleur de la tragédie. Les populations touchées n’auraient-elles pas pu être, en partie, évacuées ? Les zones exposées aux typhons devaient-elles être aussi peuplées ? L’aménagement du territoire a-t-il suffisamment intégré la dimension de risque climatique ? Pour parler d’un autre continent, comment un ouragan peut-il, sur une même île, dévaster Haïti et à peine affecter la République dominicaine ? Bref, derrière les déclarations compatissantes de circonstances, n’y a-t-il pas dans le chef des dirigeants politiques, en l’occurrence démocratiquement élus des Philippines, manquements à leur obligation de protéger, prévarication ou même soumission à la corruption ? Nous l’ignorons. Mais la question doit être posée.

Enfin, la multiplication apparente de drames de l’ampleur de celui des Philippines, qui a réussi à dévaster la ville de Tacloban (220 000 habitants), interroge inévitablement sur le phénomène plus global des dérèglements climatiques qui pourraient en être la cause. Pour le Groupe international d’experts sur l’évolution du climat (Giec) dans son rapport 2012, il n’y a aucune certitude mais une inquiétude : les changements climatiques ne doperaient pas la fréquence des cyclones mais bien, potentiellement, « les vitesses moyennes des vents et des précipitations extrêmes (qui leur sont) associées ». La mutation climatique due à l’action humaine a ceci de particulièrement cruel de pénaliser les plus défavorisés pour un comportement dont les plus riches ont été et sont encore principalement responsables. Et, suprême injustice, est parfois remis en cause aujourd’hui le développement de pays émergents en raison des pollutions qu’il entraîne au nom du combat contre un laxisme environnemental qui a profité aux nations à l’industrialisation plus ancienne. La tragédie des Philippines rappelle donc crûment aux puissances présentes à la Conférence de l’ONU sur le changement climatique de Varsovie que des compensations aux pays les plus pauvres ne relèvent pas de la charité mais d’une quête de justice.

Pour que cet avertissement sur la politique climatique à long terme porte ses fruits, encore faut-il au préalable que les grandes puissances évitent l’écueil de la gabegie du business humanitaire. Le précédent d’Haïti en janvier 2010 est encore suffisamment vivace pour ne pas répéter les erreurs passées : course effrénée aux fonds, concurrence nuisible, désorganisation et substitution à l’Etat. Les efforts de coordination entre instances de l’ONU, s’ils sont étendus aux ONG, et la force de l’Etat philippin, pourvu qu’il soit équitable, inclinent cependant à se montrer un peu plus optimiste.

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