Olivier Mouton
Le coup de poker du CDH isole le PS et ouvre le jeu francophone
Coup de théâtre. Les humanistes, » dégoûtés « , lâchent les socialistes. Une majorité alternative avec les libéraux pourrait réveiller la Wallonie et Bruxelles. A moins que le chaos ne s’installe…
C’est un fameux coup de théâtre. Et un coup de poker. Benoît Lutgen, président du CDH, a annoncé ce lundi une « rupture nécessaire et immédiate » avec le PS. Le CDH abandonne son partenaire socialiste avec lequel il gouvernait dans trois majorités : Région wallonne, Région bruxelloise et Communauté française.
La décision du parti humaniste se justifie par le « dégoût » des affaires récentes , singulièrement par l’enrichissement personnel d’Yvan Mayeur et de Pascale Peraïta au Samusocial. La succession des scandales, justifie Lutgen, empêche le nécessaire travail qui doit être mené pour redresser la Wallonie, améliorer la gouvernance ou redresser l’enseignement, notamment.
Cette décision, qui aurait surpris tous les partenaires potentiels, se double d’un appel lancé au MR, à Ecolo et à Défi pour mettre en place une majorité alternative. Dans les Régions, une majorité ne peut être renversée que via une motion de méfiance constructive. En d’autres termes, le partenaire désireux de faire tomber le gouvernement doit présenter une majorité alternative.
Selon nos informations, au-delà de l’appel lancé par Lutgen, aucune majorité alternative n’a été négociée au préalable. C’est un coup de théâtre, mais aussi un coup de poker. Que certains partenaires potentiels regrettent, peu convaincus d’aller au casse-pipe un an et demi avant les élections. Les trois partis interpellés, pris au dépourvu, organisent dare-dare des réunions cet après-midi. Olivier Maingain, président de Défi, rentre même en catastrophe du Canada. Olivier Chastel, président du MR, se dit ouvert à une discussion sur l’avenir des entités fédérées.
La décision du CDH isole un PS déjà bien mal au point en Wallonie et à Bruxelles. Les socialistes n’ont pas le monopole des affaires, dit Lutgen, mais ils les multiplient avec un cynisme certain dans le chef de mandataires censés défendre les plus démunis.
Voici donc enfin le moment venu où le CDH retourne sa veste et rompt sèchement avec le PS. Benoît Lutgen avait été fortement critiqué, par certains en interne aussi, pour avoir résolument choisi de gouverner avec le PS après les élections de 2014. Depuis lors, le mariage PS-CDH en Wallonie avait fait l’objet de nombreuses tensions, notamment en matière fiscale et sociale. L’affaire bruxelloise du Samusocial a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Mieux vaut tard que jamais: Lutgen a enfin compris que ce n’est pas avec ce PS – là qu’il réformerait la Wallonie. Or, il y a urgence!
En lançant un appel aux partenaires, Benoît Lutgen ouvre le jeu politique francophone. Le MR trépigne depuis plus de vingt ans à l’idée de prendre la main en Wallonie et à Bruxelles, voici une occasion en or : c’est ce qui explique la réaction positive et rapide d’Olivier Chastel. Mais en prenant tout le monde de court pour positionner un CDH en perdition dans les sondages, Lutgen risque aussi de braquer ses partenaires potentiels qui pourraient être tentés de laisser PS et CDH exploser en vol. Le tout sous l’oeil ultra-attentif de Flamands consternés par le psychodrame qui se joue depuis des semaines au sud du pays.
Incontestablement audacieux, le choix de ce président atypique tourne une page en Wallonie et à Bruxelles. Pour le meilleur ou pour le pire.
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