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Le confinement n’a pas été inutile: « avril 2020 a été le mois le plus meurtrier depuis la Seconde Guerre mondiale »

Dirk Draulans Dirk Draulans est journaliste pour Knack.

Les études scientifiques révèlent que le confinement et d’autres mesures ont eu un effet protecteur important contre le coronavirus. Mais on ignore de quoi sera fait l’avenir. Dans le pire des cas, nous continuerons à lutter contre le virus jusqu’à la fin de l’année 2022.

Certains se demandent si le confinement drastique et les autres mesures visant à maîtriser le coronavirus étaient justifiés. Certains suggèrent même qu’il n’est pas certain que le confinement ait eu un quelconque effet sur le nombre de malades et de morts. Peut-être que tout cela n’a servi à rien, disent-ils.

Le confinement n’a pas été en vain. Une analyse statistique approfondie pour onze pays européens, dont la Belgique, publiée dans la revue scientifique Nature, révèle que jusqu’à début mai le confinement a permis de sauver 3,1 millions de vies dans les pays concernés. Au total, le virus a infecté entre 12 et 15 millions de personnes (soit 3,2 à 4 % de la population). Le succès de ce confinement réside dans le fait qu’il a réduit le nombre moyen de personnes infectées de 3,8 à 0,7 – un monde de différence.

L’article présente des données distinctes pour la Belgique : début mai, les mesures de confinement pour notre pays avaient déjà permis d’éviter 110 000 morts. Parmi les onze pays examinés, la Belgique disposait des données les moins bonnes dès le début de l’épidémie. Début mai, nous avons également enregistré le nombre le plus élevé de personnes qu’une personne infecte en moyenne : 0,8. Cela pourrait signifier que nous n’avons pas excellé dans le suivi des mesures.

Il est intéressant de noter que notre pays, avec 8 %, possède l’immunité de groupe la plus élevée des onze pays étudiés : 8 % de notre population aurait déjà des anticorps contre le virus dans son sang. C’est une bonne nouvelle, car cela pourrait signifier que les gens ont développé une résistance à une éventuelle nouvelle attaque du virus et ne sont plus capables de transmettre la maladie. À titre de comparaison : en Norvège et en Allemagne, seul 0,5 et 0,85 % de la population avait des anticorps contre le virus au moment de l’étude – bien qu’il existe de fortes différences régionales en Allemagne. La règle semble être la suivante : plus les mesures de distanciation sociale et autres sont efficaces, plus l’immunité de groupe accumulée est faible.

Diffusion par la climatisation

« Nos calculs indiquent 7 % pour notre pays, mais il y a une marge de fiabilité de 4 à 9 % sur ce point, donc il n’y a pas beaucoup de différence avec les 8 % de Nature« , dit Geert Molenberghs. « Les analyses de la banque du sang effectuées par Sciensano, notre institut fédéral de santé publique, indiquent que 5 % des personnes possèdent des anticorps, mais c’est peut-être une sous-estimation, car les personnes qui toussent et reniflent un peu sont moins susceptibles de donner leur sang. Il y a bien sûr une marge de manoeuvre dans les résultats en fonction de la tranche d’âge. Si vous ne prenez que des personnes non retraitées, vous vous retrouvez avec 6 %. Pour les plus de 85 ans, ce taux est de 13 % – c’est aussi un effet du séjour dans les maisons de repos. Mais pour les personnes âgées de 65 à 75 ans, il est d’à peine 4 %. Il s’agit de personnes qui vivent généralement encore chez elles, mais qui se rendent compte qu’elles courent un risque supplémentaire et suivent donc les règles de confinement plus strictement, ce qui réduit le risque d’infection. »

La mauvaise nouvelle concernant les taux d’infection est que partout, nous sommes très loin des 60 à 70 % nécessaires pour avoir une immunité de groupe si élevée que le virus s’éteindra. Science a publié un article qui donne à réfléchir et qui conclut que nous aurons besoin d’une distanciation sociale au moins jusqu’en 2022 pour empêcher le virus de se propager à nouveau et éviter que les hôpitaux ne soient à nouveau sous pression. Nous devrons continuer à surveiller le virus jusqu’en 2024 au moins. Nous ne nous en sommes pas encore débarrassés.

« Les scénarios de Science s’appliquent à des situations sans médicaments et sans vaccin efficace », analyse Molenberghs. « Dès qu’il existe un vaccin efficace, c’en est fini du coronavirus. Mais s’il n’y a pas de vaccin, ce qui ne peut être exclu, c’est une autre histoire. Ensuite, deux incertitudes majeures apparaissent dans les modèles. La première est que nous ne savons pas s’il y a un effet saisonnier sur l’activité du virus – comme pour nos virus de la grippe, qui frappent principalement en hiver. Ainsi, les autorités sanitaires de l’État américain de l’Arizona, où il peut faire torride, pensaient que cet état souffrirait moins du virus, mais ce n’était pas le cas. Il se peut qu’il s’y soit propagé principalement par la climatisation. Nous devons donc attendre de voir ce que le virus fera à l’automne. »

Une deuxième incertitude majeure, c’est que l’on ne sait pas combien de temps dure la résistance que quelqu’un développe contre le virus. L’article de la revue Science revient là-dessus en détail : si l’immunité complète au virus n’est pas permanente, comme c’est le cas pour les virus de la grippe, ce coronavirus fera également partie de notre existence quotidienne. Si le système immunitaire dure longtemps, le virus pourrait disparaître de notre système pendant au moins cinq ans. Mais il est également possible que l’immunité au virus s’accumule progressivement, de sorte que le virus s’éteint au bout d’un an ou deux, mais réapparait deux ans plus tard. Nous ne le savons pas.

Interaction avec la grippe

« Peut-être que ce sera comme un virus du rhume, qui vous dérange beaucoup la première fois mais auquel vous vous habituerez par la suite », suggère Geert Molenberghs. « En outre, le facteur compliqué de l’immunité croisée peut jouer contre d’autres coronavirus. Il existe déjà quatre coronavirus circulant dans la population humaine, qui provoquent des rhumes et qui, contrairement à la grippe, ne sont pas spécifiquement liés à l’hiver. Il n’est pas exclu qu’ils déterminent la manière dont notre corps réagit à l’infection par le nouveau coronavirus. Il est même possible qu’il y ait des interférences avec les virus de la grippe que nous devrons affronter l’hiver prochain ».

Molenberghs cite l’exemple de la grippe espagnole qui a fait des ravages en 1918, au lendemain de la Première Guerre mondiale : « Il s’est avéré que les jeunes de 25 ans infectés mourraient beaucoup plus facilement des conséquences d’une réaction excessive de leur système immunitaire au virus, peut-être parce que leur corps supposait qu’ils étaient infectés par un coronavirus qu’ils avaient rencontré dans leur enfance à la fin du 19e siècle. Cela peut avoir eu un effet sur le développement de leur système immunitaire. Une mauvaise évaluation du système immunitaire peut avoir des conséquences fatales. Les personnes infectées de 15 et 45 ans ont survécu plus facilement parce qu’elles ont moins souffert des conséquences de l’immunité croisée, leur système immunitaire n’ayant pas été focalisé sur le coronavirus original pendant l’enfance ».

L’immunité croisée contre d’autres coronavirus peut éventuellement conduire à une immunité de groupe faible contre le nouveau coronavirus, car il n’est pas nécessaire de développer des anticorps spéciaux contre le nouveau virus. Cependant, il est également possible que la propagation du virus dépende beaucoup plus fortement qu’on ne le suppose de ce qu’on appelle les « super-propagateurs » qui infectent un nombre relativement important de personnes, ce qui fait que la maladie apparaît en foyers. Un article de synthèse paru dans Science a souligné cette possibilité. La grande majorité des personnes infectées n’infecte personne d’autre. Environ 10 % des personnes infectées seraient à l’origine de 80 % des nouvelles infections. La majorité des infections se produisent à l’intérieur : pas moins de 19 fois plus qu’à l’extérieur. Il est possible que les différences de capacité d’infection individuelle soient également attribuables à la façon dont les gens respirent, ce qui fait que certaines personnes expirent plus de particules virales que d’autres.

« Les processus biologiques sont de toute façon difficiles à prévoir », explique Molenberghs. « Nous savons que de nombreuses épidémies se produisent par cycles de deux ou quatre à sept ans, et il se peut donc que ce soit aussi le cas aujourd’hui. Comme nous ne le savons pas encore, nous devons essayer de tirer le plus grand profit possible de mesures simples et relativement indolores. Le port de masques buccaux à l’extérieur peut contribuer à limiter la propagation du virus. Des changements de comportement tels que le fait de garder une distance suffisante entre eux et d’éviter les poignées de mains et les bises lors de rencontres peuvent faire une grande différence ».

Une catastrophe en Inde

Le virus se propage progressivement partout dans le monde. Malgré de bons résultats dans certaines régions d’Asie et d’Europe, le nombre d’infections continue globalement à augmenter. L’épicentre de la pandémie se trouve désormais en Amérique. Aux États-Unis, où l’administration est chaotique, il y aura plus de 200 000 décès dus au coronavirus d’ici la fin de l’été. Mais le Brésil, en particulier, court à un véritable désastre, car sa gouvernance pourrait être encore pire que celle des États-Unis. Certains signes indiquent que la situation devient également désastreuse en Inde. En Afrique, l’effet reste pour l’instant modeste. Un pays petit mais bien organisé comme le Rwanda, grâce à des mesures strictes, ne déplore pas un seul décès dû au coronavirus.

Molenberghs avertit que le nombre de décès évités ne doit pas être pris en compte uniquement pour évaluer l’effet des mesures : « De nombreux patients qui ont survécu à l’attaque virale resteront dépendants des soins médicaux pour le reste de leur vie. Certains auront besoin de nouveaux poumons ou ne pourront plus se passer de dialyse rénale. En fait, j’attends actuellement plus de bénéfices de médicaments efficaces que d’un vaccin. Si vous pouvez utiliser des médicaments pour éviter que les personnes malades ne se retrouvent dans l’unité de soins intensifs, vous pouvez éviter beaucoup de souffrances qui, autrement, resteraient largement cachées en raison de l’accent mis sur la réduction du nombre de décès. Éviter que les gens tombent gravement malades est tout aussi important que d’empêcher les gens de mourir ».

Geert Molenberghs
Geert Molenberghs© Debby Termonia

Ici et là dans le monde, de la capitale chinoise Pékin aux États américains comme la Floride, de nouvelles vagues du virus apparaissent. Elles déferlent principalement dans les endroits où elles ont été initialement maîtrisées, mais où le laxisme à l’égard des mesures simples s’est rapidement manifesté – ce qui est déjà perceptible dans notre cas également. « Faire comme avant implique que le virus peut réapparaître », souligne Molenberghs. « Nous n’avons aucune garantie que le pire soit derrière nous. »

Molenberghs voit un avantage à prendre des décisions séparées pour les générations distinctes : « Nous n’aurons pas nécessairement à imposer ce système, mais nous pourrons toujours compter sur les gens pour se protéger sur la base des risques qu’ils pensent eux-mêmes courir. Nous devons bien l’expliquer. Les gens ont tendance à être plus prudents lorsqu’ils sont plus âgés ou qu’ils souffrent de maladies sous-jacentes qui augmentent le risque de complications suite à une infection par le coronavirus. Bien sûr, il est utile que les autres en tiennent compte. Un jeune de dix-huit ans ne devrait pas avoir de contacts trop intenses avec sa grand-mère. Une grande partie de ce qui nous est proposé dépendra du ‘bon sens’ des gens. »

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