Olivier Mouton
Le clash bruxellois des clans Reynders et Moureaux sera décisif pour la Belgique
Le président du MR ne tranche pas: il y aura donc bien deux candidats « disponibles » pour le poste de ministre-président à Bruxelles, Didier Reynders, tête de liste à la Chambre, et Vincent De Wolf, tête de liste à la Région. Charles Michel décidera « le moment venu » si les libéraux sont en position d’entrer au gouvernement bruxellois. Dans les rangs libéraux, on brouille même davantage les cartes en disant qu’au final, un troisième homme pourrait être désigné, comme ce fut le cas lorsque François-Xavier de Donnea emporta la mise en 2000 à la surprise générale alors qu’il était bourgmestre de Bruxelles.
Dans les rangs socialistes, le nouveau ministre-président, Rudy Vervoort, tête de liste à la Région, sera candidat à sa propre succession. Laurette Onkelinx, tête de liste à la Chambre, s’est elle aussi déclarée « disponible », mais seulement « s’il fallait y aller ». « La probabilité est nulle, sauf s’il devait arriver quelque chose à Rudy », dit un ponte du PS.
Voilà les forces en présence pour décrocher la place de premier parti bruxellois.
L’enjeu est majeur, pour la capitale mais aussi pour tout le pays. Car si Bruxelles suscite tant de convoitises, c’est en raison de son statut de capitale mais aussi et surtout parce que c’est là que le paysage politique francophone – et par ricochet fédéral… – pourrait se dessiner. Avec, en bout de course, une grande probabilité d’avoir des majorités différentes en Wallonie et à Bruxelles.
Explication. De nombreuses voix, du côté francophone, expriment le souhait d’avoir après 2014 des coalitions « symétriques » et « stables », c’est-à-dire similaires à tous les niveaux de pouvoir (fédéral comme régional) et composée des deux principales formations politiques francophones. Traduction simple: la coalition PS-MR est annoncée à tous les étages.
A Bruxelles, rien n’est moins sûr. Pour deux raisons au moins.
D’une part, on y assisterait à une confrontation directe entre deux clans, celui de Didier Reynders (si c’est bien lui qui monte au front) et celui de Philippe Moureaux qui, s’il n’est plus présent en première ligne, domine idéologiquement le PS depuis le départ de Charles Picqué avec le trio Vervoort – Onkelinx – Madrane. On sait que Didier Reynders et Philippe Moureaux multipliaient les noms d’oiseaux l’un contre l’autre lorsqu’ils se faisaient face. Un jeu? Pas seulement. « Ce sera très difficile pour nous de travailler avec le MR s’il choisit le camp de la confrontation et de la division des Bruxellois », souligne un baron du clan Moureaux. « Quand Reynders a dit que Molenbeek, c’est l’étranger, on ne peut pas l’entendre. »
La mise à l’écart à Molenbeek de Moureaux par le MR de Françoise Schepmans après les communales d’octobre dernier risque en outre de êser lourd. « Si c’est possible, je nous vois bien continuer l’Olivier à Bruxelles, prolonge notre interlocuteur socialiste, parce que l’on s’entend vraiment bien au sein du gouvernement actuel. C’est plus difficile en Wallonie parce que tout le monde en a marre de l’Ecolo Jean-Marc Nollet. »
D’autre part, Didier Reynders convoite la première place pour son parti à Bruxelles, pour être en position de force au niveau belge et au sein de son parti. Si c’est le cas, il pourrait en effet concrétiser dans la capitale son rêve de « renverser le centre de gravité politique » en rejetant le PS dans l’opposition avec une coalition alliant le MR au FDF et au CDH. C’est d’ailleurs la majorité en place dans sa commune d’Uccle en dépit de la majorité absolue conquise par le MR en 2012. Une telle coalition de centre-droit serait aussi un levier pour forcer un gouvernement fédéral plus à droite qu’aujourd’hui, d’autant que la Flandre pourrait politiquement pencher pour une majorité de droite réunissant la N-VA (s’il est bien le premier parti de Flandre), le CD&V et l’Open VLD.
Si Charles Michel conserve deux candidats ministre-président à Bruxelles, c’est peut-être un choix stratégique: pour garder la main et éviter que la stratégie de la confrontation déployée par Didier Reynders ne soit – une nouvelle fois – préjudiciable à son parti.
Mirage politique prématuré, tout cela? Peut-être. A un peu moins d’un an des élections, les jeux restent évidemment ouverts. Mais la confrontation en cours à Bruxelles confirme une évidence: les réalités politiques des trois Régions du pays – Flandre, Bruxelles et Wallonie – sont devenues à ce point singulières qu’il sera sans doute difficile d’y concrétiser des majorités semblables. C’est cela aussi la réalité du fédéralisme à la belge.
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