Joyce Azar
« Le CD&V n’a pas attendu les soldats de De Wever pour s’autosaboter »
« Il faut tourner la page. » Le 18 avril, sur le plateau de la VRT, le président du CD&V, Wouter Beke, rêve à voix haute d’un oubli collectif de la débâcle de son parti, qui avait tenté, par l’entremise d’une tactique opportuniste et mal calculée, d’attirer les faveurs électorales des juifs d’Anvers.
En interne, on évoque un amateurisme sans précédent. Un terme largement relayé par les médias du nord du pays pour qualifier ce que l’on appelle désormais » l’affaire Aron Berger « . En recrutant ce candidat juif ultraorthodoxe sur leur liste électorale, les chrétiens-démocrates anversois, menés par Kris Peeters, pensaient enfin pouvoir peser dans la métropole, grâce aux voix des 5 % d’électeurs de confession juive. Une opération irréfléchie qui a mené à une tempête politico-médiatique sur les convictions religieuses de M. Berger, et son refus de serrer la main aux femmes. Le CD&V en est sorti divisé, voire localement K.-O.
Ils s’étaient pourtant démenés, les membres du CD&V, pour redresser le parti, et éviter qu’il ne rejoigne, à l’instar du SP.A, le club des partis traditionnels en danger. Récemment encore, Wouter Beke annonçait que ses candidats allaient effectuer un million de visites à domicile d’ici aux communales d’octobre. Beaucoup de temps et d’énergie, donc, perdus en faveur d’une pratique dépassée. Des manoeuvres plus discrètes, aussi, ont été effectuées, telle que la fusion des communes dirigées par les chrétiens-démocrates. Comme le relève le journaliste Ivan De Vadder, des sept fusions récemment menées en Flandre, toutes ont été conduites par des communes CD&V. Le parti, officiellement défavorable à la méthode des fusions, est ainsi parvenu à unifier des territoires pour créer de nouveaux bastions.
Ce stratagème ne sera toutefois pas suffisant pour contrer les méthodes, plus mesurées, de la N-VA. Forte de ses thèmes de prédilection que sont la sécurité et la migration, la formation de Bart De Wever se donne aujourd’hui un visage plus humain, chassant sur le terrain du CD&V : l’enseignement et le bien-être. Le député flamand N-VA Lorin Parys a ainsi multiplié les attaques contre le ministre du Bien-être Jo Vandeurzen (CD&V), notamment sur le manque de places pour les délinquants juvéniles, et sur la lenteur des politiques en faveur des personnes handicapées. Les nationalistes flamands ont également mis des bâtons dans les roues du » M-decreet « , une mesure de longue haleine qui doit favoriser l’inclusion dans l’enseignement, sous la houlette de la ministre Hilde Crevits (CD&V). Mi-avril, la N-VA a présenté le fer de lance de sa campagne électorale : la lutte contre l’isolement, un thème social populaire, et peu exploité jusqu’ici.
L’ancien partenaire de cartel du CD&V est certes devenu son pire ennemi, mais la formation de Wouter Beke n’a pas attendu les soldats de De Wever pour s’autosaboter. Au sein du gouvernement flamand, les déboires de la ministre de l’Environnement, Joke Schauvliege, se sont greffés aux piètres résultats des autres ministres CD&V, malgré les moyens financiers déployés. Au fédéral, le dossier Arco est toujours au point mort, alors qu’au niveau communal, le « George Clooney flamand », Kris Peeters, a désormais perdu toute crédibilité. Entre-temps, la N-VA observe, les pieds sous la table. » La communauté juive a été exposée à la risée du public, et je le déplore « , a savamment réagi Bart De Wever après l’affaire Aron Berger. Une phrase qui, à elle seule, vaut plus que les meilleures stratégies électorales.
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