Thierry Fiorilli

Le bruit de la semaine: « La Belgique: bière, statues, drapeaux »

Thierry Fiorilli Journaliste

Les vrais, c’est en soie. La plupart sont rectangulaires et tricolores. Ils s’attachent et se déploient. Sinon, ils dépérissent, accablés, comme un torchon qui a beaucoup servi, qu’on a oublié sous un évier, qui pue encore un peu même s’il est tout sec et figé maintenant, et on entend ses lamentations, si on écoute bien ce qu’il raconte, parce que c’est pas facile avec cette voix éteinte.

Et ça ne convient pas du tout puisque si on les a postés là, c’est pas pour qu’on en ait pitié, qu’on leur jette deux sous dans l’écuelle, qu’on s’en moque, qu’ils se chopent une aphonie. Debout, mon garçon ! Debout ! Et droit, et grimpe là-haut, que tout le monde mesure, et de loin, la considération qu’on te doit ! Qu’on nous doit.

Parce qu’ils sont bien plus que des majordomes sur un perron ou des fanions sur une guirlande. Ils sont emblèmes. D’un pays, d’une nation, d’une histoire. De grandes victoires et d’heures funestes. De torrents. Où il y a sang, larmes, sueur, espoir, promesses, bravoure, exploits, jougs, révolutions et libertés. Alors, rentrez-moi ce ventre nom de dieu, relevez le menton, bombez le torse, arrêtez de gémir comme une vieille bique et rasez-vous, c’est pas la cour des miracles ici !

Les drapeaux, ces icônes. Suaires universels, mais chacun le sien. Toujours à onduler, très fiers, où ça se regroupe, en foules, où ça converge, en grappes, et où du coup ça crie. Des ordres, de douleur, des lalalala héhéhééé, de peur. Toujours présents aussi quand l’heure est au recueillement, à l’adieu, au linceul. Mais chapeau ôté. Tête inclinée vers l’avant. Mains jointes à hauteur des hanches. Parlant peu. Eploré et dolent. En berne, donc profil bas.

Le noir-jaune-rouge belge ne fait pas exception. Il dit le canon et les crécelles, les héros et les étoiles, le chagrin et la liesse, le cuirassé et le cercueil, l’exploit et le sacrifice. Les libérations à célébrer et les grandeurs à exhiber. Noir-jaune-rouge. Pour la force-la sagesse-le courage. Pour un passé forcément sombre, un présent qui n’efface pas le prix qu’il a fallu payer et un futur sûrement de miel et de lait.

Sauf qu’à la base, il était rouge-or-noir, en bandes horizontales, inspiré du blason de l’ancien duché de Brabant : un lion d’or (jaune) sur fond de sable (noir), toutes griffes et langue (rouges) sorties. Et qu’il devrait être rouge-jaune-noir si on prend à la lettre l’article 193 de la Constitution. Mais il fallait se démarquer de la superposition des trois couleurs hollandaises et évoquer le modèle français, révolutionnaire lui aussi, donc on a verticalisé. Et on a collé le noir en premier pour harmoniser avec le pavillon de la marine.

Cette année, les bannières auront peu mis le nez à la fenêtre. Les masques et les statues ont pris toute la place. Mais on distingue dans leurs récits les mêmes olés et les mêmes holà. Les étendards, ça fait toujours un boucan d’enfer.

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