2009 : Elio Di Rupo lance en direct une exclusive contre Didier Reynders. © BENOIT DOPPAGNE/belgaimage

Le bluff du PS, c’est le « bain de sang social »

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

En campagne plus que jamais, les partis accommodent la réalité à leur propre sauce. Le Vif/L’Express n’est pas tout à fait d’accord. Voici pourquoi.

Durant sept semaines, focus sur un parti francophone en lice pour le scrutin du 26 mai prochain. Cette semaine: le PS.

La formule marqua un tournant dans le parcours d’Elio Di Rupo. Affaibli par les catastrophiques élections fédérales de 2007, il joua une carte désespérée à l’approche d’un scrutin régional de 2009. Elle le sauva, et son parti, aussi : sans les socialistes, ce ne serait plus simplement pire. Ce serait désormais, annonça gravement Elio Di Rupo qui prononça dans la foulée une exclusive envers le MR de Didier Reynders,  » un bain de sang social  » si les libéraux prenaient l’Elysette ou la ministre-présidence bruxelloise. Brandie avec énergie, la funeste prédiction remobilisa. Le PS ne s’effondra pas, et, soucieux d’ériger une digue entre les vagues de sang social qui auraient, sinon, noyé Bruxelles et la Wallonie, composa des exécutifs régionaux avec le CDH et Ecolo. Elio Di Rupo était reparti pour dix ans.

Mais depuis octobre 2014, son parti n’est plus au gouvernement fédéral, et il n’est plus au gouvernement wallon depuis août 2017. En toute logique, ses camarades et lui dénoncent inlassablement, depuis, des politiques libérales présentées comme injustes et sanglantes. Et sous le slogan à la trinitaire dignité ( » Protéger. Reconstruire. Vivre mieux ! « ) percent les hurlements à la charcuterie sociale. Comme le font les syndicats, mais aussi le PTB et Ecolo qui, eux, n’étaient pas précédemment associés aux bleus, ces si méchantes couleurs de bain de sang social. Or, quel est le bilan social des gouvernements Michel et Borsus ? Il est incontestablement, d’un strict point de vue socialiste,  » pire  » que si les socialistes en avaient été : les entreprises ont certes été cajolées, les cotisations sociales ont certes été contenues, voire baissées, et des économies linéaires ont certes été imposées à presque tout le secteur public.

Mais Charles (surtout) et Willy (aussi) ont-ils pour autant saigné le petit peuple francophone ? Certes, saut d’index et pension à 67 ans grèvent la qualité de vie de la grande masse des travailleurs et des allocataires. Certes, la suppression de certaines cotisations sociales, le tax-shift et la réforme de l’impôt des sociétés ont réduit l’assiette de l’Etat, donc la sécurité sociale. Mais, porté par une conjoncture favorable, Charles Michel a eu l’intelligence de ne pas le faire trop brutalement et de veiller à libérer du revenu net d’impôts pour les petits salariés, histoire qu’ils ne se sentent pas trop scandaleusement moins cajolés que les entreprises. Et les droits des chômeurs n’ont pas substantiellement plus reculé que lorsque ceux sans qui ce serait pire étaient encore au gouvernement fédéral, alors que le gouvernement wallon, qui voulait trancher dans les points APE, a rangé les couteaux.

Bref, le bain de sang social n’a pas vraiment eu lieu. Il est pourtant encore et toujours annoncé pour bientôt. Surtout si un gouvernement N-VA – MR succède au  » gouvernement MR – N-VA « , bien sûr.

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