Joyce Azar
Le bien-être animal, une compétence régionale que la Flandre a du mal à assurer
Certaines compétences acquises par la Flandre depuis la sixième réforme de l’Etat ne semblent pas être correctement assurées. Notamment dans le domaine du bien-être animal.
« Wat we zelf doen, doen we beter. » Cet adage, qui pourrait être traduit par « on n’est jamais si bien servi que par soi-même », a été prononcé en 1983 par le tout premier ministre-président flamand de l’histoire, Gaston Geens (CVP, ancêtre du CD&V). Depuis, l’expression est régulièrement utilisée dans le Nord du pays pour revendiquer davantage d’autonomie flamande. Mais aujourd’hui, le doute plane : certaines compétences acquises par la Flandre depuis la sixième réforme de l’Etat ne semblent pas être correctement assurées. Notamment dans le domaine du bien-être animal.
En six mois, trois cas de maltraitance grave ont été révélés en Flandre occidentale, dans les abattoirs de Tielt et Izegem. Les images choc, filmées en caméra cachée par l’organisation Animal Rights, heurtent jusqu’aux âmes les moins sensibles. Elles montrent des porcs, des poulets et des bovins roués de coups, mutilés, ébouillantés, ou encore égorgés sans avoir été décemment étourdis au préalable. L’indignation est générale, à commencer par celle du ministre flamand du Bien-être animal, Ben Weyts (N-VA). S’il semble particulièrement tenir à cette compétence acquise en 2014, d’aucuns s’interrogent sur l’efficacité de sa politique : que font donc les 22 inspecteurs flamands chargés de veiller sur le respect du bien-être animal dans les 70 abattoirs de Flandre ?
En Belgique, le découpage des compétences a rendu la lutte contre la maltraitance animale infructueuse
Face aux reproches, Ben Weyts a pointé du doigt l’Agence fédérale pour la sécurité de la chaîne alimentaire (Afsca). Officiellement, cette dernière emploie 600 vétérinaires chargés de contrôler en permanence la sécurité alimentaire dans les abattoirs. Mais selon le ministre flamand, ils » ne font pas ce que l’on attend d’eux » et n’imposent pas suffisamment le respect des règles sur le bien-être animal. L’Afsca réfute ces accusations, soulignant légitimement » ne plus avoir cette compétence depuis le 1er juillet 2014 « . Pour les vétérinaires du fédéral, la régionalisation du secteur a mené à une forme de vide politique, et les signalements qu’ils font parvenir aux autorités flamandes demeurent majoritairement sans réponse. Parallèlement, un autre problème se pose : il n’existerait toujours pas de loi encadrant le travail des inspecteurs flamands du bien-être animal. Les abattoirs qui se voient contraints de fermer leurs portes peuvent donc légalement contester cette sanction.
Les failles du système belge se manifestent une nouvelle fois : le découpage des compétences a rendu la lutte contre la maltraitance animale infructueuse. Un constat d’autant plus déplorable qu’en 2014, un audit réalisé par la Commission européenne avait conclu que les contrôles effectués par l’Afsca et les instances fédérales de la santé publique étaient efficaces. Désormais, la situation est bien moins rassurante pour les 860 000 bêtes abattues chaque année en Belgique.
Ben Weyts l’a promis : davantage de mesures seront prises en Flandre pour éviter de nouvelles dérives. Des plans d’action seront mis en place, des caméras installées dans les abattoirs, et des inspecteurs supplémentaires devraient être engagés, si toutefois le gouvernement flamand approuve ces dépenses additionnelles. En attendant que les » nouvelles » compétences flamandes soient enfin assurées, un basculement des mentalités semble en outre nécessaire. Car la responsabilité relève aujourd’hui de tous, tous niveaux confondus, des autorités aux patrons des abattoirs – étonnamment peu mis en cause – en passant par la grande distribution et bien évidemment, le consommateur.
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