Le 4 mars 1848, la Belgique s’offre un petit bout de Guinée
Bien avant l’expérience congolaise, notre pays s’exporte déjà outre-mer. Au milieu du XIXe siècle, pour des motifs commerciaux, les Belges mettent pied en Afrique.
Evidemment, c’est une autre époque. Dans cette première moitié du XIXe siècle, les territoires s’achètent, se vendent et se conquièrent sans scrupules. Et sans l’aval des populations concernées. Quant au concept de souveraineté, il ne s’adresse évidemment qu’aux Blancs. A l’époque, l’Europe est le centre du monde. Au point de s’étendre aux quatre coins de la planète.
La jeune Belgique n’échappe pas à ce mouvement. En 1837, lorsque l’impécunieuse Espagne met Cuba en vente, Bruxelles fait déjà offre. Londres s’empresse toutefois de décourager ses ambitions. Quelques années plus tard, alors que le Danemark se débarrasse de diverses possessions maritimes, les Belges montrent à nouveau leur intérêt. Mais au pays, la levée de fonds organisée pour l’occasion se solde par un échec. Même le roi Léopold Ier refuse d’investir ses deniers dans l’aventure.
Arrive un problème d’huile. En Belgique, c’est ce précieux liquide qui permet d’assécher les galeries souterraines et de faire tourner l’industrie charbonnière. Souci: depuis la sécession de 1830, les Belges ne peuvent plus compter sur l’huile des colonies néerlandaises. Sous la pression des milieux d’affaires, une expédition outre-mer est donc envisagée. Elle ne vise pas seulement à mettre la main sur de nouvelles matières premières ; ses instigateurs espèrent aussi installer un comptoir commercial qui permettrait de garantir des flux réguliers.
Dirigé par le lieutenant de vaisseau Van Haverbeke, la Louise-Marie, goélette appartenant à l’Etat, est envoyée en reconnaissance en décembre 1847. Après avoir longé Dakar, elle remonte à l’embouchure du Rio Nunez, en Guinée actuelle. La région est troublée: la tribu des Bagos, soutenue par les Français, s’oppose en effet à celle des Landoumas, protégée par les Anglais. Voyant arriver les Belges, l’ethnie des Nalous flaire l’opportunité. Leur chef, Lamina, entre en discussion avec Joseph Van Haverbeke. Il lui propose la souveraineté sur les deux rives du fleuve, depuis l’embouchure jusqu’à seize kilomètres à l’intérieur des terres. En échange, il demande aux Belges leur protection, ainsi qu’une somme d’argent et la promesse d’une rente annuelle. Le 4 mars 1848, au nom du roi, le lieutenant signe l’accord. Pour la plus grande gloire de son commerce, la Belgique devient coloniale.
En échange, Lamina demande aux Belges leur protection, ainsi qu’une somme d’argent et la promesse d’une rente annuelle.
L’ aventure ne sera pas inoubliable. Dès la fin de l’année, la région s’embrase à nouveau. Face à des Landoumas révoltés, les Belges sont contraints d’envoyer des troupes. Pour maintenir leurs positions, ils s’unissent aux Français. Mais l’agitation ne disparaît pas, Lamina cristallisant la rancoeur des chefs voisins. Alors que les échanges commerciaux sont en chute libre, Bruxelles finit par lâcher prise: en 1855, le gouvernement dénonce l’accord du 4 mars 1848, marquant la fin de cette brève expérience précoloniale.
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