Le 27 mars 1948, les femmes belges peuvent voter
La fin d’un long tunnel. En 1948, la valeur d’une citoyenne égale celle d’un citoyen. Mais à l’heure de se présenter dans l’isoloir, elles constituent encore une attraction.
C’est au lendemain de la Première Guerre mondiale que la question s’impose à l’agenda politique belge. Comme infirmières, résistantes ou travailleuses, les femmes ont largement participé à l’effort de guerre. Les récompenser s’impose. Mais divise. Leur offrir le suffrage? Carrément? Dans les états-majors des partis, on fait ses petits calculs. Les catholiques sont persuadés que les femmes leur apporteront des voix – ne dit-on pas qu’elles voteraient comme leur confesseur? Ailleurs, on a des doutes. C’est donc sur un compromis que l’on s’accorde: si les femmes seront éligibles dans toutes les assemblées, elles ne pourront voter que pour les communales.
Voilà donc les femmes devenues (partiellement) électrices. Alors, on se met à les charmer. Mais pas n’importe comment! Car les femmes ne sont pas des électeurs comme les autres ; ce sont… des femmes – c’est à dire des mères, des éducatrices, des ménagères… Pour obtenir leur voix, tous les stéréotypes y passent. A l’heure où il s’agit de reconstruire la mère-patrie, les femmes sont des cibles de choix. Que l’on invite d’ailleurs à voter surtout pour des hommes. Avant la Seconde Guerre mondiale, seules trois femmes sont élues députées.
Le conflit accélère le progrès. Cinquante-deux ans après la Nouvelle-Zélande, vingt-sept ans après le Royaume-Uni, quatorze ans après le Sri Lanka (mais soixante ans avant le Koweït), la Belgique ne peut rester au ban des avancées de la démocratie. En 1945, la Charte des Nations unies exclut d’ailleurs toute discrimination basée sur le sexe. Les Belges prennent toutefois leur temps: au lendemain de la Libération, l’élaboration de la sécurité sociale, le règlement de la Question royale et les questions d’approvisionnement constituent des dossiers largement prioritaires. Ce n’est que le 27 mars 1948 qu’est signée la loi accordant le suffrage législatif aux femmes.
La corvée dominicale qu’on leur a imposée ne paraissait pas les combler d’enthousiasme.
Arrive le grand jour. Le 26 juin 1949, les femmes se rendent aux urnes en vue d’élire leurs parlementaires. Pour les journalistes, elles constituent une forme d’attraction pittoresque. Le lendemain, dans les journaux, on souligne qu’elles ont été « à l’école de la politique », mais que « la corvée dominicale qu’on leur a imposée ne paraissait pas les combler d’enthousiasme ». Ici, on salue la façon dont « nombre de votants féminins (sic) ont minutieusement réglé leur emploi du temps pour placer leur devoir électoral qui vers l’heure d’une messe, qui sur le moment d’un achat ». Ailleurs, on s’intéresse aux « jeunes filles », dont on relève « l’allure joyeuse certes » mais aussi « toute la gravité que comportent la situation et leur nouvelle dignité ».
En 1949, enfin, le poids des femmes égale celui des hommes. Longtemps encore, pourtant, c’est dans un monde dominé par les hommes qu’elles devront vivre. Et ce n’est pas fini.
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