Carl Devos
Le 16, rue de la Loi, étrange repoussoir
Pour la première fois de mémoire d’homme, le CD&V n’a pas de candidat Premier ministre. Pourtant, il est l’un des trois partis qui, selon les scénarios les moins improbables, sont susceptibles de pourvoir au poste. Le PS est en lice également. Et, dans un scénario exceptionnel, bien plus improbable, on peut en dire autant de la N-VA.
Du côté du PS, on affirme qu’il ne faut pas prendre pour acquis que le parti ambitionne toujours le 16 rue de la Loi au lendemain des élections de mai prochain. Tout dépend du prix que le parti devra payer en 2014 – sur son flanc gauche surtout – pour le travail d’économie et de réforme accompli par le gouvernement Di Rupo. De plus, des motifs et ambitions personnels interviennent aussi.
Si le poste de Premier devait revenir à un parti flamand, par exemple parce que le PS ne peut ou ne veut pas l’occuper, le CD&V figurerait au premier rang pour prendre le relais. Mais, au nom de la modestie, les sociaux-chrétiens flamands se refusent à proposer un candidat. L’électeur doit d’abord s’exprimer. Si l’intention est belle, on peut se demander si elle est logique.
Le CD&V n’a pas de candidat Premier ministre mais un candidat ministre-président régional. Lors de sa réception de Nouvel An en janvier – quinze mois avant les élections donc -, le CD&V avait annoncé que Peeters était son seul ténor, tant au niveau flamand qu’au fédéral. Ensuite, ce même Peeters a indiqué qu’il n’avait aucune ambition fédérale. Si le CD&V n’a pas de candidat Premier mais qu’il a un candidat ministre-président, il ne peut pas le justifier par la « modestie » ou par son respect de l’électeur. La probabilité que Kris Peeters recueille davantage de voix de préférence que Bart De Wever dans l’arrondissement électoral d’Anvers est grande, la probabilité que la N-VA batte le CD&V en nombre de sièges au parlement flamand l’est tout autant. Si le CD&V ne paraît pas devenir le plus grand parti de Flandre, pourquoi dès lors présenter un candidat à ce niveau ? Au plan fédéral, il s’en abstient pour cette raison. L’électeur ne doit-il pas se prononcer d’abord au niveau flamand ? D’une certaine manière donc, la probabilité que le CD&V doive fournir le chef du gouvernement au niveau fédéral est au moins aussi grande qu’au niveau flamand : la N-VA siégera plus rapidement dans le gouvernement flamand (revendiquera-t-elle le poste de ministre-président en tant que plus grand parti ?) que dans le gouvernement fédéral. Et c’est ainsi que le CD&V entre en ligne de compte comme plus grand parti flamand au fédéral : il aura probablement 50 % de chances d’occuper le 16.
Pour l’heure, les plans de De Wever ne sont pas clairs, mais la semaine dernière, il a fait une légère ouverture dans le sens d’une candidature pour le 16. Il paraît contre-intuitif que le CD&V, qui plaide pour « un confédéralisme positif » ou pour un fédéralisme de coopération, semble montrer moins d’intérêt pour le poste de Premier ministre qu’un parti séparatiste qui plaide pour le vrai confédéralisme en guise de solution intermédiaire. Alors que dans les textes de son congrès, cette même N-VA traite en parent pauvre le niveau flamand pour lequel elle se bat tellement.
Si De Wever dit qu’il veut diriger le gouvernement fédéral, c’est pour mieux souligner l’importance que revêt ce niveau dans les plans de la N-VA : ceux qui veulent le confédéralisme et donc souhaitent éliminer le fédéralisme doivent le faire depuis le niveau fédéral. Il jette tout son poids dans la bataille où la N-VA éprouve la plus grande opposition. N’est-il pas fort étrange, dès lors, que les partis qui disent vouloir défendre le niveau fédéral – le PS et le CD&V – ne souhaitent pas avancer de candidat Premier ministre ?
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